All posts tagged: littérature étrangère

Le pigeon

J’ai toujours beaucoup aimé les récits où les personnages sont prisonniers de leurs perceptions, contraints de faire face à un événement en apparence banal, mais qui, pour eux, prend des proportions démesurées. Peut-être est-ce parce que ma nature anxieuse trouve un certain réconfort dans ce genre de récits, une sorte de « quand on se compare, on se console »? Toujours est-il que j’aime tellement les histoires de cette nature que j’en ai fait mon sujet de mémoire pour la maîtrise, et qu’une bonne majorité des nouvelles que j’écris abordent cette thématique! J’aimerais aujourd’hui vous faire découvrir un petit roman dans cette veine, qui compte parmi mes préférés du genre. La plupart des gens connaissent l’auteur Patrick Süskind pour son chef-d’œuvre Le Parfum, maintes fois réédité et adapté au cinéma. Toutefois, peu de gens ont entendu parler de son roman Le Pigeon, texte de 89 pages qui gagne à être connu. Ce court roman raconte l’histoire de Jonathan Noël, un vigile de banque âgé d’une cinquantaine d’années, pour qui la vie est un long fleuve tranquille… et …

L’esthétique de la laideur et les feuilles d’automne

Je fais dans le dégoûtant. L’être humain se meurt dans son besoin absolu de décrire le beau. Et c’est dans notre obsession de vouloir le définir que nous en perdons les repères. C’est qu’ils sont personnels ces repères. Je me plais dans le laid. Parce que la laideur est relative. Tout comme la beauté. Qu’est-ce que la vie sans pourriture? Qu’est-ce que le magnifique sans l’horrible? Le culte de l’esthétique du beau est archi-faux. L’espèce humaine apprend autant dans la décrépitude de son prochain que dans l’épanouissement de celui-ci. On naît avec cet amour de l’affreux, de l’étrange et du mystérieux. C’est une envie bien ancrée qui se développe en l’être qui veut bien l’abriter. Comme la fleur, nous l’aidons à croître en l’arrossant de curiosité, d’ouverture et de réalisme. La différence est que nous ne craignons pas de voir la tige se courber l’échine sous le poids de la vie. Nous observons avec autant d’excitation ce rite, par lequel nous passerons tous tôt ou tard, qui s’avère être aussi splendide que la naissance. Lorsque …

La bibliothèque des coeurs cabossés; un léger «feel good» suédois

Il est difficile de ne pas craquer devant le titre et la couverture du premier roman de Katarina Bivald. Auteure suédoise, on est bien loin des polars qui caractérisent généralement la littérature scandinave – c’est un peu une généralisation, je l’admets, mais ma connaissance en la chose s’arrête là – La bibliothèque des coeurs cabossés est plutôt léger, avec un penchant pour la romance et les situations rocambolesques, ce qui en fait un compagnon plaisant pour les pluvieuses journées d’été. Tout commence par les lettres que s’envoient deux femmes très différentes : Sara Lindqvist, vingt-huit ans, petit rat de bibliothèque mal dans sa peau, vivant à Haninge en Suède, et Amy Harris, soixante-cinq ans, vieille dame cultivée et solitaire, de Broken Wheel, dans l’Iowa. Après deux ans d’échanges et de conseils à la fois sur la littérature et sur la vie, Sara décide de rendre visite à Amy. Mais, quand elle arrive là-bas, elle apprend avec stupeur qu’Amy est morte. Elle se retrouve seule et perdue dans cette étrange petite ville américaine. Pour la première fois de …

