Bande dessinée et roman graphique
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C’est toi ma maman ? : Quand Alison Bechdel me charme encore

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Il y a déjà quelques mois, je vous parlais ICI du roman graphique Fun home : une tragicomédie familiale écrite et dessinée par Alison Bechdel que j’ai complètement adorée. Tout d’abord, il faut savoir que Bechdel est une féministe et une bédéiste engagée, il suffit de penser à La règle de Bechdel qui analyse les films en fonction de leurs rapports avec les femmes. Marjorie vous en parlait ICI. J’ai tellement aimé Fun home que j’étais un peu anxieuse lors de la lecture de C’est toi ma maman ? parce que je souhaitais tant retrouver ce mélange de bonheur et de tristesse qu’avait suscité en moi la lecture de Fun home. Or, je n’ai pas été déçue, ce deuxième roman graphique, traduit en français en 2013 chez les éditions Denoël, m’a tout autant charmé.

Sa façon de travailler reste la même, elle continue de mélanger la bande dessinée au récit autobiographique. Dans Fun home, elle s’intéressait à son rapport avec son père, tandis que cette fois-ci, elle traite de sa relation maternelle. Or, ce que j’adore dans ces deux romans graphiques est la transparence de Bechdel. Elle nous dit clairement que l’écriture est douloureuse, car elle plonge entièrement dans sa vie. Dans le cas de C’est toi ma maman ?, c’est encore plus vrai, car sa mère est encore vivante lors de la rédaction (contrairement à dans Fun home où son père était décédé). Ce n’est quand même pas anodin, à mon sens, d’écrire sur la relation maternelle de manière franche et jamais idéalisée en sachant que le sujet principal – dans ce cas-ci, la mère – lira et analysera le manuscrit, car, oui, une place importante du roman graphique est laissée à la construction du récit. Bechdel nous livre ses discussions avec sa mère, ses craintes, ses réflexions et ses questionnements face à ce qu’elle peux dire et ce que je veux dire.

Dans les deux romans graphiques de Bechdel, j’ai apprécié cette place qu’elle donne à la construction du récit et à l’écriture. La réflexion est d’autant plus intéressante que, comme dans Fun home, Bechdel a recourt à ses lectures précédentes pour maintenir ses propos. Que ce soit Colette, Virginia Woolf et même Freud, elle ajoute à son écriture des références culturelles, historiques et littéraires qui viennent ponctuer ses réflexions liées à sa relation maternelle (et à la maternité), à la place de la femme en écriture et à la place de la psychanalyse.

Effectivement, une bonne partie du roman graphique se passe dans les bureaux de la psychanalyse de Bechdel. Cette dernière fait encore une fois preuve de grande sincérité en nous emmenant directement dans le bureau de sa psychanalyse. Ensemble, elles essaieront de comprendre le rapport complexe entre Bechdel et sa mère. De plus, Alison Bechdel apporte une place importante à l’histoire et à la théorie, et tente de bien expliquer à ses lecteurs ce qu’est la psychanalyse. Ce qui peut sembler lourd à certain moment, car le but de cette lecture est surtout de plonger dans la vie de Bechdel, est tout de même bien ficelé, car elle réussit avec simplicité à vulgariser les grandes lignes de la psychanalyse.

Je dois avouer que j’ai préféré Fun home dans son approche plus rétrospectif et initiatique, car on voyait une Alison enfant, adolescente et jeune femme. Dans C’est toi ma maman ? elle est plus mature et le récit s’apparente moins à celui d’une initiation. Sa relation autant avec sa mère qu’avec son père était complexe et conflictuelle. On sent à travers l’écriture de Bechdel, une transparence face à sa difficulté de raconter et  on sent surtout que l’écriture et le dessin lui servent d’échappatoire et de libération.

Quant au dessin, il est encore une fois, franc, simple, mais tellement joli. Bechdel accorde une importance ultra à la justesse de ses dessins et de ses traits. On sent comme dans Fun home, le côté un peu photographique du dessin et à mon sens, cela apporte une touche de franchise et de sensibilité au roman graphique.

Ces deux romans graphiques se doivent d’être lus, autant pour la réflexion liée à l’écriture et à l’autobiographie que pour l’intelligence des références. On passe de Woolf à Freud dans C’est toi ma maman ?, tandis qu’on passait de Proust à Camus dans Fun home. Le savoir littéraire, tout comme la rigueur théorique et historique de ces deux oeuvres témoignent d’autant plus du travail si rigoureux de la bédéiste. Alison Bechdel a aussi une histoire familiale complexe qui crée des situations de tragi-comédie et de drame comique.

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Lectrice invétérée, Martine est bachelière en études littéraires et la cofondatrice du Fil rouge. Créative et inspirée, elle a l’ambition de faire du Fil rouge un lieu de rassemblement qui incite les lectrices à prendre du temps pour elles par le biais de la lecture. Féministe, elle s’intéresse aux paradoxes entourant les mythes de beauté et la place des femmes en littérature. Elle tentera, avec ses projets pour Le fil rouge, de décomplexer et de dédramatiser le fait d’être une jeune adulte dans une société où tout le monde se doit de paraitre et non d’être. Vivre sa vie simplement et entourée de bouquins, c’est un peu son but. L’authenticité et l’imperfection, voilà ce qui lui plait.

4 Comments

  1. Moi qui a beaucoup aimé Fun Home, je me dis, après la lecture de ton excellent billet, que je vais poursuivre l’aventure et mettre la main sur C’est toi ma maman? Par ailleurs, BRAVO, votre blogue est magnifique et très inspirant.

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  2. Ping : DÉFI BOUQUINERIE JOUR 18 : Découvre une nouvelle bande dessinée | Le fil rouge

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