Irène Frain est une auteure bien prolifique que je ne connaissais que très peu, moi qui avais seulement lu Beauvoir in love. Elle publie presque un livre par année depuis 1979, ce qui est ma foi fort impressionnant. Sa page Wikipédia m’a aussi appris qu’on avait la même date de fête, mais je doute que ce soit vraiment nécessaire de vous le mentionner. 😉
J’ai eu la chance de découvrir cette auteure pour la deuxième fois, avec son tout nouveau roman, La fille à histoires, publié en 2017. Dans ce texte, elle aborde la relation qu’elle a eue avec sa mère, et plus précisément la place de l’écriture et de la lecture dans leur famille.
Le prénom
Ayant été prénommée le même nom que l’amante de son père, Irène a avec sa mère des rapports extrêmement conflictuels et difficiles. De plus, sa famille est très modeste et l’écriture est un sujet fort tabou. Elle est la troisième fille de ses parents. Au fil du temps, elle comprend qu’elle est arrivée après que sa mère ait compris que son mari n’était pas amoureux d’elle. Irène naît aussi au moment où sa mère espérait changer de logis, où elle avait le projet de « faire bâtir » un domicile mieux adapté à la vie familiale.
Elle en vient donc, d’une certaine manière, à moins aimer cette troisième enfant, qui non seulement est le symbole de l’échec de son mariage, mais qui porte le prénom de celle qui les a séparés. Or, ce n’est pas parce qu’elle n’a pas cherché à aimer sa fille. Irène le mentionne souvent, sa mère a voulu l’aimer, elle n’y est tout simplement pas arrivée. Les passages dans lesquels elle raconte que sa mère conservait des copies de ses romans sont touchants et m’ont semblé démontrer cette tentative de la mère, d’aimer. D’aimer mal, certes, mais d’aimer.
Ne pas être aimé de sa mère ou de son père est tristement banal, le monde est peuplé de fils et filles qui ne s’en consolent pas. Mon histoire avec ma mère — l’origine de mes histoires — est un peu plus singulière. Elle aurait bien voulu m’aimer. Elle n’a pas pu.
Tout comme sa mère, elle a souffert de cette distance, de ce manque d’amour, et c’est ce qu’elle décide de raconter dans ce roman très personnel. Elle nous explique la lourdeur de leur relation et surtout, de la distance grandissante qui se crée lorsqu’Irène devient écrivaine. Ses parents ayant toujours été réfractaires à l’écriture, à l’art en général, écrire est un geste courageux et de survie pour cette jeune Irène. Elle l’exprime ainsi : elle se créera des mères de papiers par l’écriture.
Il y a dans ce texte une écriture très à fleur de peau, et ce, dans la façon d’Irène de parler de ses parents, de sa mère en particulier. Elle parle aussi de l’écriture comme d’un acte de survie, qui l’a fait réellement exister et qui, doucement, a pansé ses plaies. J’ai été touchée par ce témoignage sensible et intime de cette histoire familiale.
Les mots de la mère
Extrêmement blessante et dure, la mère d’Irène lui aura dit des choses inoubliables qui viendront l’accompagner dans son écriture. Sa mère ayant été, sans le vouloir, celle par qui est venu l’appel de l’écriture. Sa mère qui adorait se créer des histoires.
Les mots de ma mère étaient puissants. Les uns m’ont émerveillée, ont réussi à réenchanter ma vie. D’autres furent meurtriers. Ils ne m’ont pas tuée — J’ai toujours préféré les premiers. A-t-elle mesuré ce que je lui dois? S’est-elle un jour aperçue qu’elle était la mère de mes histoires?
Finalement, j’ai aimé l’émotion qui traverse ce roman, qu’on sent importante pour l’auteure, comme si elle arrivait, un peu, à faire la paix avec sa mère. Ou au moins à mettre des mots sur cette passion — hors norme pour sa famille — qu’est l’acte d’écrire.
Et vous, aimez-vous les récits très intimistes comme celui-ci, dans lesquels on sent le soulagement de l’auteur.e en fin de roman?
Le fil rouge tient à remercier les Éditions du Seuil pour le service de presse.
Je l’aime aussi parce qu’elle parle de la Bretagne, ma région préférée en France.
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