Avec nos coffrets littéraires, on essaie tout le temps d’offrir la meilleure expérience de lecture possible, outre la lecture du roman. Alors que le choix d’aimer un livre ou non est très personnel, on croit que la valeur et les thèmes d’un livre peuvent être perçus et compris, que vous aillez apprécié votre lecture ou pas. C’est pourquoi nous essayons – et avons presque toujours réussi- à avoir une entrevue avec l’auteur-e du roman du mois, question d’entrer dans l’intimité du roman, de l’auteur-e et mieux en comprendre l’écriture et les motivations.
En octobre 2016, nous avions choisi Okanagan, de Sara Lazzaroni.
Dans ce bouquin, un souffle puissant nous rappelle de vivre intensément, d’oser, de croire en soi, de partir en voyage et de nous aimer par-dessus tout. Sara Lazzaroni a aussi une plume des plus poétiques et jolies qui soient, donc laissez-vous entraîner dans ce voyage initiatique à travers l’Ouest canadien, où la cueillette de cerises devient prétexte à se découvrir et à s’émanciper.
Voici l’entrevue que nous avions réalisée avec la généreuse Sara.
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Selon vous, quelle est l’importance du voyage lors d’une quête pour se retrouver?
Le voyage permet de se décentrer, de sortir de soi. Je crois qu’il faut d’abord sortir de soi pour pouvoir y revenir, pour trouver sa place en-dedans. Voyager, c’est un peu comme redevenir un enfant. Tout semble si grand, si démesuré, si imprévisible. On voit le monde avec des yeux nouveaux, qui ne connaissent rien, qui redécouvrent chaque chose dans sa plus simple expression.
Avez-vous l’impression que Léa et ses amis représentent une génération d’aujourd’hui, celle des Milléniaux, ou au contraire, que chaque génération porte en elle sa quête du voyage et de la découverte?
Je pense en effet que chaque génération porte en elle le désir d’ailleurs, la conviction secrète que quelque chose de mieux l’attend quelque part, loin. La jeunesse est gourmande et le monde est un garde-manger plein à craquer!
Comment se sont passés le processus créatif et l’écriture?
J’ai commencé à écrire Okanagan quand j’avais 17 ans, juste avant de partir dans l’Ouest canadien avec ma soeur. Ensuite, l’histoire s’est posée sur la glace. Je n’y ai plus touchée pendant des années. Mon esprit était encore incapable de mettre des mots sur l’expérience que j’avais vécue. J’ai travaillé sur d’autres projets, Patchouli, puis Veiller la braise. Enfin, j’ai retrouvé ce petit bout d’histoire il y a deux ans, quand je suis déménagée à Montréal. J’ai passé tout l’hiver à bûcher là-dessus. C’était à la fois très touchant, de redécouvrir ces mots que j’avais rédigés plusieurs années auparavant, à la fois très exigeant, parce que mon style et ma forme avaient évolué entre-temps et que plus rien ne me semblait exact. J’ai dû trouver un compromis entre ce que je voulais dire, avant, et ce que j’ai à dire, aujourd’hui.
Le personnage de Léa porte une affection particulière à la poésie et aux mots, pensez-vous que l’art puisse aider à surmonter des épreuves, telle qu’une recherche identitaire, par exemple?
Bien sûr, je suis convaincue que l’art peut aider à tout surmonter. Soit par l’acte même de créer, qui procure une jouissance intellectuelle et un sentiment de parfaite connexion avec la nature; soit par l’acte de s’immerger dans le monde de quelqu’un d’autre, de voir le monde à travers les yeux de cet autre, ce qui permet de mieux comprendre ou de comprendre différemment les choses. Dans le cas de Léa, l’art constitue à la fois un échappatoire à elle-même et un retour à elle-même. Il lui faut passer par ce détour pour trouver son chemin à travers les mots, à travers les images.
Léa porte en elle une grande souffrance, qui se dévoile peu, petit à petit, au cours de la lecture. Comme si, en début de parcours, ses maux étaient un peu inavoués et qu’elle ne les acceptait qu’en cours de route, avec le recul. Cette image se prête bien à celle du voyage, de l’émancipation par celui-ci. Était-ce un effort conscient ou est-ce que le personnage de Léa a un peu évolué de lui-même au cours de l’écriture du roman?
Le personnage de Léa, comme tous mes autres personnages d’ailleurs, est le fruit de mon inconscient. Je n’ai jamais concrètement décidé qu’elle serait telle ou telle, qu’elle évoluerait de telle ou telle façon. C’est venu comme ça. Léa existait déjà quelque part, au fond de moi. Je lui ai seulement donné vie, grâce à l’inspiration.
Le thème de l’amour est très central dans votre oeuvre. En quoi le sentiment amoureux vous inspire et vous chavire dans votre parcours d’auteure?
Je ne sais pas si c’est l’amour qui est présenté dans Okanagan, ou bien l’absence d’amour? La relation entre Léa et Loïc, dans la mesure où elle opère à sens unique, me semble loin de ce que l’amour peut être, doit être. Léa ne connaît pas encore le sentiment amoureux. Elle connaît le désir d’aimer, ce désir irrépressible qui ronge et qui fait mal lorsqu’il n’est pas partagé, mais elle ignore ce qu’est l’amour, cette douceur dans la simplicité, la plus belle chose que l’être humain puisse expérimenter.
Le personnage de Léa vit une grande douleur à la suite d’un échec amoureux, mais on sent tout de même qu’elle est habitée d’un désir de vivre et de liberté. Cet équilibre a-t-il été difficile à atteindre?
C’est, je crois, le plus difficile à atteindre dans la vie! Pas seulement pour le personnage de Léa, mais pour chacun d’entre nous. Trouver son équilibre, concilier son désir de vivre et de liberté avec la réalité qui, elle, porte ses exigences et ses responsabilités. Apprendre à s’aimer, complètement. À occuper sa place au sein du monde, en faire partie.
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