Littérature québécoise
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L’envers du décor- processus d’écriture, première partie

Il m’est arrivé, à quelques reprises déjà, d’effleurer le fait que je suis présentement, et ce depuis plusieurs mois, en plein processus d’écriture. J’ai pensé qu’il serait intéressant de vous partager l’envers du décor de l’élaboration d’un roman, à partir de mon expérience personnelle. Voici donc, en deux parties, le récit de mon voyage au cœur même de la littérature.

Tenez-vous prêtes et prêts, parce que oui, une fois de plus, je vous parlerai de Julia Cameron et de son indispensable ouvrage Libérez votre créativité. Je ne peux qu’affirmer tous les changements positifs vers une plus grande réalisation de moi qui me sont venus en traversant ces pages et je n’ai pas fini, oh non! Mais bien sûr, avant de m’élancer dans l’aventure Cameron, j’étais déjà habitée par l’envie de réaliser ce rêve, c’est-à-dire l’écriture d’un roman, mais aussi celui de vivre une «vraie vie d’écrivaine».

J’ai toujours écrit pour partager et d’une certaine manière pour publier, sans que ce ne soit le centre de mon désir, mais plutôt une suite. L’art et l’écriture existent conjointement en moi, même si j’ai toujours eu une relation de co-dépendance avec l’écriture. Alors que l’art, les arts visuels, la danse, m’aident à mieux respirer, l’écriture, elle, me confronte continuellement avec la part la plus creuse de moi. Au cégep, j’ai écrit un roman. Quelques mois de travail et aucune notion. Mais tout de même, je suis fière d’être parvenue à exprimer quelque chose de vrai, à le partager et à avoir touché quelques personnes. Ce que j’écris est aussi difficile à écrire qu’à lire par moments. Immédiatement après, j’ai voulu recommencer. Mais beaucoup d’années se sont écoulées entre ce premier jet, je dirais, et ce qui renaît aujourd’hui. Entre temps, j’ai grandi à travers quelques nouvelles, en recherche d’une voix personnelle et d’un style à moi. Outre l’univers, l’ambiance, les personnages et mes tics symboliques, qui reviennent fréquemment encore et toujours, j’ai cherché à montrer la vie dans mes mots.

12987930_716348691841435_1149334343_nJe manquais d’assurance envers mon écriture, je me comparais, je n’osais pas suffisamment, j’avais un peu l’impression de tourner en rond, mais au plus profond de moi, je savais que je voulais entamer un projet d’écriture, un recueil de nouvelles ou un roman, je ne savais tout simplement pas comment m’y prendre, ni par où commencer. Puis est venue ma rencontre avec Julia Cameron. Dès les premières pages de Libérez votre créativité, elle nous demande d’affirmer qui nous sommes et de faire ainsi face à tous nos démons contre-productifs, contre-artistiques. J’ai affirmé que j’étais écrivaine. Comme quelques années plus tôt j’avais affirmé être artiste. Je continue de croire que c’est une façon d’être, plutôt qu’un résultat reconnu. L’écriture vit en moi, comme un morceau de mon âme, l’art aussi. Alors en juillet 2014, j’ai commencé à écrire comme ça et à avoir l’idée d’un projet à plus long terme et complet. J’ai alors soumis mon projet d’écriture au programme Jeunes volontaires, parce que je cherchais une possibilité de me consacrer entièrement à mon écriture. Pendant une année, d’avril 2015 à mars 2016, j’ai pu bénéficier d’une subvention pour permettre l’élaboration d’un monde fictif et personnel. Cela m’a aussi permis de vivre l’expérience du camp littéraire Félix, puis de me louer une petite maison à Percé tout l’hiver, pour favoriser l’introspection nécessaire à l’écriture.

12980401_716348661841438_563931395_nJe qualifierais à la fois de relation et de thérapie ce que je vis envers l’écriture de cet ouvrage. Comme s’il s’agissait d’une bête sauvage que je dois enjôler, j’ai dû, à travers les mois, trouver des manières de satisfaire mon roman, en lui offrant du temps, tout en me sentant libre d’aller vers lui. Parce que je suis consciente de sa force de caractère (!) lorsque enfin je me mets au travail. Le projet d’écriture prend alors toute la place dans mon esprit et je suis entièrement habitée par l’univers qui s’ouvre ici devant et en moi.

Depuis 2011, j’inclus la «réclusion artistique» dans ma démarche visuelle et maintenant littéraire. En fait, il s’agit seulement de me couper de tout ce qui pourrait me relier au monde extérieur (heure, internet, téléphone, télévision, radio, fenêtre, gens de l’entourage) pour pouvoir me concentrer complètement et uniquement sur la création.

Je reviendrai sur le sujet un peu plus loin.

Tout en apprivoisant le roman, le projet en cours, l’histoire et l’univers en construction, j’ai dû apprendre à accepter certains pans de la vie d’artiste que je connaissais, sans les avoirs vécus avant : l’horaire de travail, les phases de création, les nombreuses incertitudes, la patience, les murs à escalader et à passer, les préjugés aussi, parce que bien sûr, ça vient irrémédiablement avec la vie d’artiste, puisque tellement incomprise. C’est en fait tout un travail d’estime de soi que de choisir d’écrire un livre et d’avoir la chance d’être payée pour le faire.

