Ce roman, je l’attendais. Depuis longtemps. Bien sûr, j’ai eu à la rentrée de septembre dernier l’intrigant Révolutions, mais ce n’était pas assez pour combler mon âme de fan de Dickner. Tout de suite après la lecture de Nikolski en 2005, je suis littéralement tombée sous le charme de l’écriture de cet intellectuel-nerd, comme la découverte d’une âme soeur, comme les retrouvailles d’un lointain frère. Depuis ce temps, je lis presque chaque année son premier roman, que je redécouvre à chaque fois, que j’aime de plus en plus. Dickner publie donc cette année Six degrés de liberté, aussi aux Éditions Alto, un roman étonnant sur un sujet des plus… particuliers: les conteneurs. Ceux qui sillonnent la terre entière sur les cargos et qui transportent oursons en peluches, gougounes en plastique et autres cossins et gogosses en tout genre. Le génie de Dickner et son écriture toujours autant intelligente réussissent à rendre passionnant ce sujet, disons-le, plutôt quelconque.
Deux histoires s’imbriquent tranquillement. Lisa et Éric, deux adolescents dégourdis, l’une aventureuse et travaillante, l’autre agoraphobique et ami des perruches, décident d’expérimenter avec un traceur GPS et un appareil photo accroché à un ballon. L’expérience ayant échoué et Éric devant déménager avec sa mère à Copenhague, Lisa décide de déménager elle aussi pour poursuivre ses études, laissant malheureusement derrière elle un père souffrant et une mère maniaque du IKEA. Parallèlement, on suit Jay, ex-hackeuse, qui doit travailler pour la GRC afin de payer sa dette à la société pour des crimes informatiques nébuleux. La femme de 40 ans tente tant bien que mal de rester à l’écart et de «trianguler», mais quand une enquête s’ébranle sur un mystérieux conteneur qui disparait et réapparait dans les bases de données des ports, elle se sent interpellée. Malgré les conséquences que cela pourrait engendrer sur sa sentence, elle décide quand même de mener son enquête personnelle, toujours deux pas devant la GRC. Vous en dire plus gâcherait un plaisir de lecture assuré…
L’auteur s’amuse d’une main de maître avec la temporalité, laissant des pistes ici et là afin d’aider le lecteur à s’orienter, mais en laissant toujours planer un doute. La force de Dickner réside toujours dans l’aisance qu’il a à vulgariser des notions abstraites, à rendre intelligible pour le commun lecteur, des notions qui autrement resteraient incompréhensibles. Ses romans sont toujours recherchés et d’une finesse sans comparable, et Six degrés de liberté n’en fait pas l’exception. On reconnaît facilement le passionné en Nicolas Dickner, et fort heureusement, il sait comment nous partager cette passion de l’écriture, pour notre plus grand plaisir de lecteur.
Extrait:
«Lisa vide son deuxième litre d’eau minérale, assise en tailleur sur le seuil du garage. Elle regarde les conteneurs stationnés de l’autre côté de la rue. Assis sur le bord d’un quai de chargement, un type grille une cigarette. Lisa se demande ce qu’ils mijotent au juste dans cet entrepôt beige et dépourvu de raison sociale. Les conteneurs sont anonymes. Ils pourraient aussi bien renfermer de l’électronique, des bottes d’hiver ou du hasch que des ressortissants roumains. Comment savoir? L’opacité est la clé de voûte du capitalisme moderne.»
Six degrés de liberté, Nicolas Dickner. Éditions Alto, 2015. 390 pages.
J’ai aussi beaucoup aimé de dernier opus de Dickner…
http://hopsouslacouette.blogspot.ca/2015/03/six-degres-de-liberte-un-roman.html
Vivement le prochain!
J’aimeJ’aime
J’ai bien peur que nous devrons attendre encore quelque temps pour le prochain 😉 Bien contente de lire votre point de vue sur le roman! Avez-vous jeté un oeil sur Révolutions? J’ai été aussi charmée par ce projet … spécial 😉
J’aimeJ’aime
Ping : Beaucoup de thé et du rhum bon marché: Nikolski | Le fil rouge
Ping : Tarmac ou l’adolescence en banlieue nord-américaine | Le fil rouge
Ping : Les coups de coeurs littéraires 2016 des fileuses | Le fil rouge