Je n’ai jamais eu d’intérêt particulier pour les cow-boys – en dehors de l’idée fantasmatique d’avoir un cheval! – et la connaissance que j’ai du genre western se limite aux films de Lucky Luke et les Dalton écoutés à Ciné-Cadeau lorsque j’étais petite. Mais malgré mon lamentable manque de savoir en la matière, je dois dire que j’ai lu Les frères Sisters, de Patrick deWitt, plus vite que mon ombre!
Dans les règles de l’art
Ce roman satisfait à toutes les attentes que l’on peut avoir envers un western. On y trouve tous les clichés du genre: des duels de saloon aux grandes chevauchées vers le couchant, en passant par la ruée vers l’or et les Indiens. Le long périple d’Eli et de Charlie Sisters, tueurs à gage de renom, à travers les plaines et les montagnes de l’Ouest américain est agrémenté d’effusions de sang bien dosées et de rebondissements aux limites de l’absurdité, mais leur aventure est avant tout une forme de thérapie familiale peu orthodoxe!

Joaquin Phoenix et John C. Reilly dans Les frères Sisters (Annapurna Pictures)
Ce qui fait le charme de ce roman, ce ne sont pas seulement les mésaventures des deux frères caractériels, mais c’est aussi la narration. Le rythme lent entrecoupé de tueries sporadiques est parfait! Si bien qu’au début de ma lecture, je ne pouvais empêcher la voix d’un Clint Eastwood badass de me narrer l’histoire dans ma tête! Pour finir, le décalage entre la violence ambiante et la banalité des dialogues teinte le récit d’une ironie digne de Tarantino!
Sous ses apparences de pastiche nostalgique pour les inconditionnels des westerns spaghetti, le roman joue avec les codes et sort des sentiers battus en critiquant les valeurs fondatrices de l’Amérique et en offrant une conclusion fantaisiste à la grande conquête de l’Ouest. Entre les angoisses d’un assassin en crise existentielle et les décisions erratiques de son frère alcoolique, préparez-vous à une chasse à l’homme qui ne vous mènera pas là où vous croyiez aller!

Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed dans Les frères Sisters (20th Century Fox)
Dans les règles du septième art aussi!
J’ai été étonnée et ravie d’apprendre que le livre avait été adapté au cinéma – avec une distribution de feu, de qui plus est! C’est donc avec un empressement frénétique que je me suis procuré le film.
Les prises de vue réalisées par Jacques Audiard sont tout simplement magnifiques, ce qui en rajoute une couche côté ironie puisque les personnages évoluent sans le moindre regard pour les paysages sauvages à couper le souffle qui forment le décor de leurs tribulations triviales! Joaquin Phoenix et John C. Reilly sont excellents dans leurs rôles respectifs de Charlie et d’Eli Sisters, et crèvent l’écran au son d’une trame sonore digne des grands classiques du genre.
Par bien des aspects, ce film est une véritable petite pépite d’or, qui ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval!

John C. Reilly et Joaquin Phoenix dans Les frères Sisters (Annapurna Pictures)
Le serpent dans la botte
Le scénario respecte l’esprit du livre, mais – parce qu’il y a un mais! – il ne parvient pas à en rendre toute l’ingéniosité. Je crois que le souci provient du fait que la durée du film ne permet pas de recréer l’ambiance du roman, faite de longueurs, de dialogues poussifs, de nombreuses péripéties anecdotiques et de mystères qui s’étirent vers un horizon lointain. Il en résulte un problème de rythme difficile à définir, mais néanmoins perceptible. La relation entre les deux frères, qui est vraiment au cœur du récit, y est également moins approfondie, faute de temps.
Bref, le film est bien, original et différent de ce que l’on a l’habitude de voir au cinéma, mais la lecture du livre s’avère une expérience beaucoup plus satisfaisante. Trop sombre pour être léger, mais trop déjanté pour être sérieux, c’est un roman inclassable, idéal pour vivre votre première cavalcade dans un Far West imaginaire ou pour vous donner envie de renouveler votre abonnement au fan club de John Wayne!
Et vous, aimez-vous les westerns?