Lorsque j’ai débuté l’université, je me suis mise à m’intéresser au féminisme et, comme n’importe qui désire en apprendre davantage, je suis tombée sur Simone de Beauvoir. Je me souviens en avoir entendu parlé au cégep dans mes cours de philosophie où on la nommait à côté de Sartre en nous parlant d’engagement et d’existentialisme.
Déjà, j’étais curieuse d’en apprendre davantage à son sujet. J’ai donc lu le grand classique du féminisme Le deuxième sexe (en diagonale à certains moments, je vous l’avoue, particulièrement où on y traite de biologie…). (J’en ai parlé ICI). Et depuis, je m’intéresse beaucoup à la femme derrière le grand Sartre et derrière leurs écrits. Ça m’a toujours un peu énervée de voir que de Beauvoir était réduite à la compagne de Sartre. On ne pouvait faire autrement que de nommer Sartre en parlant de Simone. Dans le documentaire, Une femme actuelle (disponible en ligne) où on est supposés s’intéresser à Simone, on ramène toujours son existence et son talent à celui de Sartre.
C’est ainsi que m’est venu le désir de comprendre qui était réellement Simone. Jamais je n’oserai dénigrer Jean-Paul Sartre, que j’aime aussi (Huit clos est une pièce de théâtre extraordinaire) et que je respecte, sauf que parfois, la féministe en moi aurait envie d’entendre parler de de Beauvoir sans lui.
Gros préambule pour dire finalement que je suis tombée sur le livre Beauvoir in love d’Irène Frain. Dans ce texte, cette auteure française s’est intéressée à la relation amoureuse, ou devrais-je dire passionnelle, entre Simone et Nelson Algren. On entend rarement parler des autres histoires amoureuses de de Beauvoir, et ce, même si tout le monde sait qu’entre Sartre et de Beauvoir, il existait une entente où ils étaient les amours nécessaires, mais où pouvait exister des amours contingentes. Nelson Algren a donc été une des plus grandes histoires d’amour contingente de Simone.
D’emblée, je l’avoue, je suis toujours un peu perplexe et craintive, quand je lis des romans inspirés de faits réels. L’auteure, Irène Frain, nous informe bien qu’elle a lu les correspondances, les romans, les faits historiques pour y construire son histoire, mais je reste tout de même convaincue que la vraie de vraie histoire, elle habite entre eux seuls : Simone et Nelson. Voilà pourquoi, il faut débuter la lecture de Beauvoir in love avec en tête le fait que le récit reste de la fiction. Il faut en prendre et en laisser.
L’histoire raconte donc la rencontre entre l’auteur américain Nelson Algren et Simone de Beauvoir à Chicago. Elle est appelée à se rendre aux États-Unis où elle doit donner des conférences et c’est suite à une recommandation d’une amie qu’elle se décide à téléphoner Nelson qui pourra l’aider à écrire son livre sur les bas fond de l’Amérique.
Leur première conversation, assez cocasse, car Nelson ne comprend rien de l’accent de Simone ne laisse pas planer un avenir commun. On reconnaît l’entêtement et la force de caractère de Simone, car elle continue à bien vouloir se faire comprendre et à vouloir rencontrer Algren.
C’est ainsi que débute une histoire d’amour entre ces deux-là. Nelson Algren était un écrivain torturé, dépressif, extrêmement attiré par les femmes et profondément amoureux de Simone. On comprend au fil du récit que ce n’était pas dans ses habitudes d’aimer, de laisser quelqu’un entrer dans son petit studio. Algren est tombé amoureux de Simone et a voulu en faire sa femme, ce qu’elle a refusé.
Au même moment, Simone est soumise au désir de Sartre qui l’envoie aux États-Unis pour lui permettre de vivre son histoire d’amour contingente avec Dolorès de manière plus libre (malgré leur pacte des amours contingents, la jalousie existe tout de même!) et la fait vivre financièrement. Elle tombe amoureuse de Nelson et sous son emprise sexuelle et amoureuse, car Nelson est clair, il veut faire de Simone sa femme.
Voilà le génie de de Beauvoir, écrire Le deuxième sexe au même moment où elle est coincée entre la domination et la dépendance de ces deux hommes. D’un sens, elle dépend de Sartre qui lui remet l’argent nécessaire pour sa vie quotidienne, ses voyages, etc. De l’autre, elle est passionnément amoureuse de Nelson, mais sent qu’il veut faire d’elle ce qu’elle refusera d’être; une femme mariée.
Néanmoins, leur amour résistera et sera réel. Simone décidera même de se faire enterrer avec Sartre, mais avec la bague de Nelson au doigt. J’ai trouvé très intéressant d’en apprendre davantage sur les relations amoureuses contingentes de Beauvoir et de Sartre. Irène Frain a réellement fait un travail de relecture et de recherche intéressant. (Pour en apprendre plus sur sa méthode de travail, voici une entrevue avec l’auteure fort intéressante).
J’aime le fait que Simone est démontrée de manière complexe, il y a de Beauvoir et le Castor, l’écrivaine et l’amoureuse. Le contexte historique et surtout personnel de l’écriture de Le deuxième sexe est aussi fascinant. Beauvoir est consciente des inégalités et de la dépendance masculine des femmes en ce qui concerne les relations amoureuses et financières, car elle en est elle-même victime. Or, elle devient l’emblème même de la révolte féministe d’une époque en dénonçant les inégalités dont les femmes sont les victimes et réussi, par le fait même, à signer un des ouvrages les plus lus et intemporels du féminisme, inspirant.
Pour continuer sa réflexion :
La force des choses, Simone de Beauvoir
Lettres à Nelson Algren, Simone de Beauvoir
Les mandarins, Simone de Beauvoir
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Beauvoir in love, Irène Frain, Éditions j’ai lu, format poche ou Michel Lafond, 2012
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