Je crois que l’une des choses que je trouve le plus difficile, après mon rapport amour/haine avec l’omniprésence de la technologie, c’est de trouver son rythme de création, mais surtout d’accepter ce rythme. Il y a certains moments où il est impossible de se mettre au travail sans être passée par l’apprivoisement, qui consiste en fait à remonter dans mes notes sur le projet, à relire ce que j’ai déjà écrit et à réfléchir les liens, la logique et la pertinence des symboles. Il est difficile de ne pas se comparer aux travailleurs non-artistes, non-autonomes, sans tomber dans la culpabilité et la comparaison, alors qu’il existe tout un monde entre les deux manières de concevoir le travail. Tout de même, je ne peux pas oublier que je travaille à la construction d’un monde, que je crée de toutes pièces des gens avec un passé, un présent et un futur et des lieux avec tout ce qui les font réellement exister sur papier. Une autre réalité. Une nouvelle réalité. Mais tout de même une réalité. L’été dernier, par exemple, j’avais prévu écrire et travailler sur mon projet, mais on m’a approché et on m’a offert un emploi de rêve que je n’ai absolument pas pu refuser. Je pensais pouvoir poursuivre l’écriture conjointement à tout le reste, mais plus les semaines passaient et plus je me rendais bien compte que c’était impossible, pour moi, de mener de front un emploi aussi varié à la galerie d’art et l’écriture d’un roman. Il m’a été atrocement difficile de me l’avouer, je m’obstinais en vain, jusqu’au jour où j’ai compris que je devais mettre mon roman de côté quelque temps. Ce qui en fait a été très bénéfique. Plus j’apprends à vivre à mon rythme et plus je crois que la vie s’accorde à mes actions. Mon roman naît de qui je suis, de comment je vis, de ce que je vois et même s’il s’agit d’une fiction, il est encore plus moi que je ne saurais jamais l’être moi-même.

Comme j’aime me le rappeler souvent, chaque jour je change, parfois de manière plus imperceptible et d’autres fois c’est plus frappant. Travailler plusieurs mois d’affiler sur un même projet amène inévitablement une évolution de la part des deux côtés. Mon roman a évolué à mon contact, suivant les courbes de ma vie, tout comme j’ai changé à travers l’écriture et même les raisons qui m’ont poussée à l’écrire se sont consolidées à l’intérieur du processus. Je n’entrerai pas dans les détails ici, mais disons qu’à travers l’écriture se sont tissés un grand nombre de liens au bout desquels ont éclaté des ampoules qui m’ont davantage éclairée sur ma personne et sur les raisons qui me poussent à poursuivre ce projet, ma propre quête personnelle et identitaire. Bien qu’il soit plaisant, puis nécessaire d’écrire, il me fallait savoir pourquoi je le faisais, pour aller au bout de cette raison, puis évoluer et passer à une autre étape de la vie.

L’écriture avance dans les mêmes pas que la vie, seulement elle tourne autour comme un joli fantôme, une présence tourbillonnante.

La suite dans un prochain article !

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Louba-Christina Michel est une passionnée. Elle écrit depuis qu’elle sait comment faire et même avant, dans une sorte d’hiéroglyphes inventés. Et dessine depuis plus longtemps encore, elle a dû naître avec un crayon dans la main. Elle est transportée par tout ce qui touche à la culture et dépense tout son argent pour des livres et des disques (hey oui!). Elle prend beaucoup trop de photos de son quotidien, depuis longtemps. Des centaines de films utilisés attendent d’être développés dans des petites boîtes fleuries. Sa vie tourne autour de ses grandes émotions, de ses bouquins, de l’écriture, de l’art, du café et maintenant de sa chatonne princesse Sofia. Après une dizaine d’années d’errance scolaire et de crises existentielles, entre plusieurs villes du Québec, elle est retournée dans son coin de pays pour reprendre son souffle. Elle travaille présentement à un roman et à une série de tableaux.

Un commentaire

  1. Magnifique!!!!! J’ai un projet d’écriture en tête depuis longtemps, encore pas clair, et j’ai sur ma table de chevet, pas encore ouvert, le livre de Julia. C’est un signe!!! 😉 Merci pour ton texte!

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  2. Michèle Morin says

    Je ne peux que vous encourager à poursuivre ! Peut-être trouverons nous un jour votre roman tout chaud dans un coffret littéraire 😉 Au plaisir de vous lire.

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  3. Merci pour ces confessions! Ça me fait du bien de vous lire…j’essaie d’effacer la culpabilité, et vous me rappelez qu’il faut accepter son propre rythme, que l’écriture s’adapte aux courbes de la vie…! Au plaisir de lire votre roman!

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  4. Chère Louba!
    Tu écris bien, j’ai vraiment hâte de lire ton roman.
    Tout comme toi, Julia Cameron a changé ma vie de créatrice!
    Vive les dindes hihi! 🙂

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