Littérature québécoise
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Un duplex, Paris et de vieilles amies

r_663_sCe premier roman de la cinéastre Éléonore Létourneau raconte l’histoire de deux amies: Marie et Véronique. Ayant été à une époque extrêmement proches, elles ont décidé d’acheter un duplex ensemble. Toutes les deux célibataires, rêveuses, ambitieuses et cinéastes, elles rêvaient de faire des films pour changer le monde. Véronique et Marie, ce sont les amies qui rêvassaient et qui rêvaient…

S’ensuit des chums, des contrats, des projets qui ne déboulent pas et un silence tranquille qui s’installe entre les deux amies, dans le duplex. Le roman met l’accent sur Véronique principalement. Écrit au Je, on entre entièrement dans les pensées et les tourments de Véronique. Cette dernière se trouve à devenir de plus en plus déprimée et maussade à tous les niveaux de sa vie. La réalité la mène à comprendre que ses vieux rêves ne se réaliseront pas. Son scénario tant de fois travaillé et retravaillé ne sera jamais un film. Elle avance dans une vie qui n’est pas la sienne, dans une ville qui la déçoit, dans un Montréal après le printemps érable.

J’ai adoré le fait qu’Éléonore ait réussi à nommer et à recréer l’ambiance du printemps, tout comme la rigidité lorsque celui-ci s’est éloigné. Son écriture traversée de poésie arrive à pointer du doigt les moindres émotions avec simplicité et justesse.

« Les rues s’étaient vidées; les étudiants étaient rentrés en classe et se dépêchaient d’apprendre, pendant que la majorité silencieuse oubliait le tintamarre des casseroles de vingt heures et réajustait la cadence de son quotidien à celle de téléromans sans envergure. Nous avions porté à bout de bras une utopie qui avait fini par mourir dans l’urne, suivant d’un peu trop près les projections les plus pessimistes. C’était exactement comme si rien ne s’était passé.»

Le roman nous emporte ensuite à Paris, où Véronique a décidé d’aller se sauver pour mieux se comprendre. Pour retrouver une parcelle d’elle-même dans un Montréal, ou plutôt un duplex, où il n’y a absolument plus rien. J’ai eu l’impression que Véronique c’était toute une génération; des envies, des rêves, de la liberté, du succès et pourtant un si grand nuage gris au dessus de la tête. Véronique, c’est moi par moment et par d’autres, c’était toi.

Le genre de crise existentielle que vivait Véronique était sentie, on savait très bien dans quel trouble elle se trouvait. À passer des journées entières dans un petit studio de Paris pour essayer de remettre de l’ordre dans sa tête et dans sa vie, Véronique se perdait de plus en plus… La quête professionnelle comme personnelle du personnage était fort bien écrite et sentie. Néanmoins, les non-dits en lien avec ses relations amoureuses nous empêchent un peu de concevoir celles-ci.

Notre duplex, qui me semblait jusqu’à la toute fin être une histoire d’amitié m’a incroyablement déçue à ce niveau; l’amitié de Véronique et Marie est banale, faible et blessante. Empreinte de jalousie, d’hypocrisie et de vengeance, leur vraie amitié est inexistante. On ferme le livre en totale déception avec le happy ending imaginé, Véronique et Marie n’étaient pas les amies qu’on espérait. On termine aussi avec une grande empathie pour Véronique à qui l’on souhaite tant de perdre ce petit nuage gris au dessus de la tête. Et avec une haine justifiée pour la vilaine Marie…

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Notre duplex, Éléonore Létourneau
Collection quai n0.5 , éditions YXZ, 2014
978-2-89261-861-7, 148 pages
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Lectrice invétérée, Martine est bachelière en études littéraires et la cofondatrice du Fil rouge. Créative et inspirée, elle a l’ambition de faire du Fil rouge un lieu de rassemblement qui incite les lectrices à prendre du temps pour elles par le biais de la lecture. Féministe, elle s’intéresse aux paradoxes entourant les mythes de beauté et la place des femmes en littérature. Elle tentera, avec ses projets pour Le fil rouge, de décomplexer et de dédramatiser le fait d’être une jeune adulte dans une société où tout le monde se doit de paraitre et non d’être. Vivre sa vie simplement et entourée de bouquins, c’est un peu son but. L’authenticité et l’imperfection, voilà ce qui lui plait.

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