Le roman Épisodies est arrivé un peu par hasard dans ma pile de livres à lire. En fait, je souhaitais explorer des nouvelles avenues en littérature, et c’est dans la section «microrécits» de La Peuplade que j’ai pu assouvir ce besoin de variété. Je n’avais jamais lu quelque chose qui ressemblait de près ou de loin à cette création de Michaël Lachance.
130 microrécits
La toile de fond de ce roman est ce que Michaël Lachance appelle «l’Hôtel du Temps». Il s’agit en quelque sorte d’un non-lieu : jamais abordé de front, jamais réellement décrit en détails, l’Hôtel du Temps habite presque tous les microrécits et est aussi habité par eux: il permet donc de les relier entre eux. C’est en fait une réflexion générale sur la mémoire, sur notre lien avec le temps qui est tout à fait modulable et sur la présence forte des souvenirs et du ressenti dans nos parcours de vie.
«À l’Hotêl du Temps, je ne sors pas de mon crâne, pourtant le crâne peut recueillir l’Obscur, sinon les suies et cendres qui tourbillonnent dans les mondes sans étoiles. Car il me faut des échafaudages invisibles pour construire le visible, pour édifier l’évidence.»
Le livre est assez particulier dans sa forme. En effet, il est composé de 130 microrécits à travers un peu plus de 200 pages, donc on passe rapidement d’une histoire à l’autre. L’avantage, c’est que ce livre nous apprend à prendre des pauses dans la lecture, lorsqu’on veut pouvoir s’attarder sur la réflexion d’un microrécit. Mise en garde: il ne faut pas s’attendre à s’attacher à des personnages ou à découvrir un fil conducteur solide, car on pourrait être déçu.
Prose philosophique
Rien d’étonnant lorsqu’on découvre que l’auteur de Épisodies est un philosophe et qu’il compte parmi ses productions littéraires de la poésie et des essais. Michaël Lachance a su rendre hommage à la langue française: le roman est un enchaînement de mots ordinaires et communs, liés à d’autres, très précis et poétiques. Évidemment, certains passages m’ont touchée plus que d’autres, comme celui-ci, d’une grande beauté:
«Le lendemain, les avis seront partagés, certains prétendront que ces cris étaient des appels à l’aide, que l’épisode avait été un spectacle honteux. Je me souviens pour ma part de la grande quiétude du lac, de l’eau tiède de la fin d’été. Certes, dans l’encre visqueuse de la nuit sans étoiles, lorsque la profondeur du ciel se confond avec celle des eaux, la distinction devient très mince entre un geste de réconfort et un appel de détresse.»
Le calme, la nature, l’introspection et la diversité des points de vue sont à l’honneur dans Épisodies. Riche de matière à questionner notre environnement et notre lien avec celui-ci, le livre permet, entre autres, à chacun des lecteurs de réfléchir sur son lien avec soi-même, à travers les paysages splendides qui sont brièvement illustrés dans les récits.
Un choix audacieux
Ce livre, assez récent par ailleurs (2014), est un choix audacieux. À plusieurs reprises je me suis sentie un peu perdue dans le roman en raison de sa forme, mais aussi de son contenu. Par exemple, le livre foisonne de références intellectuelles, qui ne sont pas toujours accessibles: il y a à cet effet une notice bibliographique à la fin du roman. Toutefois, j’avoue que le découpage en 130 petits moments de réflexion permet de se raccrocher rapidement, ou encore de sauter de l’un à l’autre, si on se sent moins interpellé par une section du roman.
Loin de me faire décrocher de mon quotidien à travers l’imaginaire, ce roman de Michaël Lachance m’a plutôt recollée avec la réalité et les sujets sous-jacents à la vie, auxquels il est parfois plus facile de ne pas penser. Cependant, il se dégage de Épisodies une certaine légèreté et une beauté certaine qui permettent de le lire d’un bout à l’autre avec plaisir et surprise, puisqu’on ne sait jamais ce que la page suivante nous réserve!
Et vous, quelle lecture vous a le plus déstabilisé dans sa forme ou son contenu?