Dominique Demers est mon auteure presque-préférée. « Presque », parce que j’ai plusieurs auteur.e,s préféré.e.s et que je ne pourrais jamais choisir vraiment celui ou celle que je préfère. C’est toujours la même chose à chaque fois qu’on me pose la question: « Mais tsé, genre, l’auteur.e préféré.e de tes préférés, c’est qui?» (Soupir!) En bref, en tant qu’auteure presque-préférée, Dominique Demers se trouve sur mon top dix des voix qui ont marqué mon imaginaire littéraire et a une place privilégiée sur la liste de ceux et celles qui ont participé à nourrir mon amour pour la lecture depuis que je suis petite. Grande auteure prolifique à l’oeuvre incommensurable, je suis également envieuse de la façon dont elle a réussi à se tailler une place comme auteure québécoise, l’écriture ayant toujours été, comme c’est le cas pour moi, fondamentale dans sa vie.
Son petit dernier, Mon fol amour, est un roman pour adultes à forte saveur autobiographique qui raconte l’histoire de Dominique (elle-même), une femme fonceuse et indépendante qui, suite à l’achat impulsif d’un chalet pour lequel elle a un coup de coeur, s’engage de mésaventures en mésaventures dans des projets de rénovation et de bricolage complètement abracadabrants. Ce chalet, qu’elle aménage pour être son lieu d’écriture, sera également le théâtre dans lequel elle tentera de reconstruire son coeur usé et malmené par le temps, en tentant la chance par des rencontres sportives et amoureuses par internet. Rempli d’humour, d’autodérision et de légèreté, le roman nous propose de suivre les hauts et les bas de l’auteure au fil de ses coups de coeurs et aventures, amoureuses et immobilières.
Au terme des 379 pages de Mon fol amour, je crois que je peux dire que j’ai aimé, du moins pas détesté, le dernier roman de mon auteure presque-préférée (même si les 50 dernières pages m’ont semblé un peu longuettes). Au fil de l’histoire, j’ai fini par m’attacher aux personnages et ai trouvé un petit quelque chose dans l’écriture qui m’a divertie, peut-être dans les mots de la nature, dans le paisible du lac qu’elle décrit, dans l’amour dont ce livre est plein, bref dans des petites choses qui m’ont fait poursuivre ma lecture jusqu’au bout, alors que, je l’avoue, c’était quand même mal commencé.
Dès les premières pages, j’ai été agacée. D’abord par la légèreté du ton, par les phrases parfois banales ou parfois clichées, par le propos léger, mais aussi par l’histoire un peu quétaine que présente l’auteure en se mettant elle-même en scène. L’ouverture du livre est tirée par les cheveux, le rôle donné au chien Timothée m’a fait plus d’une fois lever les yeux au ciel, les dialogues me paraissaient peu crédibles et, surtout, je n’y croyais pas. Pantoute.
Plus qu’agacée, j’ai rapidement été un peu fâchée. Fâchée que mon auteure presque-préférée me donne à lire quelque chose qui n’avait rien à voir avec l’histoire tellement extraordinaire, poétique, essoufflante, magique, voire parfaite de Maybel dans Là où la mer commence. Fâchée que celle qui m’avait fait pleurer et rire avec Marie-Tempête, chavirer avec Ta voix dans la nuit, explorer mon imaginaire tant de fois avec Mademoiselle Charlotte, celle que j’avais relue et relue parce qu’elle arrivait à mettre en mots de manière si juste les sentiments que j’avais ressentis adolescente, se permette d’écrire comme ça. J’avais beaucoup d’attentes, me diriez-vous. Et bien oui. Dominique Demers a participé à faire de moi une lectrice exigeante, m’a habituée à une écriture complexe et je n’attendais pas moins d’elle qu’elle soit à la hauteur de mes attentes littéraires.
Mais attendez, le dernier roman de Dominique Demers n’a pas que des défauts. On y retrouve la femme forte et déterminée qu’il y avait dans Chronique d’un cancer ordinaire, celle qui n’en fait qu’à sa tête et qui, surtout, n’écoute que son coeur et surtout pas les conseils des autres quand vient le temps de prendre une décision. Une femme de coeur, de coups de coeur même, qui est inspirante par sa façon d’aborder la vie, vient nous rejoindre et nous donne envie, nous aussi, de tout lâcher pour aller vivre en forêt et respirer les arbres, les montagnes, faire des rencontres étonnantes, croire en l’amour… Tout cela est une force du roman, mais malgré tout, l’obstination de Dominique est telle qu’elle en devient parfois agaçante, surtout lorsqu’il est question des nombreux et nombreux problèmes qui surgissent dans son chalet, pour lequel elle est tombée amoureuse sans conditions, mais surtout, rappelons-le, qu’elle a acheté sur un coup de tête, sans écouter personne et sans s’occuper de faire la moindre inspection. Elle tarde même à lire les rapports qu’on lui fait par la suite, en rejetant un peu du revers de la main les gens qui veulent lui venir en aide. Ainsi, lorsque, au long de l’histoire, l’auteure récolte les fruits de ses désirs obstinés, on a plutôt envie de lui dire: Ben là, tu l’avais un peu cherché, quand même!
