Dans mon tout premier article chez Le fil rouge, je vous parlais du roman Les débutantes de J. Courtney Sullivan. J’avais vraiment été portée par l’histoire et surtout charmée par le ton féministe de l’auteure. En lisant son deuxième roman Maine, j’avais aussi retrouvé autant dans son écriture que chez les personnages féminins une réelle connivence et je m’étais promise de me tenir au courant du parcours de l’auteure! En juin dernier, j’ai appris que son oeuvre Les liens du mariage était enfin disponible en format poche, mais impossible de le trouver à Montréal avant mon départ, c’est donc à St-Malo en France que j’ai eu la chance de mettre la main sur cette petite brique de 600 pages.
Après avoir analysé l’amitié dans Les débutantes et la famille dans Maine, elle nous raconte cette fois-ci les liens du mariage. Bon, d’emblée ça m’attirait pas comme thématique, sauf que Sullivan nous montre plusieurs facettes du mariage et ce, en ne tombant jamais dans les clichés. Le roman suit cinq couples dans différentes époques et selon différentes situations. Il y a les mariages d’amour, forcés, passionnés, brisés, inexistants, inutiles…
Années ’50 : Frances
Frances est une des premières rédactrices publicitaire aux États-Unis et crée des campagnes de publicité pour vendre des diamants. Ses campagnes sont toujours reliées au mariage, ainsi on en apprend beaucoup sur le statut de la vie de couple au fil des années. Que ce soit des mariages arrangés ou plutôt des refus de marier, la place des diamants parcourt l’oeuvre et c’est ainsi qu’on découvre le monde complexe de la publicité et qu’on réalise surtout que le mariage est, avant tout, un marché payant. Les liens entre les campagnes de publicité et les habitudes de la société envers le mariage sont montrés dans le roman, c’est un peu le fil rouge du roman. Frances étant une femme carriériste, elle a dû faire le choix (à cette époque) de consacrer tout son temps et son énergie à son boulot. Elle a d’ailleurs extrêmement bien réussi et est devenue une référence hors pair du monde de la publicité. C’est le personnage le plus solitaire du roman, mais aussi un exemple inspirant de femme de tête, indépendante et en avance sur son temps. J’avoue avoir eu un coup de coeur pour elle, non seulement par son petit côté anticonformiste vis-à-vis sa société, mais aussi parce que les parties du roman consacrées à son histoire sont de véritables sources d’informations en lien avec le monde de la publicité, du mariage et des standards traditionnels liés aux relations amoureuses.
Années ’70 : Evelynn
Evelynn correspond à l’image de la femme idéale à l’époque. Elle est enseignante et dévouée, au travail comme à la maison. Elle est fidèle et se consacre à son mari et à son fils. Toutefois, ce dernier qui vivait une vie amoureuse des plus normales avec sa femme et ses filles se trouve en plein centre d’une passion qui le fait tomber amoureux d’une fille tout sauf idéale. Elle est vulgaire et ne plait aucunement à Evelynn. Celle-ci va donc vivre un énorme moment de tristesse en réalisant que son fils trahit sa propre famille. Sa vision très traditionnelle du mariage l’amène à considérer que le divorce n’est pas une solution. Bref, Evelynn est toutefois un personnage agréable à découvrir par sa sensibilité et sa grande confiance en soi. Elle tiendra à ses convictions jusqu’au bout et pour cela, je l’admire.
Années ’80 : James
Le seul personnage masculin du roman offre une vision des plus « classiques et normales » des relations amoureuses. Marié à son amour de jeunesse avec qui il a eu des enfants, il est fondamentalement heureux et amoureux. Les problèmes financiers et son travail pas tant passionnant seront toutefois des éléments qui viendront, au fil des pages, miner son bonheur. La difficulté de devoir faire vivre sa famille en lui offrant une maison, des activités, des voyages, etc. créé une pression chez James. Le mariage et la vie de couple ne suffisent peut-être pas totalement pour être heureux…
Années 2000 : Delphine
Delphine est une française mariée à un homme qu’elle aime, sans nécessairement en être follement amoureuse. Une passion viendra chambouler sa vie et l’amènera aux États-Unis avec son nouveau fiancé américain. C’est peut-être l’histoire la moins intéressante, car prévisible. Bien évidement, les choses ne se passeront pas comme prévues. Delphine tente de s’émanciper et de vivre indépendante, mais elle ne peut rester seule. Le personnage est peut-être le plus stéréotypé et traditionnel dans son besoin d’être en couple, il n’en reste pas moins qu’en représentant cette réalité, Sullivan offre une multitude de portraits de la vie de couple.
Aujourd’hui : Kate
Kate est bien évidemment celle avec qui j’ai le plus de points communs. Très probablement parce que nous vivons à la même époque. Elle vit avec sa fille et son copain dans une maison en campagne. Elle tient à offrir à sa fille une vision libre des relations de couple et c’est pour cela qu’elle considère le mariage comme une idée un peu trop traditionnelle et qu’elle a une réelle hantise contre l’institution. Alternant entre la culture de son jardin et des moments de grand bonheur avec sa famille, Kate est claire dans ses opinions, elle pense que l’amour n’a pas besoin de cérémonie et encore moins d’un diamant! En nous entrainant dans sa vision moderne, Kate permet une réflexion sur le véritable sens de l’amour.
Ces récits, qui jusqu’à la toute fin semblent être reliés simplement par la thématique du diamant, du couple et du mariage, se croiseront et ce, de manière non-prévisible. J’ai réellement été surprise de voir les liens s’embarquer l’un dans l’autre et cela apporte une profondeur aux personnages comme à l’histoire. Finalement, je vous conseille fortement de vous plonger dans l’oeuvre de Sullivan! Cette auteure américaine offre des romans comme je les aime, assez volumineux pour nous donner la chance de comprendre chaque nuance dans chaque personnage, ainsi on referme le bouquin convaincus d’avoir tissé des liens avec les personnages. Ces romans à plusieurs voix, dont Sullivan raffole, permettent une réelle connivence et un sentiment d’intimité avec l’histoire. Les débutantes, Maine, Les liens du mariage, il n’y a pas de doute, J.Courtney Sullivan est ma nouvelle auteure américaine contemporaine préférée!
Avez-vous déjà lu un de ses romans ? Qu’en avez-vous pensé?