Littérature étrangère
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S’ils ont remis 1984 à l’Index, est-ce que Bleu presque transparent sera le prochain?

J’ai toujours pensé que les veines à fleur de peau

sont jolies à voir.

T’es pas heureux. Même les yeux fermés,

je parie que t’essaie de voir des tas de trucs.

(…eux) je voudrais les avaler cru et les bercer au fond de moi.

Écrit en 1976, vendu à plus d’un million d’exemplaires en à peine 6 mois, premier roman de Murakami Ryü… Bleu presque transparent est le livre que je ne voulais pas lire. Et vous savez, si vous avez lu mon dernier article Le grand cahier, que je peux avoir la couenne dure.

Pour vous situer, Transpotting a été écrit en 1993 et réalisé en 1996, Requiem for a dream est sorti en 2000… et en comparaison, ils semblent être des bébés de maternelle. Pas de farces! Tiens, pour vous mettre dans l’ambiance, je vous propose de réécouter la trame principale de Requiem… prenez 2 minutes. Requiem for a dream

Je suis bien entendu au courant des critiques, très nombreuses, qui ont été écrites sur ce livre. Je tentais de ne pas les lire depuis si longtemps, persuadée que chaque « adulte » qui les avait écrites était trop loin de sa jeunesse pour en apprécier les nuances, que ça devait pas être si trash que ça… Ciel! Elles ont été gentilles ces critiques…

Alors, les trois premiers extraits en haut de page sont les seules belles phrases du livre. Ce sont les seules trois phrases qui mettent un peu d’air frais et de lumière dans les 204 pages. Aussi, n’en déplaise, mon japonais étant pas mal rouillé, j’ai dû avoir recours à une version traduite en français… non pas international, mais de France. D’une France que je n’aurais jamais connue, car le 1/6 des phrases ne font aucun sens, au point où je devais relire parfois certains passages pensant avoir oublié des mots. Honte à moi pour avoir pris une traduction, je sais! (Ma version était traduite par Guy Morel et Georges Belmont.)

Visualise des lumières rouges qui stob, une vision trouble, une envahissante odeur aigre…

L’action se déroule dans Tokyo, à travers les yeux de Ryü, Kei, Okinawa, mais aussi Reiko, Kazuo, Moko. Lesquels sont masculins, féminins… en fait tout au long du récit ça n’a pas de réelle importance, on s’y perd rapidement. De toute façon, même pour eux, un trou c’est un trou. Bref, ne vous enfargez pas dans les fleurs du tapis avec ça!

Les punk de Tokyo 

Ma première soirée au lit avec le roman (oh, conseil, ne lisez pas ce roman au lit) a rapidement pris fin, après 40 pages. J’ai eu besoin d’une journée de convalescence pour me convaincre de m’y remettre. Au total, au bout des 200 et quelques pages, on comprend avoir vécu environ 5 jours avec la gang. J’en aurais pas pris plus. Je ne suis pas fan des orgies répulsantes, des viols de filles passed out… des relations forcées, échangeant de filles/blondes (en moins de 5 jours, j’ai arrêté de compter après 12-13). Inconscientes, vomissantes, convulsantes d’overdose, en déchirant gentiment leurs vêtements, les vidant avant de se les prêter… je n’ai pas apprécié. Comme je suis persistante, ma fierté et ma construction intérieure, je l’espérais, devaient être plus fortes que ces mots… je me suis défiée de poursuivre et de vaincre ce roman. Allez, une bonne respiration et on continue!

Visualise des lumières rouges qui stob, une vision trouble, une envahissante odeur aigre, une moiteur froide…

No future 

Je dois souligner la véracité des propos, vides de sens et de direction, fidèle aux discours incohérents des jeunes bien trop à l’ouest sur certaines substances. La tonne de détails, l’accent mis sur la non-signifiance sont très justes. Justement, c’est long, ça ne va nulle part, mais je crois bien que c’est exactement l’effet recherché par l’auteur. Sur ce point, chapeau! Certains ont dit que Trainspotting avait romantisé l’héroïne, je vous promets qu’aucune substance dans ce roman ne l’aura été (colle, héroïne et toutes les autres, ne serait-ce que les effets décrits, les manques… ça vous replace l’envie d’essayer ben ben loin). Reflets du vide de sens de leur vie, dans leurs propos, dans leurs focus thèmes… ouais, on y est!

Visualise des lumières rouges qui stob, une vision trouble, une envahissante odeur d’anus aigre, une moiteur froide, l’odeur des sucs de fille…

J’avais lu que les chapitres étaient très courts, l’écriture était froide… Ciel! Les seuls courts chapitres, de 2 pages, sont les plus supportables et insignifiants dans le contexte du roman. Sans doute parce que je devais lire en retenant mon souffle, j’ai trouvé les chapitres d’orgie, de soirée d’enfilade d’humains, homme ou femme, de drogue, etc. très très longs. Je me suis surprise à lire les yeux mi-clos en cherchant mon air… souvent. J’ai tenté d’objectiver les mots, de peur qu’ils précisent les images dans ma tête… Je n’avais pas du tout envie que ces images m’habitent.

Anarchie

Évidemment, en s’engourdissant le dedans et le dehors de la sorte, en mélangeant à ce point les substances, tu ressens plus rien, tu ne sais plus calculer tes doses, tu gères de plus en plus mal les moments de manque, même si courts soient-ils, pis les histoires d’entre-fourrage dans un si petit groupe… ça donne pas un bon mélange sur les maux du cœur. Deux tentatives de suicide plus tard, un des membres aura-t-il réussi? L’histoire ne le dit pas, on reste en suspens. Ça ne nous brise pas le cœur parce que c’est pas vraiment surprenant. Je pense que c’était celui qui battait tellement sa blonde qu’elle finit presque en coma à un certain moment… l’insécurité et la surcharge de substances semblent pouvoir tout expliquer.

À la fin, le ton change. Murakami semble manquer de temps, cherche comment clore cette fenêtre dans leurs vies. Lettre à Lili (?) la fille de la photo de la page couverture. L’auteur lui adresse (réellement?) des mots. Des mots empreints de nostalgie, signés Ryü. Comme si on nous disait que tout ceci n’était que mascarade pour choquer… Spoiler alerte, les derniers mots sont :

Et surtout ne va pas penser que j’ai changé,  simplement parce que j’ai écrit ce roman. 

Je reste celui que j’étais alors, vraiment.

Ryü.

Oh si ça vous intéresse… Je pense l’avoir retrouvée, la gang pas tant attachante de Bleu presque transparent. Je crois qu’elle a fini par mettre son énergie dans autre chose… c’est quand même possiblement elle, non? C’est ici!

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