Chroniques d'une anxieuse
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Chroniques d’une anxieuse : pardonne-moi mes silences

Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi je me sentais autant opprimée, un poids lourd qui écrasait mon cœur, lorsque j’étais dans un groupe de plusieurs personnes. Des personnes qui parlaient, parlaient et parlaient. Et, moi, qui restais en silence. Parce que je n’avais pas le courage d’ouvrir la bouche, parce que le temps que je me décide à l’ouvrir la conversation s’était déjà envolée dans une autre direction.

Et je restais en silence.

Mon problème c’est que j’ai toujours eu de la difficulté à prendre ma place parce que j’ai souvent eu l’impression que les autres ne m’en laissaient pas assez. Ou que je n’étais pas suffisamment intéressante. Mais ce n’était pas leur faute ni la mienne. Le coupable c’était mon cerveau, emprisonné dans une cage de mots, qui discutait avec lui-même sans cesse. Il y avait tellement de discutions dans ma tête, des discutions bipolaires et maniacodépressives, « Alex dis pas ça, tu vas avoir l’air conne », « Allez vas-y, dis-le », « dis-le pas de toute façon personne va t’écouter »… Et je n’arrivais pas à me décider.

Mais des fois je me décidais. Pis je parlais. Pis personne ne m’entendait. Parce que je n’avais pas exprimé ma pensée assez puissamment, avec assez de conviction, avec assez de certitude. Pis, dans ces moments là, je me sentais vraiment niaiseuse.

Niaiseuse pis toute.

J’étais silencieuse, mais dans ma tête ça disait des choses pas tellement fines sur moi, comme si je m’auto-flagellais. Toutes les insultes y passaient. Une après l’autre (et laisse-moi te dire que c’était pas vraiment l’fun pour l’estime).

Et j’ai eu longtemps envie (comme bien des gens) d’être autre chose que moi. De devenir la fille extravertie qui parle fort, qui dit tout ce qu’elle pense, qui prend beaucoup trop de place, qui se fait remarquer parce qu’elle bouffe l’espace de tout le monde.

Mais ce n’était pas moi. Moi j’étais autre chose.

Et un matin j’ai eu une divine révélation, un Alléluia!, j’allais m’accepter comme j’étais (c’est quétaine, je sais!). J’allais m’aimer, peu importe, silencieuse, anxieuse, réservée, qui s’ouvre aux autres quand elle se sent totalement en confiance (comme un p’tit animal chétif) et qui prend la place qui lui faut sans piller sur les autres.

C’est peut-être quétaine, mais sur le coup, ça m’a fait du bien. J’étais un p’tit animal chétif qui commençait à s’affirmer en apprenant à s’aimer. Un jour à la fois.

Pis tout ça c’est grâce à une de mes amies que j’avais vue la veille, autour d’un bon thé, un après-midi d’été à l’air climatisé quand il fait quarante degrés à l’extérieur. On parlait de tout et de rien, des amours, de la vie, de l’école, des voyages, des rêves. Un bon « girl talk » comme on dit. Pis elle m’avait sorti cette phrase là : « la personne avec qui tu vas passer le plus de temps dans toute ta vie, Alex, c’est toi-même ».

Ça été comme une claque en pleine face.

J’étais mieux de commencer à m’aimer tout de suite, à apprécier ma présence (et mes silences) parce que sinon j’allais trouver le temps long. La VIE longue. Je devais apprendre à taire pour de bon ces petites voix dans ma tête qui m’empêchaient de parler parce que, selon elles, tout ce qui sortait de ma bouche ne valait pas grand-chose. Les faire taire aussi à chaque fois qu’elles me stressaient lorsque je ne savais plus quoi dire : « enwèye dis quéqu’chose, ils vont te trouver plate »!

Parce que si j’ai pu rien à dire, so what? Parce que si je bafouille, fais des tonnes de lapsus, dis n’importe quoi sans m’en rendre compte, qu’est-ce que ça change au bout du compte? Au bout du compte, c’est moi (et seulement moi) qui est pogné avec moi-même, avec mes petites voix fatigantes pendant que les autres ont déjà oublié (depuis des lustres) ce que j’ai dit il y a quelques heures.

Ma meilleure amie, ma plus proche confidente, c’était moi. Et je devais apprendre à l’aimer. À l’aimer comme elle était. Introvertie, timide et tout le tralala. Pis, ça, c’était pas évident.

J’ai eu de l’aide (parce qu’on a toujours besoin d’aide). Des petits anges, des irremplaçables qui m’ont appris à apprécier ce « moi » quand, dans les pires moments, je le détestais. Qui ont su me dire que j’étais capable quand j’avais perdu tout espoir. Qui m’ont perçue comme merveilleuse quand j’évitais tous les miroirs. Qui ont su voir en moi ce que je ne voyais pas. Qui ont su estimer ma présence et persister à faire partie de ma vie. Peu importe.

Ils ont partagé tous mes silences. Côte à côte. Sans broncher. Parce qu’ils comprenaient que dans ma tête ça bougeait tellement que rien ne pouvait sortir.

Et ils m’ont acceptée sans vouloir que je sois autre, parce qu’à leurs yeux, mon « moi » était déjà bien assez merveilleux.

À tous ceux-là, je voulais seulement vous dire, merci d’avoir été vous et de m’avoir pardonné d’être moi.

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Anxieuse à temps plein et insomniaque à temps partiel, Alexandra se nourrit à grands coups de mots, de phrases et de livres qui font rêver. L’écriture lui a toujours servi d’exutoire avec lequel elle pouvait coucher sur papier ses folies et ses nombreux tourments. Elle adore tout particulièrement se perdre dans les couloirs infinis des bibliothèques, mais également dans les corridors de l’Université de Montréal où elle fait un baccalauréat en Littérature comparée et cinéma. Elle se passionne pour les films cultes, les traversées autour du globe, les arts, la musique, la photographie, bref, elle s’intéresse à tout et veut tout savoir! Son but ultime : vaincre ses peurs et aller à la conquête du bonheur!

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