La Chambre verte est un roman bien difficile à décrire: est-ce une saga familiale ou un roman gothique? L’auteure veut-elle nous faire rire ou nous apprendre une leçon? Eh bien au final, c’est peut-être un peu de tout ça qui se retrouve dans le roman de Martine Desjardins, déjà bien connue du paysage littéraire québécois.

Martine Desjardins
L’auteure nous fait plonger dans un univers bien particulier: l’histoire de la famille Delorme, obsédée par l’argent et par les économies, est campée dans le vieux manoir familial, où se trouve la fameuse chambre verte, coffre-fort qui abrite la fortune des Delorme. Or, ce manoir tient un véritable rôle dans l’histoire: la maison est un personnage, est parfois la narratrice de cette histoire, et pose des actions qui ont un véritable impact dans le récit! C’est donc parfois elle qui nous guide à travers la vie de ces personnages excentriques, aux obsessions délirantes. On entre aussi dans le Montréal des années 1900, alors qu’on présente l’histoire des ancêtres de la famille Delorme. Les lectrices découvrent comment s’est déroulée la construction du chemin de fer en 1910 et celle de la fondation de Ville Mont-Royal.
Le centre de l’histoire est toutefois la génération Delorme des années 60 : Louis-Dollar Delorme, fier héritier de Prosper Delorme, et son épouse Estelle, sans doute la plus radine de tous, leur fils Vincent, et les trois soeurs Delorme, Morula, Gastrula et Bastrula. Afin de faire plus d’argent (toujours plus, encore plus), la famille Delorme accueille des pensionnaires. C’est ainsi que Penny Sterling (notez le nom de ce personnage!) fait son apparition dans la vie des Delorme, avec sa fortune. Tout pour inciter les parents de Vincent, fils unique du couple qui tient le manoir, à se lancer dans de grands projets de séduction, pour pousser les deux jeunes à s’unir et ainsi mettre la main sur une dot qui pourrait être considérable.
Or, Vincent n’a aucun intérêt envers l’argent et Peggy Sterling est animée par un désir de vengeance, voulant mettre au jour de vieux secrets de famille… Rien pour que les plans des Delorme portent fruit. Mais je ne vous en dis pas plus, car La Chambre verte, s’il s’agit d’un roman teinté par l’humour, est aussi un récit mené par une intrigue : les premières pages se déroulent dans le Montréal d’aujourd’hui, alors que le cadavre d’une femme est retrouvé dans la chambre verte! Il est avant tout question d’argent, dans le roman de Desjardins, mais c’est celui qui pourrit cette famille, qui la pousse à sa propre destruction, et ce rapport malsain avec l’argent invite aussi la lectrice à tourner les pages de ce roman, afin de découvrir ce qui est arrivé à cette mystérieuse femme…
Avant tout, La Chambre verte m’a beaucoup fait rire parce que c’est une histoire un peu tirée par les cheveux. Les personnages sont tellement obsédés par l’économie que ça en devient absurde! Mais cela n’est pas un défaut d’écriture, au contraire; c’est cet univers un brin étrange et loufoque qui rend l’histoire intéressante. Je me suis aussi bien bidonnée quand j’ai compris les noms des personnages… comme Prosper et Louis-Dollar! Ce jeu, donc, entre l’humour et le thriller, l’histoire de Montréal et le thème du pouvoir de l’argent est parfaitement bien équilibré pour que ce livre sache capter l’attention des lectrices au lieu de tomber dans le ridicule que peut être une telle caricature. La narration est si bien menée que l’on ne s’étonne même pas qu’Estelle suce des cinq sous en guise de collation!
Puisqu’il y est question d’histoire de famille, je me suis dit que ce serait comique d’offrir le roman à ma grand-mère, à l’occasion de la fête des mères! Rassurez-vous, elle est loin d’être gratteuse comme la famille Delorme. Elle m’a confié qu’elle aussi a beaucoup aimé le livre de Desjardins, qui l’a fait rire. Voilà, dans ma famille, ce ne sont pas les valeurs économiques que l’on partage, mais les goûts littéraires! 🙂