Ensuite, je dois dire que la plus grande beauté de l’écriture de Dominique Demers est sûrement cette si grande adéquation des mots avec cet imaginaire de la nature qui peuple ses phrases et qui nous donne envie de quitter la ville pour un chalet dans le bois. J’irais même jusqu’à dire que Dominique Demers porte la nature en elle, et qu’elle nous amène à l’aimer de tout notre coeur, nous aussi. Cependant, si cette force a fait de quelques uns de ses romans antérieurs des pures merveilles avec un style travaillé jusqu’à produire une évocation parfaite et dosée, le ton léger, exagéré, voire quétaine ne produit pas ici le résultat espéré et laisse trop souvent voir une écriture que je qualifierais plutôt de « facile », avec une façon d’écrire qui me laisse, et c’est dommage, de glace.
L’histoire principale du roman tourne autour de ce fameux chalet, mais on retrouve, en parallèle, une farandole de rencontres amoureuses qui se succèdent, la plupart non concluantes, mais surtout humoristiques. C’est que si Dominique est indépendante, n’a pas besoin d’hommes et se contente très bien de la compagnie de son petit « chien deux kilos » comme compagnon de vie, elle ne dirait pas non à goûter de nouveau à l’amour. C’est donc par l’intermédiaire du site « rencontresportive.com. » qu’elle explore le potentiel amoureux des hommes de la région. Si c’est divertissant au début, cela devient quand même un peu lassant, à la longue. Car la ribambelle d’hommes qui conviennent aux « critères » de Dominique sur le web et qui en viennent à dépasser l’étape du téléphone et de l’échange de courriel, se révèlent tous inadéquats dans la réalité, devenant assez caricaturaux des rencontres sur les sites de ce genre. Et ces hommes ne sont pas les seuls, d’autres personnages sont également présentés comme extrêmement caricaturaux, que ce soit les voisins casses-pieds qui finissent par se montrer aimables, les nombreux architectes-mécaniciens-etc. qui l’aident sur sa maison ou quelques uns de ses amis qui lui prodiguent des conseils…
Et si le texte semble être soulevé par un ton enjoué et féroce de l’auteure qui croque dans la vie à pleines dents, je n’ai pas pu m’empêcher de lever les yeux au ciel à quelques moments de l’histoire quand j’ai trouvé que c’était un peu « too much », par exemple la façon dont elle trouve son merveilleux-chalet (un hasard tellement hasardeux qui arrive miraculeusement dans les deux premières pages, alors que « rien ne le laissait prévoir »), les moments où l’auteure donne à son chien des caractéristiques un peu trop poussées (il « sentirait les choses » et aiderait Dominique dans certaines prises de décision) ou certains élans poétiques qui, malheureusement, ne sont pas venus me chercher, pas une miette. Plusieurs épisodes dramatiques ponctuent également le récit, mais ceux-ci étant circonscrits dans quelques pages sans qu’on en reparle trop plus tard, je les ai trouvé quand même légers et fades.
Il y a peut-être dans l’écriture pour les adultes de Dominique Demers un quelque chose qui ne m’atteint pas autant que son écriture pour les adolescents (j’étais malheureusement venue à bout avec peine et misère de son roman précédent, lui aussi pour adultes). Pourtant, Mon fol amour n’est pas dépourvu de tendresse, de joie, de beauté. Je dirais même que plusieurs personnes risquent probablement d’adorer ce récit léger et comique, traversé d’aventures rocambolesques de la vie et d’amours parodiques. Car malgré tout, et c’est ce que j’ai ressenti une fois le roman terminé, on se laisse finalement bercer facilement par cette histoire qui nous emporte au-delà de nos vies stressées, dans un nid douillet construit au coeur d’une nature apaisante. Face à sa carrière longuissime et aux différentes épreuves que la vie lui a réservées, peut-être cette grande auteure avait-elle aussi besoin d’un roman qui respirait la vitalité, la légèreté et la nature estivale à plein nez.
Le fil rouge aimerait remercier les éditions Québec Amérique pour le service de presse.
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