Dans le cadre de ma maîtrise en littérature, j’ai lu des réécritures de contes à la pelle. Il y en avait de toutes sortes et vraiment pour tous les goûts. Plusieurs étaient humoristiques, certaines plus dramatiques, quelques-unes avaient un objectif féministe et certaines, pour adultes, étaient même très glauques. J’ai lu beaucoup de très bonnes versions, mais je dois avouer que jamais, jusqu’à maintenant, je n’ai trouvé de réécritures contemporaines de contes pour enfants aussi réussies que celles que vient de publier Marie Demers dans la collection des Contes culottés.
Ces contes, tout le monde les connaît, bien sûr. Mais ne vous attendez pas à lire des versions pareilles à celles popularisées par Perrault, Grimm ou Disney. Dans Le Petit Capuchon bleu (et le loup qui voulait s’appeler Jennifer), aucun chaperon rouge ni aucune grand-mère n’est mangé, et aucun chasseur ne vient sauver personne. C’est plutôt l’histoire d’une grand-mère qui jouit de la liberté qu’elle a de vivre comme elle l’entend (et qui fait du motocross!), d’un loup qui a l’impression d’être né dans le mauvais corps et d’une jeune fille qui en a assez de devoir agir comme toutes les filles.
Dans Peau de vache (ou La princesse qui voulait épouser son papa), aucun animal ne sacrifie sa peau, aucun père ne souhaite réellement épouser sa fille et aucun mariage ne vient finalement conclure l’histoire. Nous rencontrons plutôt une vache magique qui donne du lait frappé aux fraises, un parrain fée nommé André et une princesse qui aime vraiment beaucoup, beaucoup le maquillage… et son papa.
J’ai vraiment aimé ces contes, et ce, du début à la fin. J’ai trouvé qu’aucune des cent pages de chaque livre n’était de trop. Et une fois la dernière refermée, j’ai soupiré de contentement. Enfin! Enfin une autrice québécoise qui ose vraiment bousculer les contes, pas juste changer quelques détails ou travestir les filles en garçons – comme je l’ai souvent vu au cours de mes lectures. La richesse, la complexité et l’intelligence des Contes culottés montrent qu’un réel travail de déconstruction a été fait par Marie Demers pour repenser tous les détails des contes classiques, et qu’aucun motif n’a été oublié.
Les nouvelles versions sont vraiment originales, très actuelles et particulièrement drôles. Avec beaucoup de doigté et une grande maîtrise de l’écriture, l’autrice nous livre des histoires captivantes qui sont aussi quelque peu déstabilisantes par moments, mais tellement pertinentes! En effet, Marie Demers ne se gêne pas pour aborder des sujets souvent laissés de côté en littérature jeunesse, mais dont il est grand temps de parler: les modèles familiaux atypiques, les identités de genre, le poids de la conformité, etc. Et en prenant directement la parole comme narratrice de ses contes, Marie Demers nous offre une expérience de lecture d’autant plus drôle, puisque le déroulement de l’histoire est criblé de commentaires hilarants et de détails saugrenus à la sauce culottée.
À mon avis, ces contes sont de petites merveilles qu’il faut absolument lire et partager sans modération! Inutile de dire que j’ai vraiment très hâte de lire les prochains livres de la série. Le prochain tome est d’ailleurs en construction, et les rumeurs disent qu’il s’agira d’une reprise des Trois petits cochons…!
Aimez-vous les contes réinventés? Quels sont vos préférés?
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