Réflexions littéraires
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Le charme de la relecture

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« Cherche-t-on dans la relecture la personne qu’on était ou celle qu’on est devenue? »

C’est en lisant cette question que j’ai pris conscience de la motivation de Laure Murat dans son essai Relire, Enquête sur une passion littéraire. Dans cet essai, elle s’entretient avec différents auteurs contemporains français et gens du milieu du livre, tels que Christine Angot, Annie Ernaux, Éric Chevillard et plusieurs autres. Elle leur a envoyé un questionnaire (disponible à la fin de cet article) pour connaître de quelle façon ceux-ci voyaient la relecture. Elle tenait à donner la parole à ceux qui relisent pour mieux comprendre le charme de se replonger dans un livre qu’on a déjà connu.

Le premier chapitre de l’essai est consacré à analyser la relecture et les raisons pour lesquelles les gens aiment relire ou au contraire n’aiment pas. Quoique cela reste profondément intime, comme le démontreront les réponses des participant-es, il est intéressant d’analyser ce phénomène auquel s’adonnent les amoureux des livres.

N’avons-nous tous pas un livre marquant voire fétiche qu’on aime relire, pour s’y réfugier, s’y blottir? Il y a quelque chose d’assez réconfortant dans le fait d’avoir des œuvres phares qui nous incitent pour de nombreuses raisons à vouloir y replonger.

De mon côté, j’avoue que je ne suis pas une grande reliseuse, si je me compare à certains auteur-es qui ont répondu au questionnaire et qui disent consacrer plus de 10 % de leurs temps de lecture à des relectures. Toutefois, c’est un plaisir que j’ai de retrouver une œuvre que je pense connaître, car chaque fois, j’y décèle de nouvelles choses : une émotion qui vient m’envahir, une compréhension plus profonde de l’écriture voire une étincelle qui m’atteint encore en relisant.

L’actualisation de la lecture 

Il y a dans la relecture une constante actualisation de la lecture, chaque seconde où l’on pose nos yeux sur les mots, le sens et la beauté des mots sont actualisés. On ne relit jamais un livre deux fois de la même manière, et ce, malgré que le texte, lui, ne change pas. Ce qui confirme toute l’importance d’une « conversation » qui se produit avec la lectrice ou le lecteur et l’auteur-e. Une œuvre est toujours interprétée ou réinterprétée en fonction de nos yeux du présent. Un livre qui peut nous avoir véritablement touchés dans le passé peut nous laisser de glace en le relisant, il restera toujours marquant néanmoins. Plusieurs auteur-es ont nommé dans cet essai L’attrape-cœurs qui est aussi un livre que j’adore relire. Il était mentionné qu’il s’agit d’un livre souvent plus marquant pour les adolescents que les adultes. Or, je ne peux être que d’accord avec cette affirmation, il reste que c’est agréable parfois d’aller se ressourcer dans des œuvres qui ont forgé nos vies.

Éloge de la lenteur

Prendre du temps pour relire une œuvre déjà connue, c’est aller à contre-courant d’une société de performance et de rapidité. Relire, c’est prendre du temps pour replonger dans une œuvre qu’on a aimé ou qu’on souhaite redécouvrir avec des yeux nouveaux. Il y a une forme de lenteur à vouloir retourner dans des mots d’autrefois. La littérature jeunesse y joue un rôle important, car on a souvent envie de retourner se nicher dans des livres qui nous rappellent des souvenirs d’enfance. Il y a quelque chose du rituel, de réconfortant de relire les mêmes œuvres, sinon pourquoi les enfants voudraient-ils toujours relire le même conte, la même histoire, retrouver les mêmes personnages?

Bref, cette lecture m’a été réconfortante, m’a donné envie d’encore et toujours plus lire et m’a aussi fait du bien. Il s’agit d’un hommage aux lectrices, aux lecteurs et au charme de la littérature. La relecture, comme la lecture, devient des piliers qui nous accompagnent dans la construction singulière de notre soi. Il n’y a rien de plus intime que de lire et de relire des œuvres qui au fond d’elles nous aident à mieux nous comprendre, nous soulagent ou même nous rassurent.

