Auteur : Elizabeth Lord

La rentrée littéraire 2015: Les choix d’Elizabeth

Voici mes huit suggestions coups de coeur (lire ici : je harcèle mon libraire pour être la première à mettre la main dessus) de cette rentrée littéraire 2015! L’infinie comédie – David Foster Wallace Près de 20 ans après sa publication, et une saga interminable de droits étrangers, il est maintenant possible de se procurer une copie en français d’Infinite Jest, LE roman culte de la fin des années 1990. David Foster Wallace est maintenant une icône de la littérature américaine et c’est grâce à cet ouvrage qu’il s’est fait le plus remarquer. Un roman contemporain mettant en scène la famille Incandenza et leur fils Hal, un adolescent surdoué. À vous de découvrir la vision de l’Amérique de Wallace à travers les quelques 1480 pages de ce roman tant attendu. Éditions de l’Olivier. En librairie depuis le 25 août.   L’année la plus longue – Daniel Grenier Probablement le roman québécois dont on entend le plus parler ces temps-ci, L’Année la plus longue raconte l’histoire d’Albert, un homme énigmatique qui vieillit une fois tous les quatre …

En finir avec Eddy Bellegueule : La revanche d’Édouard Louis

«Un père renforçait son identité masculine par ses fils, auxquels il se devait de transmettre ses valeurs viriles, et mon père le ferait, il allait faire de moi un dur, c’était sa fierté d’homme qui était en jeu. Il avait décidé de m’appeler Eddy à cause des séries américaines qu’il regardait à la télévision (toujours la télévision). Avec le nom de famille qu’il me transmettait, Bellegueule, et tout le passé dont était chargé ce nom, j’allais donc me nommer Eddy Bellegueule. Un nom de dur.» Eddy Bellegueule, c’était Édouard Louis. Écrivant maintenant son histoire sous pseudonyme, Édouard Louis a vraiment décidé d’en finir avec Eddy Bellegueule, le jeune homme qu’il était dans le passé, un jeune homme oppressé par sa famille et par les gens de son village à cause de ses manières de «pédé». En finir avec Eddy Bellegueule est un roman d’une violence inouie. C’est difficile d’imaginer qu’une famille aussi malsaine et dysfonctionnelle que celle de Louis puisse avoir engendré un jeune homme d’une intelligence si vive et d’une ouverture d’esprit si grande. La …

«So you’ve been publicly shamed»: L’expérience de la honte par Jon Ronson

  «I had shamed a lot of people. A lot of people had revealed their true selves for a moment and I had shrewdly noticed their masks slipping and quick-wittedly alerted others. But I couldn’t remember any of them now. So many forgotten outrages.» Qu’ont en commun Jonah Lerner, Justine Sacco et Lindsey Stone? Ces trois personnes sont devenues du jour au lendemain des parias sur Internet pour avoir commis des bourdes somme toute «banales». Jonah Lerner, journaliste connu aux États-Unis, a écrit un livre sur la créativité et a inventé des citations qu’aurait dit Bob Dylan sur son processus de création. C’est, on en convient, malhonnête et un peu stupide, mais depuis ce temps, Jonah Lerner n’a pu retravailler convenablement, et n’a pas su regagner la confiance du public. Sa carrière s’est désintégrée devant lui, et ce, par sa faute. Justine Sacco, pour sa part, a laissé échapper un tweet de mauvais goût en quittant les États-Unis vers l’Afrique. Lorsque son avion est atterri, déjà, elle n’y pouvait plus rien, le monstre Internet s’était …

Pis toi, ton adolescence? : La littérature jeunesse pour ados

«Il n’y a pas de feux d’artifice dans son visage presque parfait, il y a seulement un peu de désir et du malaise. C’est un mélange que je n’aime pas, j’aurais voulu voir de l’amour, un petit peu, au moins pour ma bouche, pour nos baisers. De l’amour amusé, genre, au moins. Pour atténuer le malaise, il serre ma tête un peu plus fort entre ses mains et m’embrasse, les paupières fermées. Elles sont scellées si étroitement que je ne peux pas voir ce qu’il sent en lui, dans son coeur ou dans son corps, quand il goûte à ma bouche. Il joue avec mes sentiments sans le savoir.» – Coeur de slush, Sarah-Maude Beauchesne L’adolescence, c’est pas tant fun quand on y repense. Contrairement à la croyance populaire (si croyance populaire il y a), je n’ai pas passé mon adolescence la tête dans les livres (c’est après que ça s’est gâté tout ça), j’étais plutôt toujours dans ma tête. À l’adolescence, tout est vraiment intense et si on est chanceux, ça se calme un peu à …

Lire pour écrire : Top 12 des livres portant sur l’écriture

Il n’existe pas de recette pour écrire. Pas de remède miracle. Ni de liste d’étapes pré-construite. Les livres que je vous présente aujourd’hui ne sont donc pas du tout du type «mode d’emploi» et exploitent, chacun à leurs manières, une vision bien différente de l’écriture. Que ce soit pour suivre à la lettre ou juste pour vous inspirer sur le moment, je vous les conseille tous fortement.   Still writing – Dani Shapiro (Grove Press, 2013) Dani Shapiro est l’auteure de quelques romans et de deux essais sur sa vie. Le livre Still writing porte sur son expérience personnelle avec l’écriture sous trois temps différents : au tout début, au milieu et à la fin. Elle aborde aussi le moment de l’écriture et de l’édition avec une certaine nonchalance qui fait beaucoup de bien à lire si écrire ressemble plutôt à une épreuve pour nous. C’est mon coup de coeur de la liste. Bird by bird – Anne Lamott (Anchor Books, 1994) Probablement un des livres sur l’écriture les plus connus et les plus lus depuis sa publication, Bird by bird s’est trouvé …

