Ce livre est arrivé un peu par hasard sur ma pile de lecture, et je m’y suis plongée sans même un regard à la quatrième de couverture. Quand je me suis rendu compte qu’il y était question de catastrophe écologique – et bien que déjà certaine qu’il ne s’agissait pas d’un récit post-apocalyptique –, je me suis mise à craindre le pire : descriptions déprimantes de faune et de flore à l’agonie, sermons culpabilisants sur l’importance de la protection de la nature, ou alors évocations terrifiantes d’un avenir détruit.
Heureusement, rien de tout ça n’est jamais arrivé.
Un début de légende
Le récit m’a happée dès le premier chapitre : un homme est au bord d’une falaise, il attend la marée montante qui l’emportera, tout en chantant accompagné de son tambour. Mais plutôt que de le prendre, la mer lui apporte des naufragés, comme venus de nulle part, qui disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus.
Nous sommes à Samaritan Bay, ville côtière (imaginaire à mon grand regret) où les tortues venaient pondre avant ce Très-Mauvais-Jour. En effet, il y a quelques années, une série de mauvaises décisions et d’erreurs humaines a conduit au déversement massif d’un produit toxique dans les eaux fluviales, ce qui a littéralement vidé la région de toute vie. Les rares animaux et humains ayant survécu à la catastrophe ont tous fui, ou presque.
Des personnages résilients
Tous les personnages sont brisés et cherchent leur voie. Chacun est isolé dans son histoire, aux prises avec des sentiments difficiles où se mêlent idéalisme, culpabilité, (dés)espoir, famille et quête d’identité.
Ils sont restés là, à cause des fantômes de leur passé, et vivotent leur quotidien sans trop de convictions. Ils se laissent mollement porter par les choses entre deux marées montantes, et pourtant, ils sont décrits avec un style si affectueux et humoristique qu’ils sont très attachants.
L’auteur les cajole, les aime, leur laisse le temps de panser leurs blessures, jusqu’à ce qu’ils retrouvent le goût de vivre, DE construire et d’aller de l’avant. Je vous en prie, ne lisez pas la quatrième de couverture pour justement vous laisser le temps de les découvrir. Laissez les personnages vous raconter leur histoire à leur rythme, comme si vous aviez à gagner leur confiance.
La réalité tissée de mythes
La femme tombée du ciel n’est pas seulement le titre du roman. C’est aussi – et surtout – le récit de la création du monde chez les autochtones.
Dès les premières pages, Thomas King superpose les mythes autochtones avec la réalité. C’est beau, c’est magique, ça transporte. Le récit est imprégné de merveilleux, qu’on ressent plus qu’on ne perçoit concrètement.
Cependant, la réalité n’en paraît que plus dure et cynique par moments. Cette omniprésence de l’imaginaire nous emmène subtilement à chercher la « double lecture » des événements, à tenter d’aller plus loin dans la compréhension de l’univers qui se déploie sous nos yeux. On se rend compte qu’il y a quelque chose de plus profond qui se passe, qui porte le récit au-delà de la simple chronique d’une catastrophe écologique et de ses conséquences.
La renaissance du monde
Le contexte reste très dur et actuel. L’entreprise responsable du déversement toxique du Très-Mauvais-Jour est une espèce de Monsanto-Bayer-Shell, une multinationale qui trempe dans toutes les pires actions environnementales qu’on puisse imaginer de nos jours. C’est l’incarnation du Mal absolu, comme on ne le rencontre que dans les contes.
J’ai adoré que, face à ce monstre d’horreur ravageant tout sur son passage, Thomas King choisisse une voie inhabituelle pour développer son histoire : celle de la convalescence patiente, de l’écoute et de l’entraide, de l’optimisme et de la communauté. On retrouve tout au long du récit une bienveillance et une confiance en l’avenir et en ses personnages. Il développe l’écologie du rapport humain comme point de départ, pour que le groupe ainsi rassemblé puisse ensuite protéger son environnement.
Retrouver confiance en l’avenir
C’est vraiment un très beau roman, foncièrement engagé de surcroît. Ce qui m’a le plus touché, c’est cette façon si rafraîchissante d’aborder les enjeux écologiques, sans être moralisateur ni culpabilisant.
Sincèrement, avant cette lecture, et bien que je sois moi-même très engagée écologiquement parlant, je trouvais le discours ambiant globalement anxiogène et vraiment déprimant.
La femme tombée du ciel m’a fait un bien fou, et m’a rendu l’espoir que j’avais perdu à force de documentaires alarmants. Surtout, tout en me permettant de retrouver le sens de tous mes petits gestes du quotidien, elle m’a permis d’envisager les choses sous un autre angle, plus modeste certes, mais beaucoup plus réalisable et, donc, optimiste.
Et vous, quel livre vous a redonné confiance en l’avenir?
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