Paru en octobre dernier aux Éditions Poètes de brousse, Amélia est le deuxième recueil de poésie de Laurence Lola Veilleux, son premier étant Chasse aux corneilles (2014). Je n’ai pas tendance à choisir un livre seulement par instinct, je m’informe et je m’inspire des lectures des autres (#lefilrougelit), puis je choisis ce que je vais lire. Au Salon du livre de novembre dernier, je me suis laissé guider quasi aveuglément à travers les publications de Poètes de brousse. Amélia a été choisi par sa couverture envoûtante et son titre énigmatique. Qui est Amélia?
Amélia est cette fille prise dans les bois, hors du temps, comme la décrit l’auteure du recueil. Elle y habite, elle y apprend à chasser, à pêcher, à dépecer, à faire ce qu’elle doit faire et non ce qu’elle veut faire. À travers les métaphores puissantes, Amélia se dévoile comme mise à nu devant nous, elle est l’animal pris au piège de sa propre vie, celle où l’issue semble inexistante, celle gardée par son père dans un monde qui ne lui appartient plus.
Je suis
l’animal qui gruge sa patte au piège
c’est interdit de me toucher le ventre.
Dans une cohabitation entre symboles et imageries, la forêt se déclare puissante, puissante d’étouffer un désir lointain et de maintenir Amélia prisonnière d’une vie, prisonnière de son père. C’est entre la fragilité de sa vie et l’hostilité englobante de celle-ci que l’intime surgit de l’abysse dans lequel il semble enfoui. Les mots apaisent une blessure et la poésie éclectique la guérit.
Facile d’avaler la forêt entière
la recracher dans mes mains
se retourner vers le ciel
moi seule derrière
trop de chemin
devant.
Les mots crus éclatent le recueil et alimentent la violence de l’intime qu’on partage avec cette Amélia radicale et captivante. Parfois écrit au « je », parfois écrit à la 3e personne, on partage un accès direct aux pensées d’Amélia, tout en maintenant habilement une certaine distance par la 3e personne, ainsi nous sommes Amélia et nous regardons celle-ci de plus loin, d’un regard presque intrus. D’une façon bien originale, l’auteure rappelle les complexes des relations à caractère protecteur excessif et la façon de s’en libérer qui, bien que tant désirée, n’est pas si agréable.
J’attends
je n’espère rien du désordre
je parle pour parler
parle de qui parle de rien pour personne
je suis tombée souvent
à trouver le nombre de lampes à huile
qui me séparent du soleil
ça ne rapporte pas grand-chose.