Enseignante de littérature dans un cégep, j’ai motivé un groupe de douze étudiants à participer au Prix littéraire des collégiens 2017 au cours de la session d’hiver. Toutes les deux semaines, nous nous rencontrons pour discuter des œuvres sélectionnées, pour les décortiquer et les critiquer et ainsi en déclarer une gagnante du Prix littéraire des collégiens 2017.
Le continent de plastique de David Turgeon était la lecture de la seconde rencontre du Prix.
Les étudiants ont remarqué le style d’écriture recherché, le vocabulaire soutenu et la finesse de la langue. Un très grand travail sur la forme a été effectué par David Turgeon.
La quatrième de couverture vendait une oeuvre très alléchante (vocabulaire employé par les étudiants) et intrigante : un homme de lettres qui aspire à une carrière d’auteur et qui se retrouve l’assistant d’un écrivain.
Les personnages
Le personnage du maître, grand écrivain de son époque, prolifique et intéressant, et celui de Denise Bruck ont trouvé grâce aux yeux des lecteurs.
Le maître puise l’étincelle de départ pour ses romans dans la vie quotidienne, dans les petits faits ordinaires et anodins. Il nous donne le goût d’écrire puisque cela semble si facile. Chaque chapitre est le titre du roman qui se construit en parallèle à la vie de notre narrateur.
Denise est la lumière du narrateur : elle est inspirée et inspirante, son grand amour. Elle aussi finira par écrire des romans. Les étudiants ont même dit :
On aurait voulu un livre sur Denise Bruck.
Pourquoi?
Parce que le personnage de l’assistant du maître, notre narrateur, est un homme perdu. Il n’a pas de passion, pas d’intérêt. Il veut être écrivain, mais n’est pas capable d’écrire de roman (il publie seulement sous le couvert d’un pseudonyme des critiques d’art, qu’il finira par laisser Denise écrire). Il chante à tout vent que c’est facile d’écrire, que tout le monde peut le faire, mais il n’y parvient pas… ironique, n’est-ce pas? Il n’est pas capable d’entretenir une relation avec ses amis. Le personnage n’évolue pas. Il reste dans l’ombre du maître et de Denise.
Le milieu littéraire
Le roman dépeint la réalité du milieu littéraire, d’une façon très cinglante et à la fois métaphorique grâce au Continent de plastique. L’édition, les prix littéraires, les pseudonymes, les homonymes, le plagiat, la réputation, la popularité, tout est passé au peigne fin.
Aucun des amis du narrateur, des quatre cavaliers de l’apocalypse (nom de leur groupe), ne sera capable de créer quelque chose de nouveau et n’obtiendra de succès.
Quelle est la place du roman dans la société actuelle?
Vous vous dites : « Mais Vanessa, tu ne parles pas de l’intrigue! » Non, les étudiants n’en ont pas vu, tout simplement.
Un verdict oscillant entre 5/10 et 6/10, les étudiants étant passablement déçus, n’appréciant dans cette oeuvre que sa forme, sa qualité d’écriture.
(Je lui donne quant à moi un 7/10, car la question du milieu littéraire et de ses multiples facettes cachées m’a semblé tout à fait pertinente aujourd’hui avec le foisonnement d’œuvres québécoises.)
La prochaine lecture de mes étudiants pour Le prix littéraire des collégiens sera Mektoub de Serge Lamothe.