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Mots d’amour (philosophiques) pour animaux

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Devrais-je cesser de manger de la viande? Devrais-je aussi éliminer de mon alimentation le poisson, le lait et le miel? Que faire de mes souliers en cuir? Est-ce une bonne idée d’imposer mon mode de vie à un animal de compagnie? Devrais-je considérer les bêtes comme mes égales? Si vous remettez en question votre rapport avec les « confrères » du règne animal, je vous suggère de lire Lettre ouverte aux animaux (et à ceux qui les aiment) de Frédéric Lenoir. Même les véganes les plus convaincus y trouveront leur compte, car le philosophe, sociologue et auteur entraîne la réflexion sur plusieurs plans et à différents niveaux.

Chérir Brutus le chien et Pixel le chat, mais se nourrir — et forcément engendrer la souffrance — d’un bœuf ou d’un poulet anonyme? Voici la schizophrénie morale abordée dans la dernière publication du militant pour les droits des animaux Frédéric Lenoir. Le prolifique auteur fait le tour des grandes questions philosophiques portant sur la protection des bêtes. Il ratisse large : ses réflexions sont à la fois ethnologiques, théologiques, rhétoriques et scientifiques. Le livre est d’ailleurs parsemé de citations d’auteurs de toutes disciplines ayant à cœur le bien-être animal, en passant par Rousseau, Voltaire et même le pape François. Malgré tout, l’essai est court et accessible.

Ce qui fait notre singularité — la complexité de notre langage, le caractère infini de notre désir, une pensée mythico-religieuse, une capacité à se projeter dans un avenir lointain et une conscience morale universelle — devrait nous inciter à adopter une attitude juste et responsable envers vous. Et pourtant, nous sommes le plus souvent mus par l’instinct le plus stupide à vous dominer et à vous exploiter, selon le vieil adage de la loi du plus fort.

Lenoir y explique que notre changement de rapport avec les animaux s’est effectué au passage du paléolithique vers le néolithique, il y a environ 12 000 ans, où les peuples se sédentarisent et mettent au point l’agriculture et l’élevage. Au même moment, les croyances animistes dérivent vers des religions impliquant un ou des dieux, qui sont plus près des êtres humains que des bêtes. Ainsi, ces derniers n’ont plus accès aux divinités. Seul l’être humain peut aspirer à « l’Éveil », même dans le Bouddhisme.

 

Passer à l’action

Les humains sont-ils si différents du reste du règne animal? Considérer les animaux comme des êtres inférieurs ne s’apparenterait-il pas à du racisme? Devrait-on les considérer comme des biens, des patients moraux (des êtres vulnérables, envers lesquels nous avons une responsabilité morale de protection, comme les enfants ou les personnes ayant un handicap intellectuel) ou des sujets de droit? Que peut-on faire, individuellement et collectivement pour les protéger?

Lenoir est lui-même un citoyen engagé : il a plaidé pour la modification du statut juridique de l’animal dans le Code civil français et a fondé un groupe revendiquant la création d’un secrétariat d’État à la Condition animale dans l’Hexagone. Il revendique la protection animale dans l’humilité et la transparence : il admet souffrir parfois de « schizophrénie morale » et soulève les limites du raisonnement de certains groupes de défense.

L’auteur s’arrête aussi sur certains contre-arguments à la protection animale. Protéger les animaux ne veut pas dire les amener dans un monde paradisiaque : il va sans dire, la nature est aussi barbare. [L]a jungle où la gazelle est dévorée vivante par le lion est aussi un cruel abattoir, écrit Lenoir. L’être humain a aussi évolué en chassant et en mangeant de la viande, ce à quoi le philosophe répond :

Nous ne pouvons pas comme vous autres animaux nous justifier par l’état de nature. Nous portons une éthique, ou une capacité éthique, qui nous responsabilise et nous interdit de calquer notre comportement sur le vôtre. C’est à nous d’êtres humains, pas à la nature, à nous de vous soustraire à sa violence et non de remplacer la sienne par la nôtre.

Voir le sujet sous tous ses angles

Dans des chapitres des plus intéressants, le sociologue s’inquiète du bien-être des employés de boucherie : [F]aut-il s’étonner que des individus qui égorgent chaque jour à la chaîne des centaines de bêtes devenues folles de terreur deviennent fous à leur tour? Ce métier est l’un des plus inhumains qui soient. Les troubles anxieux et la dépression seraient d’ailleurs fréquents chez les éleveurs industriels. L’auteur s’attarde aussi aux conséquences environnementales de l’exploitation animale à grande échelle : [b]ref, vous manger est un drame pour vous autres animaux d’élevage, mais c’est aussi une catastrophe pour nous autres humains, et pour la planète qui nous abrite tous.

L’éthologie nous a permis d’acquérir une bien meilleure connaissance des animaux et a ainsi favorisé le développement de notre sens moral envers vous. Puisque nous savons désormais que vous êtes sensibles à la douleur, que vous avez une vie émotionnelle et affective riche et variée, que vous êtes parfois capables de vous représenter vous-mêmes et de vous projeter dans le temps, notre attitude morale envers vous est en train d’évoluer. La connaissance fait croître l’empathie et impose le respect. Même si, bien souvent encore, nous préférons rester dans le confort de l’ignorance.

Frédéric Lenoir termine en faisant l’éloge du bien-être que peuvent nous apporter les animaux et inspire à faire un petit (ou un grand) geste pour eux. Ce livre est un excellent point de départ pour réfléchir à la relation que l’on entretient personnellement et collectivement avec les animaux. Plusieurs auteurs intéressants y sont cités, et la liste de notes et de références en fin d’ouvrage insuffle le désir de continuer la lecture sur le sujet.

Lecteurs, remettez-vous en question votre rapport avec les animaux? Est-ce qu’un livre a déjà alimenté votre réflexion sur ce sujet?

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