J’ai une relation ambiguë avec la grande autrice et poétesse américaine qu’est Sylvia Plath. Je connais son oeuvre depuis le début de mon adolescence, mais cela m’a pris du temps à m’y mettre. L’aura, l’engouement autour de ses livres étaient trop sinistres et glauques pour moi. À l’aube de mes 19 ans, j’ai lu The Bell Jar, son premier roman publié tout juste avant sa mort. Mon ressenti après cette lecture est encore présent en moi, des années plus tard. Cette lecture m’a marquée par l’histoire très teintée de vérités biographiques, sur cette autrice qui s’est suicidée à 30 ans, la tête dans un four. L’ombre du suicide et de la dépression était entre chaque phrase, et malgré cette lecture très prenante, je me suis surprise à ressentir tout ce que Plath avait vécu. J’ai remis le livre à la bibliothèque et j’ai essayé d’oublier, jusqu’à ce que je tombe sur ses journaux.
J’étais réticente au départ, mais l’idée de lire les journaux de Sylvia Plath était une tentative de comprendre le pourquoi du comment. Je m’y suis mise pour ne plus que son fantôme me hante.
Recherche de reconnaissance
Les journaux couvrent le début de ses études universitaires, son mariage avec Ted Hugues et ses déceptions du monde littéraire. Toute sa vie, elle va lutter pour se faire reconnaître comme autrice, pour sortir de l’ombre de son mari. Malgré quelques poèmes publiés par-ci par-là et The Bell Jar, Sylvia Plath ne va jamais être reconnue à sa juste valeur de son vivant.
« Tu cherches une issue, mais elles sont toutes hermétiquement closes. Tu vis jour et nuit dans la prison sombre et étroite que tu t’es créée. Et aujourd’hui tu sens que tu vas éclater, exploser, si tu ne peux lâcher la bombe de ce grand réservoir bouillonnant, qu’il puisse répandre par une fissure dans la digue. » page 46
Je me suis beaucoup reconnue dans la force que veut se donner Sylvia; travailler fort, toujours et toujours, au péril de tout. Travailler d’arrache-pied pour avoir une vie professionnelle épanouissante, essayer d’être à la fois une bonne épouse et une bonne mère. Elle s’est donnée corps et âme dans ses études littéraires et dans son oeuvre. C’était beau à lire et à comprendre, toute cette bonne volonté à recevoir cette reconnaissance qui ne venait jamais.
Plath et Hugues
La lecture de ses journaux intimes m’a laissé l’impression que son mari, grand poète anglais, a freiné ses ambitions. J’ai relevé plusieurs passages où Plath mentionne que les réussites professionnelles de son mari pouvaient éclipser ses nombreux refus de publication des maisons d’édition. Comme si les déceptions répétées de ne pas être capable de publier s’effaçaient de son esprit dès que son mari réussissait à accomplir ce qu’elle voulait pour elle-même. Elle se disait qu’être la femme de Ted Hugues était bien assez, que de toute façon, il avait beaucoup plus de talent qu’elle.
Sylvia Plath a vécu dans l’ombre de son mari célèbre toute sa vie. Et c’est dommage.
« Si j’étais un homme, je pourrais en faire un roman. Étant femme, pourquoi ne puis-je rien faire d’autres que pleurer et être pétrifiée.
Il faut que je sois forte, dormir pour être forte, que mon intelligence me rende forte, forte aussi dans mes fibres et mes os. » page 156
Après avoir fini la dernière page de ses journaux, j’ai enfin compris la complexité du personnage. Je peux me permettre de dire que je me suis réconciliée avec elle et ses crevasses. J’ai compris pourquoi tout ce qu’elle faisait était vécu de façon si intense.
Si vous êtes tentés de lire cette autrice, je vous conseille de commencer par The Bell Jar ou par un de ses recueils de poèmes. Cela vous donnera un bagage pour comprendre ses réflexions.
Et vous, êtes-vous fascinés par Sylvia Plath?
« Ariel » est un livre dont je ne pourrai jamais me départir. J’y reviens souvent.
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Je serai toujours fascinée par ceux et celles qui se sentent écrivain, qui ont un besoin viscéral d’écrire, qui veulent être reconnu.e.s comme tel, mais qui doutent de leur talent à force de refus d’éditeurs.
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