«De toute façon, le féminisme ne sert plus à rien; l’égalité est déjà atteinte au Québec.» Combien de fois ai-je entendu cette affirmation, dont l’immense fausseté me fait immanquablement grincer des dents. Oui, les avancées féministes du dernier siècle ont été remarquables. Oui, les femmes québécoises vivent aujourd’hui dans une société beaucoup plus juste qu’il y a vingt, trente ou quarante ans. Il n’en demeure pas moins qu’il reste du chemin à faire, beaucoup de chemin à faire, pour atteindre l’égalité absolue entre les sexes.
Et c’est en imaginant un monde réellement égalitaire qu’on prend conscience des inégalités qui subsistent aujourd’hui et qu’on peut alors amorcer une réflexion sur les façons de les effacer. C’est ce que propose l’ouvrage collectif 11 brefs essais pour l’égalité des sexes: horizons féministes émergents, publié sous la direction de Noémie Désilets-Courteau en avril dernier aux éditions Somme toute. L’originalité de ce livre repose justement sur l’élaboration d’un monde égalitaire. En onze courtes chroniques, autrices et auteurs exposent leurs réflexions et avancent des pistes de solution pour atteindre l’égalité dans différentes sphères de la société.
Ce collectif m’a fait rêver à une société plus juste, en abordant une grande variété de sujets, tout en prenant diverses formes littéraires.
Une multitude d’inégalités à éliminer
À l’image de la pluralité des inégalités qui accablent le genre féminin, les chroniques de ce livre portent sur une grande diversité de sujets. De la place des femmes en politique aux inégalités raciales, en passant par le partage des tâches domestiques, l’existence numérique, la sexualité et l’urbanisme, toutes et tous devraient trouver leur compte dans ces onze essais.
Qui plus est, la variété du contenu s’accompagne d’une multiplicité de genres littéraires explorés par les autrices et les auteurs du recueil. L’essai classique appuyé sur des sources et des statistiques fréquente ainsi le récit basé sur l’expérience personnelle. La poésie est également au rendez-vous, tout comme la science-fiction (!) grâce au texte de Marilyse Hamelin, qui met en scène les réflexions d’une jeune adolescente de l’an 2319 sur les inégalités de notre époque. Un coup de cœur personnel: la lettre de Manal Drissi à son fils, dépouillée de virgules afin qu’il se souvienne que «l’égalité n’a rien de grandiose que son plus grand obstacle est le fardeau quotidien et incalculable du tout petit et du tout doucement et que l’essence de qui nous sommes repose sur le travail invisible de toutes les virgules du monde».
Et si l’égalité devenait réelle?
Évidemment, cet ouvrage n’a pas la prétention de recenser rigoureusement l’entièreté des injustices subies par les femmes qui persistent dans la société québécoise. Il a néanmoins le mérite de susciter des réflexions sur les améliorations à apporter pour que l’égalité de genre devienne réalité. J’ai, par exemple, bien apprécié la chronique de Rachel Chagnon, avocate et professeure en droit à l’UQAM, qui décrit, dans ce qu’elle désigne comme une «utopie égalitariste», l’accompagnement juridique d’une victime d’agression sexuelle dans un système où enquêteurs, procureurs et juges auraient conscience des enjeux de genre et où les ressources pour aider convenablement les victimes ne manqueraient pas.
Sur la place des femmes en politique, le texte L’égalité est un chemin qui passe par le pouvoir, de Noémie Désilets-Courteau, m’a également beaucoup plu. Je me suis reconnue dans son analyse du syndrome de l’imposteur, un important obstacle à l’ascension des femmes vers les postes décisionnels:
«On peut croire que dans un monde où on n’associerait plus d’emblée le pouvoir à la masculinité, les femmes seraient moins portées à douter de leur potentiel. Justement, quand on parle de pouvoir, la question de la confiance est primordiale; il est démontré que les femmes manquent de confiance en leurs capacités, alors que les hommes tendent à surestimer les leurs. […] Or, pour réussir, la confiance est aussi importante que la compétence. Ce syndrome de l’imposteur, qui contribue à freiner l’élan des femmes dans leur ascension professionnelle, peut disparaître avec un changement de valeurs; en élevant des générations de garçons et de filles auxquelles on montrerait à évoluer en marge des stéréotypes de genre, en leur présentant des modèles de succès (et de pouvoir) variés.»
En somme, 11 brefs essais pour l’égalité des sexes est une lecture accessible qui éveillera réflexions et questionnements chez quiconque s’intéresse aux inégalités de genre. Par la diversité des thèmes abordés, cet ouvrage aide à prendre conscience du long chemin qu’il reste à parcourir et confirme une fois de plus que le féminisme a toujours autant de pertinence aujourd’hui.
Et vous, quel essai féministe vous a inspiré des réflexions pour atteindre l’égalité entre les sexes?
Merci aux éditions Somme toute pour le service de presse.
J’ai été bouleversée par Sorcières de Mona Chollet et Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale de titiou lecoq. Je note cela ci ! =)
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