Crimes, mystères et Hercules Poirot

Ma jeunesse fut rythmée par la lecture de certains classiques de littérature notamment Heidi (1881) de Johanna Spyri, la série de Sherlock Holmes (1887+) de Sir Arthur Conan Doyle ou bien Little Women (1868) de Louisa May Alcott. Tranquillement, j’apprenais ce que j’aimais et ce que j’aimais moins en terme de lecture. Durant une autre période de ma jeunesse, j’ai beaucoup accroché aux romans fantastiques (probablement comme beaucoup de vous). J’étais obsédée par Harry Potter (1997+) de J.K. Rowling ou bien la série À la croisée des mondes (1995+) de Philip Pullman. En vieillissant, j’ai développé un amour pour la littérature anglaise de toute forme – (même si je dois avouer que je ne lisais pas toujours dans la langue d’origine – shame on me!) – qui me semblait tellement envoûtante. Bien que j’appréciais la littérature d’autres pays ou régions bien sûr (les États-Unis, le Québec, etc.), je gravitais toujours naturellement vers les romans anglais, souvent sans même le savoir. Tout cela pour dire que j’étais prédestinée à devenir fanatique des romans d’Agatha Christie et …

Mon amour pour Schmitt

Je suis tombée amoureuse de la plume d’Eric-Emmanuel Schmitt quand j’étais en secondaire un. Grâce au petit Oscar. « Vous aurez une lecture obligatoire ce mois-ci: Oscar et la dame rose. », dit ma professeure. « Ah non! Pas encore un livre obligatoire! », dirent les élèves de la classe. C’est comme ça qu’ma grande histoire d’amour avec Schmitt a commencé. Toute ma vie, je m’étais fait dire que les lectures scolaires étaient décevantes. J’ai eu la preuve que c’est faux puisque j’ai été agréablement surprise lorsque j’ai lu ce roman. Oscar et la dame rose, ce sont des lettres écrites par un petit garçon mourant de 10 ans, atteint du cancer. Il y raconte ses douze derniers jours de vie. Une histoire touchante qui m’a donné envie d’pleurer à beaucoup trop d’reprises. Une phrase de ce livre résonne encore parfois dans ma tête: « Regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois. » Conseil que je tente de suivre le plus possible. Eric-Emmanuel m’a imprégnée de sa sagesse et de sa belle vision de la vie. Suite …

La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert

On dit souvent qu’il ne faut pas juger un livre d’après sa couverture. Dans la vie de tous les jours, je m’efforce d’appliquer ce principe de non-jugement, surtout en ce qui concerne les gens que je rencontre. Mais, il y a environ deux ans, j’ai littéralement jugé un livre d’après sa couverture… et on ne m’y reprendra plus! À la librairie où je travaillais, on recevait à l’occasion des services de presse, livres qui nous étaient offerts gratuitement (et parfois avant leur sortie officielle) afin de permettre aux libraires de découvrir les nouveautés et de mieux conseiller les clients. Ce jour-là, mon assistant gérant m’avait tendu un livre blanc, simple, avec comme illustration de couverture une peinture montrant une rue de village au style vieillot. Joël Dicker, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, roman. J’avais examiné le livre dont l’esthétique ne me plaisait pas, parcouru en diagonale la quatrième de couverture… et je l’avais laissé sur le bureau, disant que je n’en voulais pas. (Je sais, il faut être folle pour refuser un livre gratuit. …

Au menu ce soir: festins littéraires et autres gloutonneries romanesques

J’aime la bouffe. Je l’aime d’amour. Si je n’étais pas en couple (Salut Guigui!), je serais sûrement en relation avec elle (j’exagère à peine). Maintenant que c’est dit et que vous êtes au courant de ma relation particulière avec cette ô combien magnifique chose, je peux entrer dans le vif du sujet. Avez-vous déjà interrompu votre lecture pour vous concocter une petite collation parce qu’un livre vous avait donné trop faim avec ses descriptions culinaires? Eh bien, moi oui. Et plusieurs fois, ohhh oui. En plus de nous faire saliver, la présence de la cuisine en littérature parle beaucoup. Elle nous renseigne sur les mœurs de certaines cultures, donne une autre dimension aux personnages, rajoute une palette de goûts et d’odeurs pour étoffer notre imaginaire. J’ai donc fouillé ma bibliothèque à la recherche d’œuvres où les repas n’étaient pas qu’accessoires, ils étaient au centre de la construction littéraire. C’est à partir des romans de Kim Thúy, Franz-Olivier Giesbert et Dany Laferrière que j’ai créé un menu entièrement littéraire qui donne envie de passer du livre …

