Art et créativité
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Frida Kahlo : La gran ocultadora

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Après avoir vu sa biographie réalisée pour le cinéma par Julie Taymor, où l’artiste m’a été présentée, après l’écoute d’un documentaire sur elle réalisé par Amy Stechler, après avoir mis la main sur tout ce que je trouve d’elle dans les friperies, me voilà à chercher son journal intime dans tout Montréal pour le lire. Il n’est plus sur le marché et ne peut donc être acheté qu’usagé, et il est quasi impossible de le louer en bibliothèque. Ce journal n’était d’ailleurs pas destiné au public, contrairement à un bon nombre de ses peintures, et ne peut donc pas porter le qualificatif d’autoportrait, nous rappellera d’ailleurs Carlos Fuentes dans son introduction du Journal de Frida Kahlo.

Est-ce aller trop loin que de vouloir éplucher les pages rédigées de la main de Frida dans son intimité? Peut-être… mais je n’ai su tout cela qu’une fois le livre ouvert sur mes genoux, dans la tranquillité d’un après-midi d’été. Alors tant pis.

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Le journal

Le journal, récupéré presque entièrement (certaines pages ont été arrachées pour une raison ignorée des biographes), a été reproduit dans son format original, en espagnol et avec ses couleurs vives d’origines présentes sur les dessins et croquis du journal, mais aussi dans les textes. Au journal, constitué d’un peu moins de 200 planches, s’ajoute une traduction des textes et plusieurs commentaires effectués par Rauda Jamis et Olivier Meyer, sur les significations potentielles des images, avec des mises en contextes que j’ai toujours trouvées très pertinentes.

Cela rend la lecture assez labyrinthique, puisqu’on va d’une partie du livre à l’autre constamment, y perdant parfois le compte étant donné que les pages du journal ne sont pas numérotées. Une lecture plutôt lourde, mais pas moins rafraîchissante.

La lecture seule du journal peut être révélatrice en soi pour celui ou celle qui sait lire l’espagnol, mais ce sont véritablement les commentaires et les préfaces (introduction et avant-propos) qui illuminent selon moi l’intimité écrite de Frida, celle qui s’est tellement mêlée à et inspirée de l’histoire du Mexique qu’elle décalait l’année de sa naissance de trois ans, en 1910, pour la faire correspondre à la révolution mexicaine. Les parallèles faits avec l’évolution de sa condition physique donnent également le ton aux dessins, et justifient la qualité graphique et le nombre de taches d’encre présentes sur les pages.

Obsessions amoureuses et surréalisme 

L’écriture du journal en général m’est apparue très surréaliste : des séries de mots commençant par la même lettre ou évoquant des images, des associations entre sentiments, états et couleurs, des questions, et même un collage! Quelques lettres destinées à son entourage se retrouvent aussi dans le journal, dont la majorité sont pour Diego, tour à tour son amant, son mari, son enfant.

Le journal n’est pas l’œuvre d’une vie. Il s’échelonne sur une dizaine d’années, à partir de 1944, après sa séparation avec son mari Diego, mais aussi à la suite de leur deuxième mariage ensemble. Diego, une obsession dans le journal.

[…]

Diego « mon époux »

Diego mon ami

Diego ma mère

Diego mon père

Diego mon fils

Diego = moi =

Diego Univers

Diversité dans l’unité 

Le journal permet de suivre Frida vers sa mort qui aura lieu en 1954, un an après celle de son adulé Staline.

À ce stade post-lecture, je crois pouvoir m’avouer, en connaissance de cause, une grande admiratrice du travail artistique de Frida, et de la grande femme qu’elle fut et continue d’être, puisqu’actualisée par ses œuvres éloquentes.

N’est-ce pas d’ailleurs le cas de tant d’autres parmi vous?

Un corps – magnifique – en douleur

Lire son journal, édité, c’est se rappeler sa beauté sans pareil, ses bijoux, ses vêtements colorés traditionnels mexicains – qu’elles faisaient parfois elle-même – le soin qu’elle prenait à se rendre art, sa condition physique épouvantable, son talent reconnu et sa franchise en peinture –  peu de femmes avaient alors peint une fausse couche de manière aussi sanglante, condition féminine partagée pourtant par plusieurs…

Cette transparence dans ses peintures n’était peut-être pas aussi généreuse qu’on pourrait le croire, car prise dans une grande solitude en raison de son alitement forcé entre la trentaine de chirurgies qui rythma ses 47 ans, elle se connaissait mieux que personne et dans tous les angles; cela participe beaucoup au fait qu’elle était son sujet le plus exploité.

Atteinte de polio dès la jeune enfance, son pied droit sera malade jusqu’à être amputé un an avant sa mort, en 1954. Ce pied est une image récurrente dans les croquis et dessins du Journal de Frida Kahlo, rappelant également les codex aztèques qui indiquent le sens des événements.

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Vers 16 ans, elle se retrouve dans une terrible collision entre un bus et un tramway, où elle se fera transpercer par une main courante. Elle survit, mais cet événement lui inflige beaucoup de chirurgies à la colonne vertébrale et la contraint à un état de douleur presque permanent. La tige de métal entre par son dos et ressortira par son vagin. Fait extraordinaire, elle se fait recouvrir d’or pendant l’accident : un artisan traînait une poche de poudre d’or qui s’est déchirée lors de l’impact.

Y aura-t-il jamais portrait plus beau et plus terrible de Frida que celui-ci? Se peindrait-elle jamais comme – ou plutôt pourrait-elle se peindre autrement que comme – cette « beauté terrible, totalement changée » La souffrance, le corps, la ville, le pays [Mexique]. Kahlo. Frida, l’art de Frida Kahlo.  Carlos Fuentes

L’unique Frida 

À travers les mots mêlés et les gribouillis, les croquis, les éclats d’encres, dans les couleurs et les expressions choisies, on ressent les passions de Frida, son désir ardent pour une victoire du communisme et une volonté d’aider dans sa lutte ce parti par son art, on va jusqu’à lire un de ses rêves d’enfant, et on remarque son tracas pour l’état de folie qui l’envahissait souvent. En proie à de nombreuses douleurs innommables, c’est pourtant sa joie de vivre et son humour noir qui l’emportent. Elle écrit en 1953 :

en dépit de ma longue maladie, j’éprouve une joie immense à VIVRE

Avez-vous déjà lu le journal intime d’un/une artiste qui fut révélateur de son oeuvre?

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