La quatrième de couverture troublante de Nos morts, par l’écrivaine Valérie Carreau, laisse difficilement indifférent:
«Neuf ans après la mort de ma fille, j’ai tenté, à partir de mes journaux intimes de l’époque, des faits et des dates qu’il me restait, de recomposer l’histoire de la courte vie de Laurence, afin de raviver mes souvenirs.»
Que ce soit parce que j’ai moi-même vécu la perte d’êtres chers, que ce soit parce que la mort est un sujet qui m’apparaît inépuisable ou simplement parce que la quête à travers le deuil de Valérie m’a profondément touchée, j’ai eu envie de me plonger dans ce récit, et j’ai d’ailleurs bien fait.
Raviver la mort
Laurence, c’est la fille de Valérie Carreau. Un être minuscule qui décède quelque 22 jours après l’accouchement de la mère, en raison de complications médicales. Les parents, les amis et la famille en sont évidemment troublés.
«Le 26 septembre: « J’ai envie de crier, de vomir. J’ai d’affreuses migraines. J’ai des idées noires, des images de mort. » L’état de Laurence se détériore.»
Toutefois, c’est derrière cette évidence de la peine immense, derrière l’inévitable choc de la mort imminente, puis réelle, de Laurence que le récit de Valérie prend forme: dans le deuil, oui, de sa fille, mais surtout dans l’exploration et la peur de l’oubli de son existence, neuf ans plus tard.
Les pages de ce court livre se vouent donc à raviver la mémoire de Laurence, la douceur de sa peau, la courbe de ses lèvres, ses pyjamas portés si peu de fois, l’image de son corps intubé pour sa survie… Parce que sinon, c’est comme si elle n’avait pas existé, et il faut qu’elle ait existé.
Une telle douleur ne s’invente pas à partir de rien.
Marquée par les autres
Les chapitres du récit portent surtout des noms: ceux de Laurence puis de Valérie, la mère et autrice, mais aussi ceux des amies qui ont su épauler à leur manière le couple dans cette période difficile.
«Quand revient l’automne, j’éprouve de la nostalgie, plutôt que de la peine. Je regrette ces moments où nous étions ensemble, réunis pour le même combat, espérant la même chose.»
Déjà écrivaine avant cet événement, c’est l’écriture qui permet entre autres à Valérie de traverser son état d’engourdissement vers le mouvement, vers un retour à la vie.
En s’inspirant de ses journaux, elle peut donc nous rappeler les détails qui l’ont animée alors qu’elle n’était même plus en mesure de manger autre chose que de la soupe, incapable de mastiquer.
J’ai trouvé touchant que les gestes qui ont le plus réconforté Valérie, neuf ans après et à l’époque, furent d’une simplicité immense: un pain aux bananes encore chaud apporté par une amie à l’hôpital, des paroles remémorées et prononcées par sa mère des années avant son accouchement ou des hasards qui ont pu donner un sens à ces moments douloureux.
Faire le pont
Le don de soi est assez présent tout au long du récit et c’est d’ailleurs grâce à cela, entre autres, que la mère endeuillée parvient à dominer la solitude qui l’habite. Chacun vit des deuils et, à un certain point, on a presque l’impression que l’autrice est obsédée par le parcours des gens autour d’elle relativement à la mort. Ce qu’on constate surtout, c’est que la mort est plus près de la vie qu’on aimerait le croire, et plutôt que d’être source d’angoisse, elle nous permet d’en apprécier chaque instant.
À la vitesse de Valérie, la lecture permet aussi de retrouver une certaine paix avec les événements troublants qui traversent nos vies. Ce n’est pas sans effort qu’il est possible de renouer avec le passé et l’autrice illustre à merveille l’importance de mettre du sien dans le processus, de s’investir jusqu’à se rendre vulnérable, si on veut changer véritablement.
Une petite pièce de philosophie! Je suis sincèrement heureuse que ce récit existe. Il m’a procuré une douceur sans nom.
Et vous, quel livre vous permet de mettre un baume sur le cœur ?
Le Fil rouge tient à remercier chaleureusement les éditions Marchand de feuilles pour le service de presse.