Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras signent un ouvrage des plus pertinent en cet automne frisquet, Les superbes, une enquête sur le succès et les femmes. Écrit sous deux formes, soit des entrevues avec des superbes et aussi, sous forme de correspondance entre les deux auteures, ce bouquin vient démontrer toute l’injustice dont les femmes ambitieuses qui réussissent sont victimes.
J’ai été choquée et consternée, mais malheureusement pas surprise, de lire les témoignages de femmes au sujet des commentaires et comportements sexistes qu’elles ont subis, tout simplement, car elles étaient des femmes. Les dommages collatéraux que peuvent faire ces injustices sont trop nombreux et profondément graves.
Les deux auteures, Marie-Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion, ont le courage de s’indigner devant des situations sexistes qu’elles ont toutes deux vécues : Marie-Hélène Poitras lorsqu’elle a publié le roman à succès Griffintown, et Léa Clermont-Dion à la suite de la diffusion de son documentaire Beauté fatale. Les commentaires et les insultes qu’ont reçus ces superbes sont tout simplement inacceptables et démontrent toute l’importance d’un livre comme celui-ci. Le tweet violent qui a suivi la parution du bouquin et qui est devenu une enquête de la SQ ne peut faire autrement que de démontrer qu’il faut parler de ce fléau de notre société : les femmes qui ont du succès dérangent et ce sexisme et cette misogynie dont elles sont victimes peuvent être très menaçants.
Faisant preuve d’une grande vulnérabilité (ce qui pour moi est une des plus belles qualités) les auteures s’ouvrent aux lecteurs et démontrent toute l’intimité de leurs démarches. J’ai apprécié leurs correspondances, leurs échanges, leurs solidarités et la belle vulnérabilité dont elles faisaient preuve en se mettant à nue de cette façon. Cette vulnérabilité surmontée d’une indignation nécessaire, qu’on devrait toute avoir, parcourt le livre dans chaque entrevue accordée à une superbe.
Les entrevues toutes passionnantes et pertinentes questionnent des superbes au sujet de leur cheminement et de leurs ambitions personnelles. Les femmes questionnées sont toutes de vraies superbes. Elles m’ont fait comprendre que le sexisme ordinaire est dans tous les domaines et milieux confondus et m’ont confirmé qu’il y a clairement un problème vis-à-vis du succès des femmes. On y voit aussi que les femmes sont toujours représentées pour leur physique. On s’attend d’elles à ce qu’elles soient belles et souriantes. Le passage où l’auteure Perrine Leblanc s’est fait dire que son succès était dû à sa beauté m’a mise en furie. Non seulement on ne fait que s’intéresser au physique des femmes, mais en plus on justifie leurs succès à cause de leur physique… c’est abominablement insultant.
Le bouquin est illustré merveilleusement bien par Mathilde Corbeil que j’apprécie beaucoup et rencontre des femmes de tous domaines, mais principalement ceux qui ont un succès d’un oeil extérieur, voire des femmes du monde public. J’aurais souhaité y rencontrer des femmes de tous les jours, qui vivent dans l’ombre et qui font face aussi à des comportements misogynes dus à leurs ambitions. Je pense à des entrepreneures, des travailleuses sociales, des docteurs, etc., à des femmes qui ont rarement la parole. Cette petite critique ne vient pourtant aucunement dénigrer ou nuire au travail incroyable de Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras, qui ont su écrire un livre avec un thème tabou et en faire un véritable sujet de société.
Il reste que j’ai adoré Les superbes, dès la seconde où j’ai reçu le livre à ma porte, j’étais déjà dans mon sofa à parcourir l’ouvrage. J’ai lu presque d’une traite ce livre qui se lit, non seulement excessivement bien, mais qui pose des questions et qui offre des réflexions nécessaires. Les événements remplis de sexisme et de misogynie de cet automne viennent redéfinir toute l’importance de voix de femmes qui osent dénoncer et critiquer une société encore trop traditionnelle. Finalement, je pense que je vais troquer l’expression surexploitée inspirante pour superbe!
Le fil rouge tient à remercier les éditions VLB et Sylvie Savard pour le service de presse.
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