L’œuvre postmoderne se caractérise par des personnages marginaux, un mélange de plusieurs genres accompagné d’une fragmentation du style d’écriture. Retrouver tout ça dans un même ouvrage, ça reste assez rare et en faire une très bonne histoire, encore plus. Or L’Adversaire d’Emmanuel Carrère y parvient.
Le coeur du récit
L’Adversaire, c’est l’histoire d’un homme : Jean-Claude Romand. Mélangeant fait divers, roman policier, autobiographie et biographie, Carrère y relate le meurtre sanglant de la femme et des deux enfants de Romand. Toutefois, ce crime terrible en cache d’autres. En effet, Jean-Claude Romand, réputé médecin de l’OMS à Genève en Suisse s’avère n’avoir jamais mis les pieds dans cette organisation. Plus le procès approche, plus des éléments déroutants sur sa vie sont découverts. Celui-ci n’a jamais terminé ses études en médecine, mais assistait tout de même aux cours faisant croire à ses camarades qu’il faisait partie des leurs. Jean-Claude Romand est même allé jusqu’à s’inventer un cancer. Les mensonges s’empilent et se multiplient, mais en réalité, qui est donc cet homme ? Comment se fait-il que personne n’ait jamais rien remarqué ?
Dans son ouvrage, Carrère compare sa vie avec celle du meurtrier mythomane. Tous deux ont une femme et des enfants en bas âge, les ressemblances sont nombreuses. Toutefois, dans le cas de Romand, tout était question d’apparence. Aucune facette de son existence ne prenait encrage dans la réalité. La vie de cet homme n’est qu’une pure et dure construction. Malgré sa maladie mentale, celui-ci reste un homme extrêmement intelligent.
Un désir partagé
Emmanuel Carrère ne sait pas comment aborder le sujet. D’un côté, il n’a qu’une envie : comprendre et exposer au grand jour les motifs qu’avait Romand à commettre ces crimes. D’un autre, il est dégoûté de s’intéresser aussi intensément à un homme qui a tué sa famille, la seule sphère de sa vie que celui-ci prétendait sincère (mais, comment savoir s’il disait vrai?).
Or cette ambiguïté face à de telles situations n’est pas un cas isolé. Ne sommes-nous pas tous curieux face à de telles atrocités ? Le décadent, le sanglant, le mystérieux et bien sûr l’insaisissable ont toujours été source d’inspiration et de création.
De mon côté, j’ai trouvé que ce roman offrait une belle réflexion sur la notion d’apparence qui est plus que jamais présente dans la société d’aujourd’hui. Jusqu’où le désir d’être parfait peut nous mener ? Et si cette quête continuelle de perfection finissait par nous faire oublier notre vraie nature, notre personnalité ?
En lisant L’Adversaire, j’avais l’impression d’apprendre à connaître et à comprendre le personnage en même temps que l’auteur. Cet ouvrage m’a laissée sans mots et avec des tonnes de questions en tête. Des questions qui, je le savais, allaient rester à jamais sans réponse.
En résumé, L’Adversaire d’Emmanuel Carrère est une œuvre toujours très actuelle qui porte à reconsidérer certains thèmes comme le mensonge, la foi, la curiosité et bien sûr, les apparences. Avez-vous déjà lu ce roman? Quelle a été votre impression ?