Littérature étrangère
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L’amour au temps de la vilaine fille

Paru en 2008, le roman Tours et détours de la vilaine fille de l’auteur péruvien Mario Vargas Llosa raconte une histoire d’amour moderne et impossible. Le personnage principal, Ricardo, est complètement sous le charme de La petite Chilienne. Leur amour de jeunesse déterminera la vie entière de ce traducteur appelé à travailler dans plusieurs grandes villes telles que Londres, Madrid, Paris, etc.

Le but ultime de sa vie sera de retrouver sa chère petite Chilienne. Ce parcours ne sera fera pas sans soucis, car malgré le fait qu’il finisse toujours par la retrouver, il finit aussi toujours par la perdre… La petite Chilienne vivra dans de nombreux pays avec de nombreuses identités : elle sera la femme d’un diplomate à Paris, une guerrière dans le Cuba de Castro et même, une riche aristocrate à Londres. Son personnage est assez complexe étant donné qu’elle cherchera, tout au long de sa vie, à oublier son passé pour toujours mieux recommencer. La présence de Ricardo dans sa vie sera un peu la seule trame continuelle de son destin. Vargas Llosa ne porte jamais de jugement envers ce personnage féminin empreint de folie et même de mal-être qui cherche sans arrêt à devenir une autre qu’elle-même. Sa pauvreté et son enfance difficile l’amènent à vouloir, une fois adulte, renier toute trace de son passé et de ses douleurs. On la déteste souvent par son égoïsme et sa méchanceté avec Ricardo, mais son besoin si viscéral de vivre une vie différente à son histoire nous émeut. La petite Chilienne reste avant tout un être tourmenté qui ne sait plus comment se faire aimer.

« Vous allez trouver cela bizarre, mais elle, et tous ceux qui passent une bonne partie de leur vie enfermée dans les fantaisies qu’ils se construisent pour abolir la vie véritable, savent et ne savent pas ce qu’ils font. La frontière chez eux s’éclipse par périodes, pour réapparaître ensuite. Je veux dire qu’ils savent et ne savent pas, en alternance, ce qu’ils font. Voici ce que je vous conseille : n’essayez pas de la forcer à accepter la réalité. Aidez-la, mais ne l’obligez pas, ne la pressez pas. Cet apprentissage est long et difficile. »

Or, Ricardo n’arrêtera jamais de la suivre et de la désirer, malgré ses difficultés à l’atteindre, à lui parler, à la voir ; son désir incessant pour cette dernière gagnera et dominera l’entièreté de son existence. Il ne se laissera pas abattre par les soucis et les problèmes de la petite Chilienne, au contraire, son envie de l’aider et de la sauver grâce à son amour, sera la quête ultime de sa vie.

« Bien qu’on dise que seuls les imbéciles sont heureux, j’avoue que je me sentais heureux. Partager mes jours et mes nuits avec la vilaine fille remplissait ma vie. Malgré ses gestes tendres, en comparaison de son attitude glaciale d’autrefois, elle était parvenue, en effet, à me faire vivre dans l’inquiétude, avec l’appréhension qu’un beau jour, et de la façon la plus inattendue, elle recommencerait et s’évanouirait dans la nature sans me dire adieu. »

Une histoire d’amour possible, alors ? Oui, mais pas classique et encore moins clichée.

J’ai adoré cette lecture de Mario Vargas Llosa que j’ai découvert avec un autre de ses romans : Tante Julia et le scribouillard. Homme politique et engagé, il nous amène à découvrir une facette qui m’était inconnue du Pérou et aussi de Cuba. Le roman fortement axé sur l’histoire d’amour, laisse néanmoins place à des aspects plus politiques, sociaux et historiques, ce qui m’a aussi énormément plu.

La passion de Ricardo m’a fait pensé à celle de Florentino Ariza envers sa douce Fermina Daza dans L’amour au temps du choléra, de Gabriel Garcia Marquez, (qui a d’ailleurs été l’ami de Mario Vargas Llosa une bonne partie de sa vie, jusqu’à ce qu’une querelle mêlant infidélité et différend politiques les sépare) en raison de la patience et l’acharnement que ces deux personnages masculins mettent à désirer et à vouloir l’autre.

Bien que ce roman soit moins connu que le classique L’amour au temps du choléra, je crois que la beauté et la quête amoureuse de ce dernier rejoint celle de Tours et détours d’une vilaine fille. Le désir infatigable de deux êtres et la quête éternelle d’enfin se retrouver, voilà les thèmes de ces deux grands romans.

« Il m’avait suffi de la voir pour reconnaître que, tout en sachant pertinemment que toute relation avec la vilaine fille était vouée à l’échec, la seule chose que je désirais vraiment dans la vie, avec cette passion que d’autres mettent à courir après la fortune, la gloire, le succès ou le pouvoir, c’était de l’avoir elle, avec tous ses mensonges, ses caprices, son égoïsme et ses disparitions. »

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