Chroniques du sexisme ordinaire, c’était le titre des chroniques de Simone de Beauvoir dans Les temps modernes. Ça pourrait aussi être le titre de ce bouquin publié aux éditions Remue-Ménage, Mines de rien.
Écrit par trois enseignantes de littérature, Isabelle Boisclair, Lucie Joubert et Lori Saint-Martin, le livre se veut un ensemble de chroniques plus ou moins longues dénonçant ces petites choses qui font, « mines de rien », creuser ce sexisme ambiant et ces inégalités révoltantes. Féministes, elles osent ouvrir une parcelle de leurs intimités, de femmes, de féministes, d’enseignantes, pour nommer ces choses qu’on ne prend presque plus la peine de dire, tellement elles deviennent ordinaires, banales. Et c’est ce qui est le plus grave et le plus révoltant.
Sous forme de petits chapitres, les auteures nous racontent des situations de leurs vies ou des faits sociaux qui viennent nous rappeler le sexisme ambiant, les inégalités de genre et la force du mouvement féminisme. Sans utiliser le discours universitaire habituel, elles sortent des carcans et nous offrent des chroniques teintées d’humour, d’irrévérence, d’honnêteté et de nécessaire.
Pour en avoir discuté avec des amies féministes, on peut devenir « folle » à force d’endurer le sexisme ambiant, on peut se demander si on va trop loin dans nos réflexions. Est-ce qu’on est en train de TOUT concevoir comme du sexisme? La réponse est peut-être. Parfois oui, mais trop souvent non. Trop souvent, l’humour vient relativer les petites choses, les petits mots qui, de manière hypocrite, reviennent créer le sexisme. Or, les trois auteures font tout le contraire. Elles se libèrent en nous racontant des souvenirs qui prouvent que le sexisme est partout.
Que ce soit avec les stéréotypes de genre, de la couleur rose et la couleur bleue, des petits garçons et des petites filles, on y perçoit des comportements innés de sexisme. Une mère qui refuse que son petit garçon ait un couvre-lit rose. Une femme qui ne désire pas avoir d’enfant, une jolie écrivaine qui ne peut se faire prendre au sérieux par les hommes (Nelly Arcan, Tout le monde en parle)… Elles nomment avec parfois de l’humour et d’autres fois de la colère ces injustices sexistes qui meublent nos vies et nos discours.
En constatant à quel point les femmes sont encore si peu présentes autant dans les manuels d’histoire que dans les anthropologies et de l’exclusion dont elles sont victimes, on ne peut faire autrement que de, nous aussi, compter la différence. J’ai particulièrement aimé Chercher les femmes de Lori Saint-Martin, car elle arrive à nommer ce que j’essaie tant bien que mal de comprendre: pourquoi, encore, les femmes sont-elles moins visibles dans l’espace public? Littérature, art, musique, société et politique. À tous les niveaux.
Mines de rien n’est pas une oeuvre anodine, elle représente le tiraillement d’être féministe et de vivre dans une société encore tellement sexiste, mais souvent si peu consciente de l’être. Mines de rien, c’est un cri du coeur qui m’incite à ne plus jamais me taire quand j’entendrai ces petites choses qui forgent et alimentent le sexisme ordinaire.
« […] il est essentiel que les voix de femmes s’élèvent nombreuses et tenaces. C’est une invitation à imaginer, une invitation à changer le monde qui naîtra de ces mots réunis, de ces mines de rien. »
-Lori Saint-Martin,Mines de rien, Éditions Remue-Ménage, p.150
Ping : Second début : le renouveau féminisme |
Ping : DÉFI BOUQUINERIE JOUR 26 : Fais la liste de tes cinq lectures les plus marquantes de 2015 | Le fil rouge
Ping : Une histoire de féminisme, d’égalitarisme et de Pokémons | Le fil rouge