24Zadie Smith est sans contredit une écrivaine que j’admire énormément. Née d’une mère d’origine jamaïcaine et d’un père anglais dans un milieu modeste du nord-ouest de Londres (ce qui a plus ou moins inspiré l’un de ses romans, NW), elle est maintenant une intellectuelle respectée et une autrice à succès. J’ai lu presque toutes ses œuvres de fiction et je suis une grande admiratrice de sa façon de faire une littérature engagée, qui s’intéresse à des enjeux sociaux importants comme les questions de race et de classe, tout en présentant des personnages exceptionnels avec un style littéraire accrocheur. J’avais donc vraiment hâte de m’attaquer à son recueil d’essais, Feel Free, pour plonger plus profondément dans sa pensée et ses idées.
Ce que j’ai aimé
Parmi les points forts du recueil, il y a définitivement son éclectisme. Smith touche à beaucoup de sujets dans ses essais. S’il y a un fil conducteur, je dirais que la vaste majorité des textes parle d’un aspect ou d’un autre du monde culturel, fréquemment de littérature et d’histoire de l’art, mais comme nous l’indique le titre, c’est un recueil qui se sent libre d’aller où il le veut. J’ai particulièrement aimé l’essai sur le Brexit, qui présente un point de vue plus personnel sur un événement dont je saisis difficilement la teneur au quotidien. J’ai aussi beaucoup aimé qu’elle s’intéresse à la culture dite populaire (quelques essais sur le rap, un essai sur le film The Get Out, quelques mentions d’œuvres de science-fiction, par exemple) sans se poser de questions sur sa valeur, simplement en en parlant comme d’un élément culturel comme un autre, qui mérite que nous nous y attardions. Coup de cœur aussi pour ses essais plus personnels à la toute fin du recueil, qui regorgent de petits détails sensibles et dans lesquels il m’est arrivé de me reconnaître :
« I have the kind of brain that erases everything that passes, almost immediately, like that dustpan-and-brush dog in Disney’s Alice in Wonderland sweeping up the past as he progresses along it. I never know what I was doing on what date, or how old I was when this or that happened – and I like it that way. » (p. 352, tiré de l’essai Life-Writing sur son rapport à l’écriture)
Ce que j’ai moins aimé
J’ai moins aimé certains essais qui, à mon avis, péchaient par « excès d’intellectualisme ». Ça devenait parfois difficile à suivre quand on n’avait pas tous les référents culturels en tête ni Google ou Wikipédia au bout des doigts pour vérifier de quoi elle parlait. C’est correct de ne pas tout comprendre, mais je dois avouer en avoir sauté des petits bouts, dont la majeure partie des Harper’s Columns. Ces essais initialement publiés dans le Harper’s Magazine ont un style particulièrement difficile à suivre. Il y a aussi, éparpillés dans le recueil, quelques textes que j’ai trouvé un peu plus convenus, qui avaient probablement été super intéressants au moment de leur publication initiale, mais qui avaient perdu de leur fraîcheur une fois réédités dans le recueil Feel Free. Cela dit, j’avais aussi une contrainte de temps, car je voulais terminer le recueil pendant l’été. Je crois que j’aurais peut-être moins ressenti ces deux enjeux si j’avais un peu plus étalé ma lecture. Ça m’aurait donné le temps de faire des recherches au fil des essais et de digérer le tout à plus petites doses.
En conclusion
En somme, si vous ne connaissez pas déjà Zadie Smith, je crois qu’il est préférable que vous abordiez son oeuvre par la fiction d’abord. Commencez avec NW ou White Teeth, qui vous donneront une bonne idée des thèmes qui lui sont chers, mais avec la fluidité de lecture qui vient avec la forme romanesque. Mais si vous connaissez déjà cette autrice et aimez son style et ses intérêts, n’hésitez pas à vous lancer dans la lecture de ce recueil et prenez (contrairement à moi!) tout le temps nécessaire pour plonger dans la pensée de cette écrivaine brillante.
Et vous, lisez-vous parfois des recueils d’essais par des autrices ou auteurs dont vous connaissez surtout les œuvres de fiction?