Les journaux se sont entassés dans mes tiroirs. De mon enfance à aujourd’hui, les cahiers se sont empilés les uns sur les autres, ils se sont remplis et ont accueilli mes aspirations poétiques et les limites de mon talent. Parfois, ma vie trop banale me désespérait, j’aurais rêvé de quelque chose d’extraordinaire à coucher sur le papier, mais rien n’y faisait, le calme plat se fracassait aux pages de mes journaux. J’avais des rêves de grandeur pour mes carnets. Je rêvais de couleurs et d’images à couper le souffle, de phrases inspirées qui changent la vie des gens. Je rêvais que mes journaux soient des collages tellement vivants qu’ils m’amènent à les redécouvrir moi-même au fil des semaines.
Mais je n’y suis jamais parvenue.
Je retrouvais alors ce que je n’arrivais pas à écrire dans les textes des autres. J’aimais dévorer les journaux d’autrui. Les fictions, comme les écrits, qui provenaient du passé. Cette assiduité que je ne possédais pas, celle de prendre le temps d’écrire et de décrire la vie, me fascinait.
Et voilà qu’est paru l’ultime objet, le carnet qui aurait pu ressembler à mes rêves les plus fous. Stéphanie Lapointe nous a présenté, un peu plus tôt cette année, Fanny Cloutier ou l’année où j’ai failli rater mon adolescence. Sous forme d’entrées dans son journal intime, Fanny nous convie aux premières loges de ses 14 ans, une année forte en rebondissements. Non seulement l’ouvrage qu’on nous présente est magnifique, mais il contient aussi un récit touchant et divertissant.
Fanny a toujours vécu en plein coeur de Montréal avec son père, un inventeur dont les créations n’ont jamais pris leur envol. Sa mère étant décédée alors que Fanny était toute jeune, la famille a appris à se reconstruire du mieux qu’elle le pouvait. Or voilà qu’un jour, le père de Fanny lui annonce qu’une de ses inventions a été remarquée et qu’on lui a offert de la développer plus en profondeur durant plusieurs mois… au Japon! Mais il y a plus: la jeune fille se verra également catapultée dans le petit village de Ste-Lorette, au cœur de la famille de la soeur de sa mère, dont elle n’avait jamais entendu parler auparavant. En plus de devoir dire au revoir à son père, Fanny devra apprivoiser une nouvelle famille, un nouveau village et une nouvelle école. Un cauchemar pour la jeune fille de 14 ans qu’elle est.
On se rendra toutefois compte, au fil du récit, que les exils peuvent avoir du bon, surtout s’ils nous permettent de comprendre plus en profondeur la vérité au sujet de la mort de sa mère, ou de faire des rencontres qui peuvent changer la vie.
Fanny Cloutier ou l’année où j’ai failli rater mon adolescence aborde des thèmes sérieux, tout en laissant place à une pointe d’humour. Du deuil à l’amitié, au déménagement ou à l’entraide, le récit touche des cordes sensibles. Le personnage de Fanny est toutefois très intéressant et teinte d’humour les pages de son magnifique ouvrage. On aime le ton de Fanny, qui est celui d’une adolescente emplie de doutes, de questionnements et d’idées folles. Elle est pleine de fraicheur et charme le lecteur à coup sûr.
Il faut également souligner le travail incroyable fait par Marianne Ferrer qui a illustré chacune des 326 pages que contient cet ouvrage. On a l’impression de plonger au cœur d’un réel journal intime, plein de couleurs et de magie, où les émotions s’expriment non seulement par l’écrit, mais également avec les pastels et les feutres. Le texte de Stéphanie Lapointe allié aux images de Ferrer créent un livre unique, presqu’un objet de collection, qui donne envie de le découvrir et de le redécouvrir.
Une chance pour nous, plusieurs suites sont à venir.
Une lecture que j’aimerais bien faire cet été!
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