Ru ou le Récit d’une mémoire fragmentée
L’expérience de l’exil est, dans la littérature migrante québécoise, liée fortement au thème de la mémoire (1), mais celle-ci est présentée comme brisée, clivée et fragmentée. Le roman Ru de Kim Thúy est porteur de cette mémoire problématique tout en ayant la volonté de la partager et de la faire vivre. C’est ainsi que la narratrice nous transporte au fil des récits dans son enfance au Vietnam, son expérience traumatisante à bord des « boat people », son séjour de quatre mois dans des camps de réfugiés et enfin son arrivée au Québec, où elle s’installera définitivement. Les récits touchants, difficiles, parfois nostalgiques ou anecdotiques qui composent Ru se lisent pourtant comme l’eau douce d’une rivière qui s’écoule lentement, d’ailleurs le mot ru en français signifie, l’auteure le dit, « petit ruisseau » et « écoulement » au sens figuré. Les récits nous touchent et s’insèrent en nous sans nous faire mal, et pourtant les souvenirs racontés sont loin d’être doux. C’est que Ru est ficelé avec tant de finesse qu’une lecture seule ne nous est pas suffisante pour être réellement apte à mettre le doigt …


