Samedi matin 23 septembre 2017
Pour notre première séance du club de samedi, on se retrouve au café Sfouf, sur la rue Ontario. C’est assurément l’un de nos endroits favoris où faire les clubs de lecture. Non seulement le café est bon, mais la magnifique lumière et les grandes portes/fenêtres apportent certainement un petit plus aux séances qui s’y déroulent.
C’est notre groupe le plus diversifié à date et nous sommes bien contentes d’y accueillir notre premier participant masculin. Les âges varient et on y retrouve un bel équilibre entre nouvelles et anciennes participantes. C’est toujours un plaisir de voir que les gens ont aimé l’expérience au point de se réinscrire, tout comme c’est rassurant de voir que de nouveaux visages s’ajoutent aux groupes.
On commence les 4 lectures de la session de manière plutôt difficile avec la lecture de Sainte-Famille, un roman sur la violence conjugale, le viol et les difficultés — voir l’incapacité — à se sortir de ce cercle vicieux.
Dire que l’ambiance lumineuse et joyeuse du café contrastait avec la noirceur et le manque d’espoir du roman de Mathieu Blais serait peu dire. Après notre tour de table habituel, on s’est tout de suite lancé dans le cœur du roman.
Et puis, qu’en avez-vous pensé? demande Martine.
La première chose qui ressort de notre conversation sur le livre, outre l’escalade de la violence et la dureté des propos, est le détachement de certaines participantes face à la lecture versus l’implication des autres. En effet, alors que certaines se sont senties prises à la gorge par l’histoire, d’autres s’en sont détachées par mesure de prévention, « parce que c’était trop dur sinon » dit l’une des participantes.
Ça nous ouvre les yeux sur différentes formes de violence et on ne peut pas vraiment rester de glace devant tout ça. Non seulement devant Thomas, bourreau qui se sent victime, mais aussi devant toute la violence de la non-dénonciation du village en entier qui agit presque en tant que complices. Mathieu Blais porte aux extrêmes divers thèmes et crée un roman dépourvu de cette fameuse faille nécessaire pour laisser entrer la lumière. En ce sens, Saint-Famille est hermétique et ne laisse place qu’à l’ascension de la violence.
Le style
Sans vraiment nous y attendre, nous avons passé une bonne partie de la rencontre à parler du style de l’auteur, il y avait beaucoup à dire. Le rythme, les différentes voix pour chacun des personnages, les choix étaient tous conscients et ça n’est pas passé inaperçu. Il y a, dans l’écriture de Mathieu Blais, une forte poésie. Une « poésie rageuse » pour reprendre les mots d’une participante.
Le style a une forte influence sur les propos et c’est à travers celui-ci que passe beaucoup de l’émotion. On s’est tous rappelé une scène particulièrement difficile, accentuée par la ponctuation et le rythme saccadé.
Tout le monde s’accorde pour dire que, niveau exercice de style, l’auteur a fait un magnifique travail. C’est dans la beauté de cette poésie qu’on se sent protégé par la laideur des gestes posés. L’écriture sert donc à la fois de vecteur à l’intériorité des personnages tout en créant une barrière protectrice qui nous permet d’avancer dans notre lecture. Ça semble contradictoire et, pourtant, c’est exactement ce qui est ressorti de notre rencontre.
À travers tout cela, nous avons aussi beaucoup ri, échangé de belles lectures, partagé de chaleureux moments. Les visions et perceptions des uns venaient compléter celles des autres, ce fut tout simplement un bel échange, non seulement sur un livre dur et sans espoir — mais véritablement bien écrit —, mais aussi sur la vie, la littérature et l’importance de lire des œuvres qui nous heurtent.
Tout ça autour de plusieurs lattes, americanos, matchas et thés-surprises.
Notre prochaine lecture : Manikanetish de Naomi Fontaine.