Douce pluie qui tombe et glisse lentement le long de ma fenêtre. Le ciel est gris et triste. Mon regard est fixé sur mon café à moitié bu, à moitié vide. Je bois trop de café. Mon cœur va sûrement lâcher. Mais, pour l’instant, il est capable de battre aussi vite que s’il se trouvait face à une horde de zombies affamés.
Pourtant, il n’y a pas de zombies.
Alex respire. Inspire, expire, inspire, expire. Non, pas comme ça. Tu vas trop vite. Recommence. Inspire, expire. Je n’y arrive pas. Pense à des fleurs, à un champ de tournesols, à des papillons, à des petits gâteaux et des arcs-en-ciel.
J’essaie, mais ça ne fonctionne pas.
Mon cœur continue de battre au rythme d’un train grande vitesse. Et voilà les larmes qui se mettent de la partie. Je pleure, le souffle court, les mains qui tremblent et le corps sans contrôle. Mais pourquoi tout ce drame? Seulement à cause d’une agrafeuse? Ne ris pas de moi, je ne me comprends pas, moi-même. Il faut absolument que je trouve cette agrafeuse. Je dois agrafer un travail que j’ai à remettre aujourd’hui à l’école et, dans une heure à peine, je dois partir.
Je me sens comme Jack Torrance. Ma tête tourbillonne, papillonne, va dans tous les sens, c’est la tempête. Je ne vois que du noir. Et si je remettais mon travail sans agrafe et que le professeur perdait une des pages… Il n’y comprendrait rien et j’aurai un C. Ou pire un E.
All work and no play makes Alex a crazy girl.
All work and no play makes Alex a crazy girl.
All work and no play makes Alex a crazy girl.
Trouver l’agrafeuse, trouver l’agrafeuse. Ça se répète dans ma tête et voilà que ça devient une obsession. Elle n’aura pas raison de moi, je la trouverai, peu importe où elle se cache! Pas question qu’elle ne m’échappe, pas question qu’elle me file entre les doigts. Parce que, oui, c’est évident, elle doit s’amuser à se dissimuler comme un caméléon dans le bordel de ma chambre et à rire de mon visage rouge de colère où deux jolies traces de mascara sillonnent mes joues.
Je suis folle et je ressemble, en plus, à Alice Cooper. Nice.
L’heure avance trop rapidement. Et regarder les aiguilles de mon horloge se déplaçant au rythme d’un « tic, tic, tic » effréné ne fait qu’empirer la cadence des battements de mon cœur. J’ai l’impression qu’il va sortir de ma poitrine comme dans les dessins animés.
À la place de me raisonner, je choisis de laisser mon esprit s’enivrer, de laisser la panique s’emparer de moi, de laisser mon anxiété prendre le dessus. Parce que je pourrais, au lieu d’entretenir cette obsession bizarre et me faire vivre des émotions déplaisantes, trouver un million de solutions, mais il s’agit maintenant d’une question d’orgueil : « je trouverai cette agrafeuse! ».
Dans ma chambre, je fouille dans mon tas de linge, je lance mes vêtements en espérant tomber sur ladite agrafeuse. Je tapote mon bureau, tasse les feuilles éparpillées, ouvre les tiroirs, referme les tiroirs, puis les ouvre à nouveau. Rien. Je m’assois sur le sol et pleure doucement. Je pleure parce que j’en ai assez d’être comme je suis, de stresser pour un rien ou plutôt pour tout, de me réveiller le matin et d’angoisser sans même savoir pourquoi, de me sentir impuissante face à toutes ces pensées qui se bousculent dans ma tête.
Mais ça suffit. Il faut que je me calme, ça ne sert à rien, je dois reprendre le dessus, remonter à la surface et respirer. Je retrouve mon souffle. Et, sans trop savoir pourquoi, je lève les yeux vers ma bibliothèque qui se trouve juste devant moi. Puis, je la vois, enfin. Comme illuminée par une aura divine, elle est là, sur une des étagères, confortablement accotée sur quelques-uns de mes livres. Je la prends, soulagée.
Et je pars tranquillement, en route vers l’école, mon travail (très, très bien agrafé) à la main en riant parce que je me trouve parfois vraiment absurde.