Je rêve de tranquillité. J’aimerais enfourcher ma bicyclette volante et partir loin de tout, loin des angoisses, des peurs, de l’automne qui commence, des gens trop pressés, des gens qui n’acceptent pas la différence, des enfants qui crient trop fort dans les bibliothèques et des femmes égoïstes qui laissent leur sac à main sur le banc de l’autobus lorsqu’il y a des dizaines de passagers debout.
Excusez-moi, est-ce que je pourrais m’asseoir ici?
J’ai le droit à un air bête. Elle se tourne vers la fenêtre de l’autobus et regarde à l’extérieur. Et moi, je rage de l’intérieur. Ça ne se finira pas comme ça! Oh que non. Je prends son sac et le lance sur ses jambes. Elle me regarde, ahurie. Je m’assieds et je lui fais, à mon tour, un air bête.
En fait, ce n’est pas vrai. J’ai menti.
La situation ne s’est pas vraiment déroulée de cette manière.
J’ai plutôt continué à rager de l’intérieur et essayé de lui jeter un mauvais sort en répétant dans ma tête les formules magiques de Harry Potter. Et, à mon grand étonnement, ça ne fonctionnait pas. Elle ne s’est pas transformée en crapaud, ni en cochon, ni en souris. Malheureusement. Elle restait là, assise, bien confortablement sur son petit banc d’autobus, avec son sac à main qui semblait rire de mes deux jambes qui tentaient de garder leur équilibre.
Je la fixais et je rageais contre elle.
Il y a des journées comme ça où un rien vous tape sur les nerfs, où la terre entière semble vous jouer des tours, vous tester, vous narguer. Des journées où vous avez cette impression déplaisante que tout le monde est contre vous et que vous êtes, également, contre tout le monde. Des journées, bref, où vous auriez mieux fait de rester couché.
Un vieillard est rentré, par la suite, dans l’autobus. La canne à la main, le dos courbé, il était à peine capable de se déplacer. Ma rage contre la dame à l’air bête a alors redoublé d’efforts. Toute mon énergie était dirigée contre elle, contre son satané sac à main. J’aurais aimé qu’elle croise mon regard qui lui lançait des éclairs. Et j’aurais surtout aimé lui dire calmement, poliment que l’autobus ne lui appartenait pas, qu’elle devait penser aux autres qui partageaient avec elle, le temps d’un instant, ce véhicule.
Mais j’en étais incapable. Ma timidité s’amusait à figer tout mon corps. J’ai plutôt pensé à mille et un scénarios à comment j’aurais dû, j’aurais pu lui dire ma façon de penser. J’aurais tellement aimé en être capable. Avoir le courage d’ouvrir une fenêtre, prendre son sac à main et le lancer à l’extérieur pour que le vieillard puisse (enfin!) s’asseoir.
En sortant de l’autobus, afin de calmer ma rage intérieure un peu excessive, j’ai poursuivi mon rêve à bord de ma bicyclette volante. Je suis allée parcourir les fleurs de la Côte d’Azur, m’embaumer de leur parfum exquis et regarder du, haut du ciel, l’océan. J’ai traversé la forêt de bambous de Kyoto, en essayant de frôler, du bout des orteils, la cime des arbres, pour ensuite, en pédalant le plus vite possible, survoler le désert, les cactus et les rochers orangés de l’ouest des États-Unis.
J’ai pédalé jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à avoir tout oublié. Même la dame à l’air bête. Même mon désir de lui lancer son sac à main en pleine figure. Même ma frayeur de parler devant une classe entière. Même ma peur de rester seule dans le noir. Même ma crainte de me faire juger pour ce que je suis.
Alors, juste un peu encore, laissez-moi rêver.
Ça fait deux ou trois textes que je lis (je viens de découvrir le fil rouge) dans lesquels je me retrouve et ça me fait du bien, ça fait du bien de voir que je ne suis pas la seule à penser d’une certaine façon. Alors merci pour ces beaux partages !
🙂
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Wow merci pour ce super commentaire 🙂 Ça fait chaud au coeur !
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Merci pour ce beau commentaire! Ça me fait du bien aussi de voir que je ne suis pas la seule à penser de cette manière 🙂 !
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