Pendant les quatre années de mon baccalauréat en enseignement primaire, un seul cours de littérature jeunesse figurait à mon cursus scolaire, et c’est le cours qui m’a le plus profondément marquée. J’étais en deuxième année seulement et pourtant, je me rappelle être sortie du premier cours avec une certitude : un jour, j’enseignerais avec la littérature jeunesse. Pendant cette session, j’ai acheté les premiers albums qui allaient faire partie de ma future bibliothèque de classe. Ma prof d’alors, responsable de plusieurs coups de cœur littéraires qui allaient devenir des incontournables pour moi, m’a entre autres fait découvrir l’auteur-illustrateur Thierry Dedieu. C’est d’un de ses albums de Noël, À la recherche du Père Noël, dont j’avais envie de vous parler pour mon tout premier article sur le blogue !
Un album œuvre-d’art.
À la recherche du Père Noël est vraiment devenu un classique de la période des fêtes dans ma classe. Chaque année, lorsque je le sors de mon armoire, à peu près en même temps que la première neige, je retrouve le même plaisir. Il faut dire que le très grand format du livre, avec sa couverture rigide et texturée, donne vraiment l’impression d’avoir une œuvre d’art entre les mains. D’ailleurs, le simple fait de l’exposer sur le coin de mon bureau, en attendant le moment de l’histoire, constitue un événement : les enfants sont intrigués. Le plaisir est déjà commencé et l’album n’est même pas encore ouvert.
Simplicité et profondeur.
Mes coups de cœur en littérature jeunesse sont souvent des œuvres où les auteurs arrivent à me toucher en peu de mots. Je trouve que c’est un équilibre qui demande du talent pour être atteint. À mon avis, Thierry Dedieu y arrive et créer en plus des histoires qui font réfléchir, un peu à la manière d’un conte, avec une morale à la fin…
À la recherche du Père Noël s’ouvre sur ces mots :
« La neige tombait. Le jour se levait. Le vent hésitait. Il faisait presque doux dans le jardin de la famille Sorensen où trônait un petit bonhomme de neige. »
La sobriété des mots laisse la place aux illustrations magnifiques, s’étendant sur deux pages pleines. On sait déjà qu’on a affaire à un album de qualité.
Un soupçon de tristesse.
Un matin d’hiver, un petit bonhomme de neige part à la recherche du Père Noël afin de lui remettre un cadeau : des grelots dorés pour son traîneau. Pour ce long voyage, il part avec peu : son précieux paquet ainsi que quelques biscuits pour la route, qu’il place dans un petit baluchon. La route sera longue jusqu’au pays du Père Noël et le petit bonhomme de neige devra demander son chemin à plusieurs animaux de la forêt en cours de route. Malheureusement pour lui, ces derniers sont bien pingres et l’obligent chaque fois à leur donner quelque chose en échange. Bien qu’il possède peu, les bêtes le départissent d’abord de son précieux butin et de sa collation, puis s’en prennent ensuite à ses vêtements ! Puisqu’il croise tour à tour un corbeau, un cerf, un renard, un lapin, un loup et un ours, il se retrouve rapidement complètement dépossédé ! Il va même –au grand désarroi des enfants, chaque fois que je raconte l’histoire– jusqu’à devoir donner la carotte qui lui sert de nez ! D’ailleurs, Dedieu présente chaque fois, sur une page seule, l’animal-voleur en plein centre, comme pour mettre l’emphase sur sa cupidité. Avouez que le regard de ce lapin ne nous le rend pas particulièrement sympathique…

– C’est quoi cette carotte ? – C’est mon nez, nous sommes ainsi faits chez les bonshommes de neige. –Un nez carotte ! Je m’en régalerai. C’est le prix à payer pour aller plus loin.
Le lecteur ne peut s’empêcher de ressentir de la pitié, voire un soupçon de tristesse pour le pauvre bonhomme de neige ! Surtout que l’on comprend rapidement le petit manège des bêtes. La formule « C’est le prix à payer pour aller plus loin » revient d’ailleurs systématiquement dans la bouche des animaux, ce qui fait appréhender chaque nouvelle rencontre au lecteur !
Une fin heureuse, quand même, pour Noël !
Malgré les embûches, le petit bonhomme de neige fait son petit bonhomme de chemin (expression d’ailleurs utilisée dans le livre, à mon grand bonheur de prof…) et finit par arriver à destination bien pauvrement. À ce moment de l’histoire, le lecteur est un peu découragé et se demande bien pourquoi oh grand pourquoi le petit bonhomme n’est-il pas plutôt resté dans son jardin ?! Heureusement, le Père Noël, dans toute sa bienveillance de Père Noël, répond au petit bonhomme de neige :
« Sache, petit bonhomme de neige, que lorsque je donne un cadeau, je n’attends rien en retour. »
Il lui remet en même temps un petit paquet, ultime récompense après toutes ces épreuves, ce à quoi le petit bonhomme répond, en toute simplicité, par son plus grand sourire (soupir de soulagement pour les lecteurs…).
À lire et à relire.
Cet album est paru en 2015 seulement et depuis, je dois l’avoir lu à plus d’une centaine d’enfants (en suppléance, d’abord, et éventuellement aux élèves de mes propres classes). Peu importe l’âge, je crois que c’est un album qui offre une expérience littéraire complète : l’appréciation des mots, l’émotion, la contemplation d’illustrations de grande qualité et en plus, une réflexion sur le sens et la valeur de donner. C’est la particularité des albums jeunesse, je trouve, que de pouvoir offrir un moment de lecture aussi global. Sans compter qu’à partir du moment où on lit cette histoire à voix haute aux enfants, c’est presque garanti (et je parle d’expérience) qu’ils auront envie de s’y replonger, seuls, dans leurs têtes, afin d’y retrouver le même plaisir.
Très intéressant. Il va sans dire que ne suis pas objectif, mais j’apprécie néanmoins le billet, le sujet et l’enthousiasme de ma fille…
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Une critique très touchante et sensible. Une prof qui parle avec son coeur! J’ai bien l’impression que je lirais cet album avec la larme à l’oeil…
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