Déjà notre dernière séance de la session d’été, déjà la fin de nos rencontres avec trois groupes merveilleux, la fin des longues conversations sur nos lectures et de rires sur une multitude d’autres choses. On ne s’en fait pas trop, une nouvelle session débutera en septembre, de nouvelles lectures et de nouvelles – et anciennes – participantes viendront partager cafés et lectures avec nous, on a déjà hâte.
Entre temps, Martine et moi voulions vous permettre une petite incursion dans une séance du club.
Samedi, 26 août, Café Sfouf.
La grande lumière du café Sfouf, l’un de nos préférés, donne certainement une touche spéciale à cette séance. Cette fois-ci, on ne lit pas un roman québécois mais bien un roman américain, récipiendaire du prix Pullitzer. C’est ce qui arrive parfois avec les groupes de grandes lectrices, elles semblent avoir déjà tout lu et, par plaisir, on se permet de sortir de notre littérature québécoise pour explorer ce qui se fait ailleurs.
Le choix du mois était donc Qu’avons nous fait de nos rêves de Jennifer Egan. Les impressions furent plutôt mitigées, une lecture un peu tiède, comme on s’y attendait.
Qui n’a jamais rêvé de monter un jour sur scène ? De quitter l’ombre pour se retrouver sous les feux des projecteurs ?
C’est l’ambition que partage une petite bande d’adolescents dans le San Fransisco débridé des années 1970. Avec leur groupe de musique punk, ils jouent dans des bars, font des pogos et se donnent l’illusion d’une désinvolture propre à leur jeunesse. Mais le temps passe et l’irrévérence laisse bientôt place aux contraintes de la vie adulte. Bennie, ancien mélomane passionné, est devenu producteur de musique et se contente de sortir des tubes insipides. Lou Kline, dragueur invétéré, se retrouve seul dans sa belle maison. Et que dire de la belle Sasha qui, après un passé tumultueux, a le sentiment d’entraîner les échecs ?
Qu’avons nous fait de nos rêves est un roman chorale qui suit plusieurs personnages au courant de leurs vies respectives, qui s’entremêlent parfois. On y fait des sauts dans le temps constamment et c’est justement ce trop grand éventail de personnages et de jeux temporels qui a déplu dans le groupe. Si on avait voulu lire un roman choral bien réussi, il aurait fallu lire Autour d’elle de Sophie Bienvenu, c’est un bien meilleur exemple. –Insérer ici quelques minutes d’échanges sur tout l’amour que nous portons à cette auteure. – Les changements d’époque et de personnages ne sont pas toujours bien indiqués et on s’y perd souvent. Il y a un certain flou mentionne Cynthia. Autant dans la mise en page que dans les dialogues. Mais sinon, on remarque une chose : l’auteure fait parfois des sauts dans le futur. C’est une tactique intéressante qui apporte vraiment quelque chose au roman, nous sommes toutes d’accord.
Les cafés arrivent, les thés suivent, le matcha, le chocolat chaud, tous accompagné d’un petit Sfouf, le petit gâteau jaune qui a donné son nom à l’endroit.
Sara, traductrice, mentionne la pauvreté de la traduction. C’est traduit presque mots par mots, sans trop d’égard pour le sens, ça parait et ça rend vraiment la lecture moins agréable. Elle a même souligné quelques exemples dans son édition, c’est effectivement assez flagrant une fois qu’on y porte attention. Sans compter l’inclusion de quelques messages textes écrits au son qui nous font toutes bien rire.
On ne peut pas non plus passer par l’insertion d’une cinquantaine de pages sous forme de Power Point – oui, oui. Sans trop vous en révéler sur l’origine et l’importance de ces diapos dans le livre, c’est un ajout qui nous a toutes touchées et que nous avons bien apprécié, non seulement car ça permet d’avancer notre lecture plus rapidement, mais aussi pour l’originalité que cette idée apporte.
Les thématiques du livre, qui tournent toutes autour de la réussite, des rêves, du vieillissement et de l’écart entre nos rêves d’adolescents et la réalité de l’âge adulte ont suscitées bien des discussions. C’est l’un des plaisirs des clubs de lectures, les discussions qui, sans être directement liées au livre, touchent à un peu tout le reste. Prenant racines dans les thématiques qui viennent nous chercher et nous émouvoir, les discussions qui en suivent sont toujours intéressantes et tellement enrichissantes.
Quand est-ce qu’on devient vraiment adulte ? Qu’est-ce qui fait qu’on oublie parfois nos rêves d’enfance ? Est-ce qu’on se perd un peu trop lorsqu’on se laisse ensevelir par les responsabilités ?
« C’est quand l’on s’oublie qu’on devient vieux pis plate » dit l’une des participantes en riant. Ce n’est pas faux. Vieux pis plate porte une signification différente pour chacune autour de la table et c’est ce qui est beau. Vieillir, c’est aussi s’assumer et accepter qui l’on est, dit Martine. On acquiesce toutes. En se comparant un peu aux personnages du roman de Egan, on se rend bien comptes qu’ils se sont, pour la plupart, laissés ensevelir et porter par un courant qui n’était pas le leur, ils ne se sont pas toujours assumés, ils sont devenus « vieux pis plate« , mais pas tous. On reconnait les erreurs de parcours et on voit l’évolution des personnages, en écho à nos propres évolutions. On y apporte notre vécu pour essayer de mieux comprendre celui des personnages. Même si l’effet chorale nous a un peu déçues et que nous n’avons pu explorer en profondeur certains de nos personnages favoris, qui se révélèrent être les mêmes pour toutes, nous avons quand même réussi à y voir du beau, du touchant et à s’en servir comme point de départ pour d’autres discussions.
À travers tout cela, nous avons aussi parlé de nos lectures du moment, de films, de religion et de bien d’autres petites choses qui ont rendu la séance aussi lumineuse que l’espace.
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