Quand j’avais douze ans, j’ai arrêté de manger.
Au secondaire, Léa prenait des antidépresseurs.
Avant ça, mon amie Jessica voulait mourir.
Quand les gens dans notre entourage n’allaient pas bien, on ne disait rien. On savait, mais on ne disait rien. On n’en parlait pas parce que c’était comme ça. Pas de mots, pas de maux, nous disions-nous, peut-être? Ou l’on se contentait de pointer du doigt, en murmurant en silence, pour éviter d’avoir à comprendre.
J’ai longtemps pensé que parler feelings était un signe de faiblesse, le propre des personnes pas solides, pas endurcies. À force de côtoyer les gens, et la vie, je me suis rendue compte que c’est moi qui m’empêchais de régler des choses en refusant d’en parler. Qu’au fond, je faisais partie du problème si je préférais me complaire dans le jugement plutôt que d’essayer de comprendre. Me comprendre, moi, ou comprendre les autres.
Les filles sont-elles folles?
On connait bien Carolane et Josiane Stratis pour leur blogue Ton petit look. Après avoir écrit un premier livre avec leurs collaboratrices, elles ont décidé de réitérer. Cette fois, pourtant, le sujet est différent. Avec Les filles sont-elles folles?, les sœurs Stratis nous convient dans leur passé, leurs expériences, dans le vécu de dizaines de femmes qui ont chacune quelque chose à nous raconter. Leur point commun? La maladie mentale.
Au fil des chapitres qui abordent tous un thème relié au corps (La tête, le cœur, le ventre et la vulve), on découvre les expériences de femmes qui vivent au quotidien avec la maladie mentale: la leur, ou celle de leur proche. Les textes des jumelles Stratis, tantôt drôles, tantôt touchants, toujours honnêtes, entrecoupés des témoignages de leurs collaboratrices, viennent donner un regard vrai sur les différentes formes que peuvent prendre les maladies mentales.
De la nécessité de parler de la maladie mentale
S’il n’y avait qu’un mot qui servirait à décrire l’ouvrage, ce serait celui-là: nécessaire. Nécessaire de lever le voile sur les tabous, sur les silences, sur la honte que l’on traîne jour après jour. Nécessaire de dire et de comprendre les maladies mentales, de ne pas nier la douleur des gens qui les vivent.
Les filles sont-elles folles, c’est un peu, au fond, un hymne à l’échange et au partage. Un safe spot où on peut dire les vraies choses, et où on peut essayer de s’aider, et d’aider les autres.
Ce que les soeurs Stratis semblent nous dire avec leur dernier livre, au fond, c’est: Et si on parlait un peu? Si on s’assoyait ensemble, qu’on se sortait la tête du sable et qu’on osait mettre les vrais mots dans notre bouche. Si on avait l’audace d’aborder les problèmes, de les nommer, de les tendre aux autres pour qu’ils les comprennent. Pour qu’ils enlèvent de leur esprit cette impression que la maladie mentale, c’est la faiblesse.
Si on se contentait d’ouvrir un livre, tout simple. Un livre magnifique, soit dit en passant, aux allures léchées et élégantes, et qu’on abordait de front ce qui existe et que l’on cache. Si on entendait le discours de femmes, de femmes belles, fières et fortes, qui ont dû braver les tempêtes, et qui le font d’ailleurs encore, et qui disent. Qui nomment. Qui crient. Qui osent parler de leurs maux, de leur maladie. Si on ouvrait ce livre et qu’on se donnait la chance de grandir, en tant que société, peut-être, ou en tant qu’individu, plus simplement. Si on se retrouvait dans les témoignages de celles qui parlent. Si on effaçait les tabous, les non-dits, les regards en coin qui sentent le jugement. Si on se regardait et qu’on se disait qu’on s’aimait à la place?
« Si être indépendantes, fortes, loquaces, assumées, passionnées et politisées, c’est être folles, alors je souhaite à toutes les femmes de l’être. « -Alex, 22 ans.