Elle m’a fait du bien parce que, pour moi, c’est toujours un grand bonheur de lire sur les expériences de lectures des autres et d’ainsi me sentir plus près d’une communauté de lecteurs et de lectrices passionnée. Je prends plaisir à découvrir les raisons pour lesquelles une œuvre a touché ou au contraire a laissé la lectrice ou le lecteur de glace. Ce n’est sûrement pas pour rien que j’ai cofondé un blogue littéraire ;)! Il y a dans l’écoute (la lecture) des récits des autres concernant les livres un propre survol de son rapport aux mots, à l’imaginaire et à l’importance de la littérature dans nos vies.

Seul petit bémol, qui n’est pas la faute de l’auteure, elle n’est pas responsable des réponses des participant-es, j’étais parfois déçue de voir la prédominance d’écrits d’hommes dans les incontournables. Flaubert comme Proust étaient cités à répétition et malgré le fait que je ne remets pas en doute l’importance de leurs œuvres, j’aurais aimé y lire plus de noms d’écrivaines. Laure Murat le mentionne d’ailleurs en début d’essai. Il y a heureusement des bijoux de réponses qui nous font oublier ce manque, je pense aux réponses d’Annie Ernaux et de Christiane Angot.

Et vous, aimez-vous relire certaines de vos œuvres préférées et pourquoi? Si vous avez envie de vous prêter au jeu, voici les questions posées par l’auteure aux auteurs invités.

Voici le questionnaire de Laure Murat :

1. La première expérience de la relecture vient de l’enfance. Soit que l’enfant réclame qu’on lui lise chaque soir la même histoire, soit qu’il lise lui-même à répétition le même livre. Quelle a été votre expérience d’enfant de la relecture? Quelle était, selon vous, la nature de la jouissance procurée par cette habitude?

2. Parmi les mots suivants, quel serait celui qui vous semble le mieux définir votre expérience de la relecture?

  • —  Répétition
  • —  Reprise
  • —  Réinterprétation
  • —  Redécouverte
  • —  Refuge
  • —  Autre (préciser) :

3. Pourriez-vous décrire votre pratique actuelle de la relecture, si possible en partant d’exemples précis?

  • —  pourquoi relisez-vous?
  • —  relisez-vous parce que vous avez oublié un livre, ou parce que vous vous en souvenez?
  • —  quel est le livre que vous avez le plus relu?
  • —  avez-vous des titres de prédilection que vous relisez par exemple chaque année ou auxquels vous revenez régulièrement?
  • —  avez-vous aimé un livre à la première lecture pour ne plus l’aimer à la seconde (ou l’inverse) et pourquoi?
  • —  à partir d’un exemple précis, pourriez-vous décrire ce que vous avez trouvé ou compris à la deuxième (ou énième) lecture d’un livre, qui vous avait échappé à la première?
  • —  généralement perçue comme un moyeu d’approfondir le sens d’un texte, la relecture, induisant une répétition parfois aveuglante, peut-elle aussi se confondre selon vous avec une perte de sens?

4. Relire de la poésie, un roman dont on a oublié l’intrigue, un essai où l’on veut vérifier un point théorique, un texte sacré relève de processus très différents. Pourriez-vous rapporter les différences que vous avez notées entre ces diverses expériences et spécifier le type de relecture que vous affectionnez en particulier en précisant pourquoi?

5. La pratique de la relecture chez un professeur de littérature, un comédien, un écrivain ou un éditeur relève de motivations très différentes. Pourriez-vous décrire votre expérience de la relecture dans le cadre spécifique de votre ou vos activités professionnelles?

6. Pourriez-vous comparer l’expérience de « relire un livre » à « revoir un tableau », « réécouter un disque » ou « revoir un film »?

7. Certains livres se prêteraient davantage à la relecture que d’autres. Avez-vous par exemple une pratique spécifique de relecture liée à la Recherche du temps perdu et, si oui, laquelle?

8. Relire est une pratique qui est souvent invoquée par rapport aux « classiques ». Si bien que relire empêcherait souvent de découvrir des nouveautés. En ce sens, diriez-vous que la relecture est un acte conservateur qui s’oppose à la lecture?

9. Le plaisir de relire se compose (au moins) de deux données qui se croisent : retrouver (ce qu’on connaît déjà) et découvrir (ce qui nous avait échappé). C’est aussi une double mise à l’épreuve du temps, du texte et de soi. Cherchez-vous, dans la relecture, le lecteur/la lectrice que vous étiez?

10. Peut-on « se » relire?

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  1. Ping : Pourquoi j’ai juste envie de lire Stephen King en ce mois de janvier glacial | Le fil rouge

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