Chroniques d'une anxieuse
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Chroniques d’une anxieuse: la fois où j’ai arrêté d’écrire des To do lists

To do list

Première journée de printemps après un hiver beaucoup trop long (genre vraiment frette avec le teint vert pis un manque flagrant de vitamine D). Je regardais le ciel bleu par la fenêtre de mon appart, comme si je n’avais jamais rien vu d’aussi magnifique. Un avion laissait une traînée blanche derrière son envolée. Et je me disais, tranquillement, «moi aussi, un jour, je laisserai une traînée blanche derrière moi pour partir loin, loin, loin».

Loin de mes obsessions. Maudit que ça m’ferait du bien.

L’idée de moi au soleil me plaisait assez. Pour faire le plein de bonheur. Pour me perdre dans un autre univers, une nouvelle culture, une langue étrangère qui chatouillerait mes tympans. Mais à la place, j’attendais l’été, patiemment, dans mon appart encore congelé.

Et, partout autour de moi, il y avait des listes. Sur le mur, sur la table de chevet, sur le bureau. Des To do lists. PARTOUT. J’étais pas capable de vivre sans. Il me fallait ma liste des «choses à faire pour la journée», celle des «tâches à ne pas oublier» pour le lendemain pis toutes les autres, des journées précédentes, où j’avais à peine raturé la moitié des éléments (parce que j’m’en mettais toujours trop sur les épaules).

Il y avait aussi la liste des «pays que j’aimerais visiter un jour», des «livres à lire au cours de l’année», des «films à voir absolument», des «expositions à zyeuter cet été», des «endroits où je souhaiterais travailler au cours de ma vie», des «buts que j’aimerais accomplir avant l’âge de trente ans», etc. Ça en finissait plus.

J’aurais pu en faire une ben belle tapisserie. Tsé, un appart complet tapissé de To do lists, c’t’un genre.

Bref, je n’étais pas juste organisée, j’étais SURorganisée. Tellement que mes p’tites listes finissaient par me stresser. Par m’angoisser. Réellement.

Elles me criaient : «check tout ce que tu n’as pas encore réussi à faire! T’es pas efficace pantoute». Et je me fâchais contre moi-même.

Pis je me demandais si j’étais normale. Si les autres étaient capables d’en faire plus que moi en vingt-quatre heures. En vingt-quatre moins huit heures de sommeil, moins 2 heures pour manger, moins quatre heures pour réfléchir, penser, capoter, pleurer, stresser. Ouin.

Mais les autres avaient tellement toujours l’air d’en faire plus. Avec leurs marathons, leurs voyages à travers le monde, leurs partys dans les bars les plus in de Montréal, leurs achats de maison pis leurs pages Facebook bien garnies d’accomplissements merveilleux.

Les autres.

Ils avaient toujours l’air meilleurs. Je me comparais et je regardais mes listes, éparpillées un peu partout autour de moi, qui me lançaient en pleine figure toutes les choses que je n’avais pas encore accomplies.

J’obsédais. Comme un matin, juste avant un examen, où je fixais la liste des «éléments à étudier» que j’avais rédigée. Une liste de deux pages qui ne me laissait d’autre choix que d’apprendre l’entièreté de la matière sur le bout de mes doigts. Et, bien évidemment, je n’avais pas été capable. J’avais à peine dormi trois heures et, cinq minutes avant que le professeur nous passe l’examen, j’essayais encore de me bourrer le crâne.

Une fois la copie devant moi, je me sentais totalement vulnérable. Je n’avais pas réussi à tout apprendre par cœur. J’allais sûrement couler (ben oui, tsé). Pis, là, tout pour m’aider, un gars juste devant moi s’est mis à agiter son crayon en le cognant à répétition sur le bureau.

TOC, TOC, TOC, TOC, TOC, TOC, TOC, TOC.

Je n’arrivais pas à détourner mon attention du bruit fatigant. Gossant. J’ai essayé de me ressaisir (il allait bien finir par arrêter) en lisant la première question d’examen… TOC, TOC, TOC, TOC, TOC. Sans succès.

Le bruit devenait de plus en plus fort dans ma tête. Je n’entendais que ça. Je ne pouvais plus réfléchir. J’ai pris trois grandes respirations. J’ai regardé autour de moi, mais tout le monde était concentré.

TOC, TOC, TOC, TOC. Déjà dix minutes d’écoulées et ma copie d’examen était encore vide. J’angoissais. TOC, TOC, TOC, TOC, TOC, TOC, TOC.

«Heille! T’as-tu fini avec ton osti crayon? » a crié la fille dans une classe de deux cents personnes.

C’était déjà silence, mais il y a eu comme un immense malaise. Le gars a fait un dernier TOC avec son crayon avant de se rendre compte que je m’adressais à lui.

Quand j’ai eu fini mon examen, la première chose qui m’est venue à l’esprit c’était que je devais arrêter d’écrire des p’tites (grandes) listes. Parce que ça ne m’aidait pas, ça me frustrait, ça me rendait de mauvaise humeur et, en y réfléchissant bien, ça faisait assez longtemps que je n’avais pas été fière de moi. J’aurais pu débuter mon examen du bon pied en arrêtant de penser à ce que je n’étais pas parvenue à étudier et en focalisant, plutôt, sur tout ce que j’avais RÉUSSI à apprendre. J’aurais été mille fois plus confiante et mille fois moins grincheuse.

En arrivant chez nous, j’ai jeté toutes mes listes. Parce que peu importe le chemin qu’on prend, les choix qu’on fait, les obstacles qu’on a, les buts qu’on se donne, on finit toujours par accomplir quelque chose, par accomplir notre vie. Du point A au point B, on trace notre chemin à nous, à personne d’autre.

Et il faut en être fier, très fier.

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Anxieuse à temps plein et insomniaque à temps partiel, Alexandra se nourrit à grands coups de mots, de phrases et de livres qui font rêver. L’écriture lui a toujours servi d’exutoire avec lequel elle pouvait coucher sur papier ses folies et ses nombreux tourments. Elle adore tout particulièrement se perdre dans les couloirs infinis des bibliothèques, mais également dans les corridors de l’Université de Montréal où elle fait un baccalauréat en Littérature comparée et cinéma. Elle se passionne pour les films cultes, les traversées autour du globe, les arts, la musique, la photographie, bref, elle s’intéresse à tout et veut tout savoir! Son but ultime : vaincre ses peurs et aller à la conquête du bonheur!

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