J’ai aimé lire ce court recueil à saveur poétique écrit par Christine Germain et publié par la maison d’édition indépendante Rodrigol. Cœur de bête hôpital m’a d’abord séduite par sa jolie couverture, mais le charme a continué d’opérer au fil de ses pages.
Au milieu d’une trame sonore de casseroles tabassées pendant un printemps de révolte se trouve un hôpital qui a du cœur, au cœur de Montréal. En ses murs et aux alentours, Christine Germain nous livre son observation à chaud d’une population qui y gravite. Des patients de tout acabit qui viennent d’aussi loin que l’Abitibi pour passer go au système de santé et y réclamer des soins. Des gens nouvellement vulnérables ou qui le sont davantage, vivant à froid, seuls ou non, chacun leur drame de corps ou d’esprit. Il y a aussi les travailleurs, qui soutiennent le fort hospitalier dans la ville qui grouille de vies. L’auteure prend soin de nous libérer de l’air recyclé de l’hôpital un court moment et nous fait prendre une bouffée d’air plus frais, juste à côté au parc Jeanne-Mance.
Je me suis laissée guider par la plume acerbe de l’auteure et il a été facile d’imaginer les courtes scènes qu’elle nous sert, une après l’autre. Les situations ou lieux dans lesquels les différents personnages se trouvent sont décrits crûment, mais avec sensibilité. J’ai beaucoup aimé qu’elle puisse faire s’entrechoquer sa poésie sans dentelle et le côté plutôt glauque des lieux.
« Dans un corridor cigarette au bec
jaquette et tubes au vent
contourné de justesse par les visiteurs
qui se collent aux murs blancs
l’homme le plus rapide de la terre
évite les obstacles avec brio
rien ne l’empêchera de poursuivre cette course folle
pour dehors enfin allumer l’Export’A divine
17h branle-bas de combat
pour le plaisir d’une bouffée
Racing soluté »
Tout au long du recueil, on y trouve des descriptions laconiques. En peu de mots, mais ceux-ci bien choisis, j’ai pu entendre le néon bruyant dans le couloir, sentir l’odeur du café de la machine distributrice et même la fumée de cigarette dans le stationnement. J’avais l’impression d’ouvrir une porte de chambre d’hôpital, d’être spectatrice d’un moment puisé au hasard, d’observer la scène un court instant et de refermer la porte, ainsi de suite jusqu’à la fin du livre. Bien sûr, comme il s’agit principalement de brefs instants captés, il ne faut pas s’attendre à des histoires profondes ni à des personnages fignolés. On ne peut s’y attacher, on n’a pas le temps. De toute façon, avouez qu’il est plus agréable d’être simple spectateur de la parade de jaquettes et de poteaux de soluté plutôt que d’y être émotionnellement impliqué.
Avant cette lecture, je ne connaissais pas cette poète, dramaturge et artiste de la voix qu’est Christine Germain. Pourtant, elle a participé à l’élaboration de plusieurs spectacles de poésie, dont Rose au cœur violet / Voix de femmes surréalistes en 2014. Elle a aussi co-réalisé pendant quelques années, en tandem avec le poète Michel Garneau, l’émission de musique et de poésie Les décrocheurs d’étoiles à la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Pour découvrir le ton que Christine Germain donne à ses œuvres, je vous conseille fortement d’aller faire un tour sur ce lien afin d’y entendre deux courtes lectures à voix haute de sa poésie. Sobre comme l’est son écriture dans Cœur de bête hôpital, elle sait parler de la vraie vie et captiver par les mots, sans fioriture.
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