«The girls’ guide to hunting and fishing» : Guide de survie à la vingtaine

«There’s a passageway connecting Port Authority to Times Square – the Eight Avenue subways to the Seventh- and one morning when I looked up I saw a poem up in the eaves, sequential like the Burma Shave billboards : Overslept. So tired. It late, Get fired. Why bother? Why the pain? Just go home. Do it again. Something change then. I saw my life in scale : it was just my life. It was not momentous, and only now did I recognize that it had once seemed so to me; that was while my father was watching. I saw myself the way I’d seen the cleaning women in the building across the street. I was just one person in one window. Nobody was watching, except me. » Manuel de chasse et de pêche à l’usage des filles est un des livres dont je regrette le plus d’en avoir fait la lecture… si tard dans la vingtaine. Ce recueil de nouvelles de Melissa Bank, paru il y a déjà plusieurs années, raconte l’histoire d’une fille, puis d’une …

«Mettre la hache» : Saisir l’inceste…

  «LE VIOL EST UN INTERMINABLE SILENCE DUQUEL IL NE RESTE QUE DE LA CHAIR QUI CRIE.» Vous avez peut-être vu ce petit livre dernièrement. Il est assez dur à manquer avec sa couverture jaune highlighter et son titre intriguant: «Mettre la hache: Slam western sur l’inceste». Pattie O’Green: retenez ce nom et espérez en entendre parler encore longtemps.  Les Éditions Remue-Ménage m’étonnent de plus en plus avec leurs dernières publications qui s’inscrivent fortement dans le paysage féministe québécois et soulèvent des questions nécessaires sous des témoignages parfois douloureux. Pattie O’Green a été victime d’inceste, tout comme sa soeur, et tente maintenant de panser les blessures et d’exorciser tout ce qui a pu être engendré par ces actes destructeurs. Comment se définir maintenant à l’âge adulte, quand notre corps ne nous a jamais appartenu et avec un choc post-traumatique? La jeune femme l’a d’abord fait sur un blogue (attention un peu à vos yeux!), en empruntant ce pseudonyme de Pattie O’Green, pour ensuite refondre le tout dans ce petit livre grand comme l’univers. Y’a un (genre de) problème …

«Pauvres petits chagrins» : Jamais assez de douceur

«C’était la première fois que nous articulions notre principal point de désaccord. Elle voulait mourir et moi je voulais qu’elle vive et nous étions des ennemies qui s’aimaient. Nous nous sommes fait un câlin tendre et maladroit parce qu’elle était dans un lit, attachée à des trucs.» L’une est une pianiste incomparable, une virtuose de la musique, et l’autre est une écrivaine de livres pour enfants sur le rodéo, mère de famille, amante maladroite. L’une d’elle veut mourir, tente sans cesse de mettre le point final à cette vie qu’elle ne sait mener. L’autre tente de la garder en vie, au détriment de tout, à bout de bras, à bout de souffle. Elfrieda et Yolandi. Deux soeurs. Miriam Toews relate dans Pauvres petits chagrins l’histoire bouleversante de deux soeurs, de leur enfance jusque dans la quarantaine. Elfrieda la pianiste talentueuse tente de mettre fin à ses jours, encore une fois. Yolandi accourt à son chevet et tente par toutes les manières possibles de la ramener du côté de ceux qui veulent vivre. Elfrieda mène une vie …

«Six degrés de liberté» : À la hauteur des attentes

Ce roman, je l’attendais. Depuis longtemps. Bien sûr, j’ai eu à la rentrée de septembre dernier l’intrigant Révolutions, mais ce n’était pas assez pour combler mon âme de fan de Dickner. Tout de suite après la lecture de Nikolski en 2005, je suis littéralement tombée sous le charme de l’écriture de cet intellectuel-nerd, comme la découverte d’une âme soeur, comme les retrouvailles d’un lointain frère. Depuis ce temps, je lis presque chaque année son premier roman, que je redécouvre à chaque fois, que j’aime de plus en plus. Dickner publie donc cette année Six degrés de liberté,  aussi aux Éditions Alto, un roman étonnant sur un sujet des plus… particuliers: les conteneurs. Ceux qui sillonnent la terre entière sur les cargos et qui transportent oursons en peluches, gougounes en plastique et autres cossins et gogosses en tout genre. Le génie de Dickner et son écriture toujours autant intelligente réussissent à rendre passionnant ce sujet, disons-le, plutôt quelconque. Deux histoires s’imbriquent tranquillement. Lisa et Éric, deux adolescents dégourdis, l’une aventureuse et travaillante, l’autre agoraphobique et ami des perruches, décident d’expérimenter avec …

Coup de coeur : «La nageuse au milieu du lac» de Patrick Nicol

Depuis quelques semaines, j’ai en tête une nageuse, essoufflée au milieu d’un lac, une dame perdue qui cherche un rivage qui n’est au loin plus qu’un simple souvenir. C’est l’image que donne Patrick Nicol de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer dans son dernier roman La nageuse au milieu du lac, publié début mars chez Le Quartanier. On explore le quotidien d’un homme, un professeur de cégep, qui pose un regard lucide, mais d’une extrême poésie sur sa vie de tous les jours. Une vie ponctuée d’allers-retours entre les hôpitaux et la maison de sa mère, une vie ponctuée de questionnements face à la mort, à la dégradation du corps, à une vision de la vieillesse réaliste. Une vie teintée, surtout ces mois-là, par la maladie souvent insaisissable de sa mère. Nicol apporte par contre un point de vue particulier sur l’expérience de son narrateur, on ne le sent pas amer, triste c’est sûr, mais c’est un regard empreint de tendresse et de bonté que l’on ressent chez lui. À mi-chemin entre le roman …