La dualité des amours passionnels

L’amour est multiple. L’amour est contradiction. L’amour est dualité. L’amour est passion. L’amour est haine. L’amour est vérité. L’amour est mystère. L’amour est espoir. L’amour est désespoir. L’amour est folie. L’amour est tranquillité. Et tout ça, Ernesto Sábato l’a bien compris. Dans son ouvrage Le tunnel, l’auteur nous présente une histoire d’amour passionnel comme moteur du déclenchement de la folie chez le protagoniste. Qui n’a jamais vécu ce délire incontrôlable créé par une obsession soudaine pour l’être aimé ou admiré secrètement? La maladie d’amour est puissante, dévastatrice et bien peu souvent, mutuelle. Lorsque l’éclatement de l’âme se fait de façon solitaire, il arrive que le mal-aimé cède à son penchant impulsif. L’artiste peintre Juan Pablo Castel est un assassin. «Il y a eu quelqu’un qui pouvait me comprendre. Mais c’est précisément, la personne que j’ai tuée.» (p.15) Consterné par la vie qui lui semble être vide et sans substance, Castel voit une lueur d’espoir dans cette jeune femme qui s’est arrêtée devant l’une de ses toiles lors de son exposition. «Ce fut le jour du vernissage. …

Les mille soleils de l’entraide féministe

Khaled Hosseini est né en 1965 à Kaboul en Afghanistan, mais vit maintenant en Californie. Son excellente oeuvre Les cerfs-volants de Kaboul publiée en 2005 lui a valu le Prix des libraires du Québec en 2006 et lui a permis de se faire connaître mondialement. Mille soleils splendides, publié en 2007, est son deuxième roman. Il raconte l’histoire de deux femmes totalement différentes et éloignées qui deviendront une entité d’espoir et d’humanité. Tout d’abord, il y a Mariam qui sera obligée d’épouser un homme de trente ans son ainé et qui vivra pendant des années avec cet homme sans réussir à lui offrir un fils. Cette relation sera empreinte d’injustice, de maltraitance, de manipulation et de violence. Elle sera par la suite confrontée à l’arrivée de Leila, une jeune fille de 14 ans, dans sa propre maison. Le mari des deux femmes fera preuve d’une extrême misogynie envers ces dernières, qui passeront d’une relation conflictuelle à une relation basée sur la compassion et l’envie de s’aider mutuellement. Elles décideront donc ensemble de fuir leur mari et …

Le lecteur et les best-sellers

Best-seller. Cette expression, utilisée abondamment dans le monde littéraire, n’a pas la même signification pour tout le monde. Dans le milieu de l’édition, cela signifie un livre qui a connu un immense succès commercial, qui s’est énormément vendu par rapport aux autres livres du même genre. Dans la tête de bien des gens, un best-seller est un livre qui doit forcément être bon, étant donné la quantité de lecteurs qui l’ont acheté… non? Eh bien, ce n’est pas totalement faux… ni totalement vrai. L’autre jour, au travail, j’ai décidé d’ouvrir l’œil et, en plaçant les livres sur les rayons, je me suis efforcée de repérer ceux sur lesquels figurait la mention « best-seller ». Verdict? Énormément de livres portent cette mention, à un point tel que j’ai renoncé à compter. Le plus fascinant dans tout ça était sans contredit le fait qu’il y avait, dans le lot, de nombreux ouvrages dont je n’avais jamais vraiment entendu parler dans les médias, ni même par bouche à oreille. Bon, je sais, il m’est impossible de connaître tous les livres …