Belle journée qui s’annonce : le ciel est d’un bleu magnifique, le soleil laisse entrer, par la fenêtre du salon et de la cuisine, ses doux rayons qui semblent glisser sur le plancher de bois. Et, aujourd’hui, c’est ma journée de congé. Quoi demander de mieux? Je peux enfin me reposer, rester en pyjama, garder mon chignon ébouriffé et faire tout ce que je veux. TOUT.
Je me prépare des œufs miroirs avec des toasts à la confiture de fraises. Mon copain se lève, il s’avance vers moi avec ses yeux mi-clos et me donne un baiser sur la joue. Il est pressé, il doit aller travailler dans une heure à peine. Il se dépêche, prend une douche et part à la course. Je lui crie : « bonne journée ».
Enfin seule. Je décide de mettre la trame-sonore de Pulp Fiction et de me prendre pour Mia Wallace qui danse sur un air de Chuck Berry. « Ladies and gentlemen, now the moment you’ve been waiting for : the world famous Jack Rabbit Slims Twist Contest! ». Et c’est parti. Je danse jusqu’à oublier mes pieds, mes mains, mon corps, jusqu’à oublier qui je suis. J’ai l’énergie d’une personne qui partirait à la conquête du monde.
Je m’écrase sur mon divan, épuisée, laisse la musique jouer, puis mon cerveau ramolli se met en marche. Et, une fois mis en marche, il n’est plus possible de l’arrêter. C’est un flot de pensées infatigables, incontrôlables et, fréquemment, désagréables. Ça se bouscule dans ma tête, ça se chevauche et ça me crie des bêtises que j’essaie de ne pas entendre, de ne pas croire. Des petites voix, voilà, qui n’en finissent plus de rabaisser tout ce que je fais, tout ce que je suis. Je fixe mon plancher, comme tétanisée par toutes ces pensées qui se mêlent, s’entremêlent et confondent le peu d’estime qu’elles me laissent.
Ce n’est pas un secret, mon cerveau, je le déteste souvent.
Le temps passe et je m’arrache, enfin, à cette paralysie désagréable pour laisser place à un stress inattendu (mais oh combien plus agréable!). Qu’est-ce que je fais encore en pyjama? Il est bientôt une heure de l’après-midi et j’ai plein de devoirs à faire! Je n’ai pas le temps de perdre du temps. Non, non, non.
Je regarde mon agenda où j’ai minutieusement inscrit les dates des examens et de remises de travaux. Mauvaise idée. Quoi? Deux examens déjà, dans une semaine, à peine? Je n’y arriverai jamais. J’ai beaucoup trop de choses à faire, à étudier, à considérer. C’est impossible. Je n’y arriverai pas.
Il faut que je commence maintenant, mais je suis trop stressée, pas capable de me concentrer. Je ne suis pas capable. Pas capable. L’acouphène dans mes oreilles devient de plus en plus forte. Trop bruyante. Elle crie à tue-tête et j’aimerais la faire taire, mais je ne suis pas capable.
Ding Dong. Quelqu’un est à la porte… Je ne veux pas répondre et, de toute façon, je ne suis pas présentable. Si c’est un de mes amis, je lui dirai que j’étais dans la douche, simplement. Mais, pour l’instant, je me cache. Allez-vous en! Partez! Je ne veux voir personne.
Laissez-moi tranquille.
Puis, j’entends la sonnerie de mon cellulaire qui m’avertit que je viens de recevoir un message-texte. C’est mon copain qui vient de m’écrire : « je t’aime ». Je souris, je me calme, je respire. La vie n’est pas si terrible, au fond, tout dépend de comment on la perçoit. Faire une chose à la fois et tout devrait bien aller. Parce que la vie ne devrait pas être une pénible corvée ni une accablante besogne, mais bien une source incroyable de petits plaisirs qui font sourire.
Je mets, le volume au maximum, Here comes the sun. Puis, je recommence à danser.
Mes humeurs ressemblent à une boîte de chocolats : je ne sais jamais sur laquelle je vais tomber.