Trois ans après la parution de L’année la plus longue, Daniel Grenier nous conduit à nouveau sur les routes sans fin de l’Amérique avec son ultime roman Françoise en dernier. Cette nouvelle épopée au coeur du territoire américain met en scène Françoise, une adolescente de 17 ans en quête de liberté.
Françoise vit une adolescence québécoise plutôt typique de la fin des années 1990 jusqu’au jour où elle trouve dans un salon de coiffure une édition de 1963 du magazine Life qui lui apprend l’histoire d’Helen Klaben. En février 1963, Helen Klaben a 21 ans et survit à un périple de 49 jours dans les forêts du Yukon suite à un écrasement d’avion piloté par Ralph Flores. En prenant connaissance de cet événement, Françoise devient fascinée par Helen Klaben et décide de partir à sa rencontre.
Partir à l’aventure
Si vous êtes comme moi, l’envie de partir sur un nowhere vous est probablement déjà passée par la tête dans votre vie, sans toutefois que vous osiez concrétiser cette pensée. Françoise, elle, réalise ce fantasme. On vit donc un peu par procuration son aventure à travers le roman et c’est franchement agréable. Daniel Grenier a d’ailleurs affirmé en entrevue que le personnage de Françoise lui a permis de vivre certaines expériences dont il a rêvé à l’adolescence sans jamais les rendre réelles.
La quête d’émancipation se sent tout au long du voyage de la protagoniste. Du Québec à la Californie, en passant par le Nevada et l’Iowa, Françoise découvre certes les frontières terrestres, mais surtout les limites qu’elle est prête à transgresser. On la surprend ainsi à voler en toute subtilité le portefeuille d’un homme qu’elle croise sur son chemin et à apposer sa marque en graffitis dans une gare de triage désaffectée. Ses périples reflètent son insatiable soif de liberté et son besoin constant de se réinventer:
« Françoise ne le disait pas explicitement ni à Sam ni à personne, mais comme c’était bon de jouer les Américaines. Ici, chaque jour elle le constatait, tout était à inventer et à réinventer. Ici, on pouvait se rêver soi-même, on savait que ce qui existait à l’intérieur de nous pouvait un jour sortir et nous illuminer, jusqu’à ce que les autres soient quasiment aveuglés de beauté. Ici, on pouvait oublier ce qui s’était passé deux secondes ou deux semaines auparavant et recommencer à zéro. En pensant à ça, elle réalisait qu’elle ne l’aurait jamais formulé comme ça chez elle, de loin, avant de partir. »
Un roman féministe?
Plusieurs critiques médiatiques ont présenté Françoise en dernier comme un roman féministe. Je dois avouer que je ne partage pas entièrement cet avis. Au fil de ma lecture, j’ai davantage ressenti la quête de liberté d’une jeune adolescente qu’une position féministe vigoureusement affirmée.
Certes, il y a sans aucun doute un lien qui unit les deux femmes protagonistes, Françoise et Helen Klaben, dans leur condition de femmes fortes et libres. Il y a certainement beaucoup de complaisance dans la manière dont Ralph Flores traite Helen tout au long de leur périple ensemble. Il y a possiblement une référence à Thelma et Louise dans la traversée en voiture de Sam et Françoise. Des connotations féministes sont donc présentes ici et là, mais on se doute bien qu’il ne s’agisse pas de la priorité principale de l’auteur :
« Elle ne se trompait pas souvent, le bottin encore moins. Mais elle savait au plus profond d’elle-même qu’un homme n’avait pas d’affaire ici, dans son histoire avec Helen. Et surtout pas celui qui se dressait maintenant devant elle de toute sa hauteur, l’arrosoir comme une extension en plastique de son bras : Helen habitait seule, dans la tête de Françoise, Helen n’habitait avec personne. Elle l’accueillait, l’accueillerait, et elles auraient des conversations à rendre jalouses les plus intimes des amies de longue date. Helen ne vivait pas ici, c’était cet homme qui vivait ici. Elle avait envie de le pousser dans le sternum. Elle pensait à ce que Ralph avait dit à Helen après l’écrasement, que c’était de sa faute parce qu’elle rejetait les enseignements de Jésus-Christ, et ça lui donnait envie de pousser cet homme dans la cage thoracique, dans ce que sa grand-mère appelait le plexus solaire. »
Pour le résumer sans fioritures, Françoise en dernier est tout simplement un roman agréable à lire. On prend plaisir à suivre l’attachante Françoise jusqu’au Yukon, sans trop remettre en question la vraisemblance du récit. À l’instar de L’année la plus longue, Daniel Grenier montre encore ici qu’il a le don de créer d’intrigantes histoires à partir de sujets inusités. Une belle lecture que je vous recommande pour commencer 2019 en beauté et réveiller l’aventurier.ère en vous.
Et vous, avez-vous des suggestions de lecture qui donnent envie de partir à l’aventure?