Littérature étrangère
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La main d’Iman: espoir et réconciliation sont-ils toujours possibles?

« […] comme la plupart des choses d’une très grande beauté, elle inspire le désir de la posséder. Mais sa beauté parvient justement du fait qu’elle n’appartiendra jamais à personne. »

Sans que je ne sache trop pourquoi, ces mots issus de la quatrième de couverture me bouleversent. Sans que je ne sache trop pourquoi, La main d’Iman demeure un chef-d’œuvre de l’indicible pour moi. Objet de mon mémoire de maîtrise, les passées années à l’étudier n’ont pas réussi à élucider les raisons du bouleversement qu’il opère en moi. J’y lis la beauté, au sens le plus pur et métaphysique, tout comme j’y trouve aussi l’horreur insaisissable propre à l’espèce humaine.

Écrire ce mémoire et en accoucher furent des épreuves dont je me remets encore. Je crois être enfin prête à tenter cette « lettre d’amour » à cette œuvre dont j’ai su, quand que l’ai lue en début de bac, qu’elle m’accompagnerait jusqu’à la fin de mes études et plus encore. À ce jour, je n’ai jamais refait la rencontre d’un tel phénomène littéraire.

L’histoire

Parce que la littérature, c’est ça. L’histoire au niveau micro. La main d’Iman est l’histoire contemporaine d’une jeunesse africaine pauvre, orpheline, rêveuse, humblement humaine, aux prises avec les résidus malsains et stagnants de la colonisation européenne. Un portrait rafraîchissant de jeunes qui, comme n’importe quels adolescents du monde, aspirent à mieux pour eux et pour leur futur. À la différence des autres, ils sont pour la plupart sans famille, sans moyens; des handicapés sociaux qui n’ont pas eu le luxe de l’amour inconditionnel d’un parent.

Le récit s’enracine autour d’un trio: Toumani, vendu par ses parents; Alyssa, « prêtée » afin d’être éduquée contre la promesse de retourner les fruits de son labeur à sa famille; Iman, dont le teint métissé agit sur son entourage au-delà de sa volonté, comme bénédiction ou malédiction. Se tissent autour de ces trois jeunes les récits des générations qui les ont précédés. En définitive, le roman devient une tragique toile intergénérationnelle soulevant diverses questions sur l’existence du choix et sur l’inéluctable.

La forme

Je crois que c’était la première fois que je rencontrais cette forme narrative. C’est sans contredit l’une des principales forces de ce fabuleux roman. Chaque chapitre est rédigé à la première personne. Toutefois, chaque chapitre est la voix d’un personnage, chacun révélant son point de vue sur Iman. Ce dernier se dresse entre eux comme leur totem, seul être qui n’a pas de voix, seul être qui n’existe qu’à travers le regard des autres. Il est déterminant dans la vie de tous, étant l’anomalie et l’abnégation incarnée.

Cela se reflète jusque dans la narration, insaisissable et néanmoins parfaitement cohérente. On veut s’approprier Iman au même titre que les personnages qui gravitent autour de lui. Cependant, il n’appartiendra jamais à personne.

Mon mémoire s’est articulé, entre autres, autour des théories postcoloniales et féministes. Cette œuvre est à mon avis une fenêtre perçante et percutante sur l’Afrique contemporaine. Les personnages féminins sont renversants et les conséquences de la colonisation disséminées dans le roman ne peuvent être ignorées.

Ce livre est un hymne à la liberté et à l’espoir, et le lecteur sentira à quel point ces deux choses sont des privilèges qui n’ont, littéralement, pas de prix.

Avez-vous un livre pour lequel, dès la première lecture, vous saviez qu’il vous accompagnerait chèrement jusqu’à la fin de vos jours?

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