Cette lecture, Le monde est à toi, essai de Martine Delvaux, se veut une lettre d’amour de l’auteure à sa fille. J’ai lu ce texte avec émotion, m’étonnant à chaque page de la beauté des propos, de la puissante bienveillance qui ressort de cette relation mère-fille.
Elle interroge son rapport à sa fille, leur lien, leur amour, leur complicité. Elle ne cherche pas à en faire un manuel sur Comment élever sa fille pour qu’elle devienne féministe. C’est beaucoup plus que cela, c’est l’importance du féminisme dans leur amour, mais surtout cet amour inépuisable, innommable qu’elle porte envers elle.
La transmission, ce qu’elle lui lègue au quotidien, traverse le livre. J’avoue avoir été plus qu’émue pendant quelques passages. Delvaux écrit à sa fille, lui donne des conseils, questionne leur relation, la façon dont elle l’a accompagnée, elle lui parle de son histoire familiale, de ce qu’elle souhaite qu’elle devienne.
« Je ne sais pas quel genre de vie tu vas mener, mais j’espère que tu n’oublieras jamais que tu as le droit d’en changer le cours. Le droit de te dire, un jour, en regardant autour de toi : Ceci n’est pas ma vie. Et de tout faire pour te remettre à bouger et recommencer à respirer. » (p.42)
« […] quand j’ai envie d’abandonner, je pense à toi, et à ce que je t’ai souvent dit : il faut avoir une passion, il faut trouver cette chose qui te fait respirer et sur laquelle tu pourras toujours compter parce que tu pourras la sortir de ta poche comme un as qui donne un sens à ton existence. […] Le geste véritablement féministe, pour moi, a à voir avec l’engagement de l’artisane qui sans relâche revient, revoit, repense, recommence. » (p.81)
J’ai été attendrie par la façon de Delvaux de voir sa fille, de porter un regard toujours tant aimant envers la jeune adolescence qui vit, se découvre, se forme et expérimente. C’était rafraîchissant d’entendre une mère vouloir que sa fille s’indigne, se révolte, ne se glisse pas dans les attentes irréalistes d’une société. Elle lui laisse la liberté d’être elle envers et contre tous.
Delvaux est consciente aussi des privilèges de sa fille, de la couleur de sa peau à son lieu de naissance, et elle n’hésite pas à le lui rappeler, à lui faire réaliser dès l’adolescence, que ce n’est pas le cas de toutes.
Je ne sais pas si un jour je serai mère, mais je sais une chose : si oui, je me ferai un grand bonheur de replonger dans ces quelques pages avec un regard neuf. Or, ce n’est pas nécessaire d’être une mère pour être positivement ébranlée par cette lettre d’amour et pour être inspirée, à sa façon, à transmettre, à affirmer l’importance du féminisme autour de soi, à aimer.
Je n’ai pas l’impression en écrivant ces lignes de pouvoir démontrer à quel point il s’agit d’une œuvre qui m’a touchée et dans laquelle je retournerai me poser, tel un refuge. Il y a dans ce bouquin une vision du féminisme qui me rejoint sincèrement et qui m’a chavirée. C’était une des premières fois que je lisais un texte qui amalgamait avec tant d’intelligence l’amour et le féminisme. Ça a toujours été de pair dans ma tête, mais de les lire, comme ça, noir sur blanc, c’était revigorant autant que motivant.
J’ai eu la chance d’entendre Martine Delvaux lors de Salon du livre de Montréal cette année et j’ai été encore plus subjuguée par l’intelligence, mais aussi, la belle sensibilité qu’elle dégage… Je ne peux que vous ordonner d’aller vous procurer Le monde est à toi. C’est une lecture qui, à mon sens, a révolutionné et réaffirmé mon indignation, la place du féminisme dans ma vie, dans ma façon d’aimer. C’est une de ces lectures qui change tout sur son passage. Et comme ça, en une centaine de pages, un livre qui vient m’habiter pour longtemps.
Est-ce que je vous ai convaincu de courir vous procurer ce livre? ;)
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