Aurélie, ma vieille amie. On s’est rencontrées il y a longtemps déjà, au tournant d’une page. Tu habitais avec ma sœur et elle refusait de te partager, pour une fois qu’elle trouvait une lecture à sa pointure. Pourtant, déjà, je voyais bien comme tu la rendais heureuse, comme tu la faisais rire, lui donnait envie de lire, aussi (chose rare pour la soeurette). J’ai donc décidé d’aller à ta rencontre. Moi aussi, je voulais partager ces fous rires silencieux, ces sourires charmés au fil de tes pages.
Aurélie, je t’ai tout de suite aimée. Ma sœur et moi, nous lisions tes aventures en simultanée, je me jetais sur ton histoire lorsqu’elle déposait le livre dans un moment de répit. Nous nous querellions tes livres, mais ils ne m’appartenaient pas. Je n’avais jamais le dernier mot. Ma sœur, lectrice moins avide que moi, refusait donc que je termine ton histoire avant elle, ou que je la dépasse de ne serait-ce que d’une seule page dans ma lecture. Je mentais donc, bien sûr, prétendant m’arrêter au même endroit qu’elle, tout en faisant le contraire. Je poursuivais ma lecture avec un goût de bien modeste rébellion au bord des lèvres, guettant la seconde où ma sœur découvrirait ma supercherie et où je devrai arrêter de découvrir tes aventures.
J’aimais la fraicheur qui ponctuait tes pages. Tu étais une jeune adolescente aux aventures simples, aux doutes communs, aux envies semblables aux miennes, aux histoires accessibles. Mais surtout, surtout, Aurélie, tu étais une adolescente maladroite. Toujours les deux pieds dans les plats, les mots qui s’entremêlaient avec ta langue, les maladresses toujours prêtes à éclore et les moments de gêne omniprésents. Tu étais, peut-être au fond, diablement, incroyablement humaine, et c’était ça qui faisait plaisir à lire. Toi aussi tu te trompais, toi aussi tu vivais ou créais des malaises, toi aussi tu essayais de vivre ton adolescence comme tu le pouvais.
Tu fredonnais des chansons en leur créant des paroles sans queue ni tête (encore aujourd’hui, quand je me remémore ces passages où tu tentais de chanter du Simple Plan avec un anglais catastrophique, j’en viens à rire aux larmes), tu créais des amitiés inoubliables, tu écrivais des poésies, tu développais des sentiments pour des garçons, tu te disputais avec ta mère, ta vie aurait pu être celle de n’importe qui. Mais elle a été racontée avec talent. Avec une plume fine. À la fois hilarante et touchante. Certains passages pouvaient me faire m’esclaffer, d’autres me fendaient le coeur avec leur sensibilité émouvante. Notre lecture était une aventure. Alors que tu partageais tes journées à ton journal intime, nous devenions les témoins privilégiés de ton existence.
Hier, avec des jeunes élèves, j’ai parlé de toi. Je leur ai expliqué comme je t’aimais, au tournant d’une discussion sur leurs plus récentes lectures. Une d’entre elles te connaissait. Elle s’est enflammée de la même façon que je l’avais fait pour toi. Cinq ans plus tard, tes romans marquent toujours autant. Ton histoire a été mise en scène de diverses façons. Des livres, puis des films et des bandes dessinées. Toutes ces adaptations conservent ta touche bien spéciale, ta drôlerie naturelle qui fait de toi un personnage tellement unique et attachant.
Aurélie, on t’a regardée grandir. Tomber amoureuse, finir le secondaire, choisir de quel avenir tu voulais. Et on a dû te laisser partir, parce que les choses se terminent. Sept tomes savoureux nous avaient été offerts, tomes que je me suis amusée à relire à de nombreuses reprises, il fallait donc accepter la fin de tes histoires. Cette année, pourtant, ta créatrice, India Desjardins a annoncé que tu revivrais à nouveau dans un huitième tome. Et moi, je suis excitée comme une puce de découvrir où tu vas bien pouvoir te trouver, cinq ans après la fin du dernier tome.
Avec toi à venir, 2018 sera resplendissante.