Réflexions littéraires
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Whitehorse et ses bibliothèques de rue

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Lorsque je suis arrivée à Whitehorse en septembre, j’ai tout de suite remarqué la petite maison de livres à côté de notre gîte. Parce qu’ici aussi, comme à Montréal, les mini-bibliothèques ont envahi les rues. Passer d’une métropole de plus d’un million d’habitants à une petite ville nordique de 25 000 habitants a demandé une certaine adaptation. Le plus difficile a peut-être été la diminution de l’offre culturelle, notamment en ce qui concerne les livres. Je suis partie d’une ville où on compte un réseau de 45 bibliothèques, une bibliothèque nationale et de nombreuses bibliothèques universitaires pour vivre dans une ville où il n’y a qu’une seule bibliothèque municipale dans laquelle la collection de livres en français se résume à un rayon.

Cette offre restreinte de livres rend le phénomène des bibliothèques de rue d’autant plus important. Forme de démocratisation de la lecture, les mini-bibliothèques sont des lieux d’échange de livres anonymes entre les résidents de la ville. On ne sait pas d’où vient le livre qu’on « emprunte »; on ne sait pas où va le livre qu’on y laisse. Loin des critères savants et des contraintes institutionnelles, ces petites boîtes, souvent en bois, abritent toute sorte de livres classés de façon pêle-mêle, ce qui nous oblige à nous arrêter et à chercher le livre qui viendra nous rassasier. Livre mal-aimé abandonné par un lecteur insatisfait ou, au contraire, découverte qu’un lecteur enthousiaste a voulu partager, livre pour lequel on a manqué de temps, livre neuf ou abîmé, livre qui est passé entre plusieurs mains, livre récent ou livre d’un autre siècle… Chacun de ces livres a une histoire, parfois devinée par son apparence, mais qui reste le plus souvent un mystère pour son nouveau lecteur.

À Whitehorse, ces petites bibliothèques se trouvent souvent dans des secteurs résidentiels, mais on en trouve aussi une qui me fait un peu penser à une cabane d’oiseaux, sur le bord du fleuve Yukon, aux abords d’un sentier piétonnier très passant.

bibliothèque au bord du Yukon

En étudiant de plus près deux de ces bibliothèques de rues, l’une dans un coin résidentiel du centre-ville et l’autre sur le bord du fleuve Yukon, je découvre qu’elles révèlent certains aspects de Whitehorse. Si on y trouve surtout des livres en anglais, il y en a quelques-uns en français qui rappellent l’importance du bilinguisme dans la capitale du Yukon. De plus, la sélection est hétéroclite : du classique littéraire (de Dickens ou de James Joyce) aux romans populaires (de Danielle Steele), en passant par des livres de psychopop ou de science-fiction. Cet éclectisme se manifeste aussi en français : Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne comme Le Pèlerin de Compostelle de Paulo Coehlo font partie du choix. Pour ma part, j’ai emprunté un livre de Virginie Despentes : Bye Bye Blondie.

livres

Un mois plus tard, l’une d’entre elles semblait avoir été dévalisée. Des lecteurs avides étaient passés par là. Certains n’avaient pas trouvé preneurs comme What to Expect the First Year de Heidi Murkoff et Pleine Lune d’Antonio Munoz Molina (qui a quand même remporté le prix Femina étranger en 1998), mais Qu’est-ce que la littérature? de Jean-Paul Sartre et un exemplaire abîmé d’un tome de Game of Thrones s’étaient ajoutés à la sélection. Presque tous les livres en français avaient disparu. Ce renouvellement constant des titres fait la richesse de ces bibliothèques. Ça vaut la peine d’y revenir souvent.

Je ne resterai pas éternellement dans cette ville nordique. Avant de repartir de Whitehorse, je laisserai un livre acheté à Montréal dans l’une de ces bibliothèques comme trace de mon passage ici, de mon histoire. Qui sait où ce livre aboutira?

Et vous, empruntez-vous des livres dans ces mini-bibliothèques de rue?

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Un commentaire

  1. Ce concept est d’une intelligence et d’une poésie que j’adore ! En effet, il y a la démocratisation de la lecture, la désacralisation de l’objet mais aussi l’ajout d’un aspect ludique et franchement très attirant! Ca me fait penser à ces chaînes de livres que l’on faisait gamins, mais de manière très concrète et plus chaotique, donc plus fun (au final j’envoyais toujours un livre et j’en recevais jamais !!) Bye Bye Blondie est un super livre d’ailleurs. Et le film est vraiment génial et « impactant » aussi (avec Béatrice Dalle <3) L'as tu vu? Bel article, merci beaucoup en tous les cas !!

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    • Caroline Lafleur says

      Non je ne l’ai pas vu. Je n’ai pas encore commencé à lire le livre non plus, mais quand je l’aurai fini, je regarderai le film. Merci du conseil!

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