Kolia n’est pas un enfant de cœur. Il vole, se bat et boit. Mais il est très attachant. Ayant grandi dans les goulags de Staline, c’est par chance qu’il apprend à lire. Iossif, un prisonnier d’origine suisse, lui apprend à lire le russe et le français. Il lui apprend surtout le goût des mots. Un jour, Iossif disparaît. On ne lui dit pas pourquoi, ni où il est allé.
Lorsqu’il est finalement relâché du goulag, Kolia est presque un adulte. Il se rend à Moscou où la soeur d’Iossif l’aide à s’établir. Il devient clown. Il devient l’homme blanc, le mime silencieux, le clown muet.
« Dans la Zona il dirait aux autres prisonniers : J’ai volé pour la première fois à l’âge où les enfants apprennent à lire. C’était sa façon de résumer les premiers temps de son art. Il s’appelait Nicolas mais tout le monde le surnommait Kolia. En prison, après l’implosion de l’Union, il découvrirait la pérennité de certaines conditions d’existence dans les enclos, où les hommes devenaient des bêtes marquées. Il traîna avec lui dans le monde libre l’odeur des chiottes du camp et des morts qui se découvriraient au printemps. Cette odeur reste en mémoire et sur soi. Les corps qui revenaient du bagne étaient indécrottables. » (p. 13)
Ainsi commence L’homme blanc (Le Quartanier) de Perrine Leblanc, un livre étonnant. Parfaitement lucide, la prose de Leblanc nous engage jusqu’à la fin sans perdre de son rythme rapide ou de sa construction impeccable. Elle nous livre les pensées et les espoirs de Kolia avec une grande humanité. Le roman débute en 1937 et suit le personnage principal jusqu’après la chute de l’Union soviétique en 1995.
L’histoire d’une amitié inachevée, d’apprentissage, de curiosité, L’homme blanc est un premier roman fort impressionnant. Surtout lorsqu’on apprend que l’auteure n’est pas Russe et trop jeune pour avoir mis les pieds dans l’URSS et s’en souvenir. Il y a une énorme recherche derrière le livre. Or, il ne s’agit pas d’un roman historique pour autant. Le personnage de Kolia est inventé et mis dans des circonstances « réalistes » de l’époque et de l’endroit.
Lauréat du Grand prix du livre de Montréal l’année de sa parution, en 2010, L’homme blanc a beaucoup fait jaser de lui. J’y suis arrivée un peu tard, c’est vrai. En fait, c’est grâce à l’article de Martine sur Les Superbes que j’ai lu le roman. Elle mentionne que « le passage où l’auteure Perrine Leblanc s’est fait dire que son succès était dû à sa beauté [l]’a mise en furie » et moi aussi ça m’a beaucoup choquée. Je ne connaissais pas l’auteure, mais j’avais déniché le livre dans une librairie usagée quelques mois plus tôt en reconnaissant la couverture du Quartanier. Je l’ai lu et je l’ai adoré. Je ne sais toujours pas de quoi a l’air Perrine Leblanc et je m’en fous. Elle écrit foncièrement bien; il suffit de faire l’éloge de son écriture, pas d’y voir là le reflet de son physique attrayant. Franchement! Depuis, elle a écrit Malabourg, paru chez Gallimard, en 2014.
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