Art et créativité
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Bière et poésie : deux ingrédients pour une symbiose étonnante!

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Il y a de cela quelques années seulement, le mot « bière » inspirait chez moi un profond dégoût. Non seulement il s’agissait d’un objet associé à la débauche et à la transformation de bonnes personnes en êtres dénués de respect et d’intellect, mais il s’agissait d’un produit dont les arômes invitaient le contenu de mon estomac à sortir de son socle.

La vie soit louée, c’est lors d’un voyage en Gaspésie que mes amis buveurs de bière m’ont encouragée à donner une autre chance à ce liquide houblonné, cette fois-ci habillé d’une robe noire opaque : La Gaspésienne de la microbrasserie Pit Caribou. Arômes de chocolat, de café, de torréfaction… Effluves de toasts bien dorées et en bouche cette onctuosité et cette richesse digne d’un merveilleux chocolat chaud… mais froid. La bière était devenue pour moi le paradis des correspondances baudelairiennes.

En effet, les bières de microbrasserie (et même certaines bières « commerciales ») rivalisent entre elles pour atteindre des niveaux de complexité dans les arômes et les effluves, rappelant parfois les saisons (bière sèche ou onctueuse en bouche), la nature (foin, fleurs, herbes) ou encore les sentiments (lait, chocolat, ou quoi que ce soit qui puisse être personnellement associé à un doux souvenir pour vous!).

Avant-garde Artisans brasseurs : la poésie comme ingrédient essentiel

N’étais-je pas heureuse qu’une microbrasserie ouvre ses portes dans l’est commercialement désert de Montréal, là où l’endroit le plus intéressant pour une bonne bière, c’est Les Trois Brasseurs d’Anjou? En effet, c’est autour de la Saint-Jean-Baptiste dernière que les bières Avant-Garde, qu’on pouvait déjà trouver en magasin, ont commencé à être servies à la pinte dans un charmant et vaste local au coin de Hochelaga et de l’Assomption!

Mais POURQUOI est-ce que je vous parle d’eux? Parce que je suis tombée en amour avec leur façon de marier bière et littérature. Leur site Internet se lit comme un petit recueil de pensées brassicoles :

« Chacun de nos produits est issu d’un laborieux processus d’auto-analyse assorti d’une descente aux enfers de la créativité artistique, sorte de vertigineuse plongée dans les profondeurs abyssales de la poïesis. »

Le cofondateur de cette microbrasserie et ancien étudiant de littérature, Shawn Duriez, explique leur choix d’établir une relation discursive solide et intéressante avec le consommateur comme suit :

« Plutôt que d’essayer de convaincre le consommateur que la bière qu’il ou elle tient dans ses mains est plus rafraîchissante ou plus intensément aromatique que sa voisine de tablette, on a pris le pari de mettre sur nos produits un texte qui valait la peine d’être lu pour lui-même. Après, on essaie toujours d’insérer quelques descripteurs pour donner un aperçu de ce qu’il y a dans la canette, mais à part ça, c’est vraiment le texte qui est important. C’est pareil pour notre site web. Plutôt que de décliner des banalités sur comment notre entreprise est bonne et qu’on aime donc ça faire de la bière, on a opté pour la démesure, l’autodérision et la mise en valeur du texte lui-même. »*

Leur Saison en enfer est un hommage direct au poète Rimbaud, qui est décrit comme suit :

« Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. — Et je l’ai trouvée amère. Amère et souple, délicatement fruitée et un brin poivrée, oui. En un mot : délicieusement buvable, encore et encore. Cette désaltérante et sèche saison de seigle séduira vos sens, mais jamais n’étanchera votre Soif. »

Leur démarche m’inspire beaucoup, et je crois qu’elle se démarque ingénieusement des autres microbrasseries, dans cet univers qui grandit sans cesse. Dans les mots de Duriez :

« Pour nous, ce qui était le plus important et qui l’est d’ailleurs encore, c’est de rapprocher les notions d’art et de technique, d’insister sur le fait que derrière la production industrielle et la distribution commerciale de notre produit de consommation, il y a une démarche de création artistique importante. C’est dans cet esprit qu’on développe nos produits en prenant soin de choisir un nom et un concept graphique qui apportent une profondeur supplémentaire, qui ont parfois des références littéraires ou cinématographiques plus ou moins évidentes au premier coup d’œil. On se donne aussi la contrainte/le plaisir de travailler avec des illustrateurs ou illustratrices différent.e.s pour chacun de nos produits et de mettre de l’avant leur travail autant que possible. En somme, on aime penser que ce qu’on fait est plus qu’un produit de consommation, qu’il y a un travail de conceptualisation et une identité qui va au-delà des considérations relatives au marketing. »*

Qu’en pensez-vous? Avez-vous déjà croisé le chemin d’un de ces liquides houblonnés qui vous a fait voyager dans un champ de fleurs, ou rappelé un souvenir heureux? Une suggestion de voyage gustatif et olfactif pour accompagner une bonne lecture? M. Duriez nous recommande pour sa part l’œuvre de Donna Tart et La maison de feuilles de Mark Z. Danielewsky!

*Les citations suivies d’une étoile sont issues d’un échange écrit datant du 9/8/2019, alors que les autres proviennent du site suivant : https://brasseursavantgarde.com/ .

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