Au printemps l’année dernière, le loulou est rentré de l’école avec une demande précise : « Dis maman, on pourrait lire Harry Potter ? La grande sœur de mon meilleur copain est en train de le lire et elle lui raconte tout. Moi aussi je voudrais connaître l’histoire. »
Je dois reconnaître que j’étais pas contente-contente. Sincèrement, j’avais beaucoup de préjugés sur Harry Potter, et n’avais absolument pas envie de les lire. Et puis, il n’était qu’en première année, serait-il capable de rester accroché à un même récit pendant une longue période ? J’ai tenté de me défiler en lui montrant les films. Mais ce n’était pas suffisant pour lui, au contraire : ils avaient éveillé son intérêt, et il avait encore plus envie d’avoir tous les détails.
Il fallait que je le reconnaisse : quoique mes préjugés me fassent en penser, Harry Potter est entré dans la culture générale de base, il est devenu un incontournable. Pis, comme la règle de nos séances de lecture du soir veut que ce soit lui qui choisisse la lecture, j’ai donc été obligée de me soumettre… avec le secret espoir qu’il se lasserait avant la fin du premier tome.
Un an !
Nous voilà donc embarqués dans la lecture quotidienne à voix haute de l’intégrale d’Harry Potter. Le loulou se délectait. Comme il avait vu les films, il arrivait à se situer dans la trame narrative et savait se montrer patient dans les passages un peu lents, tout en se montrant avide et passionné pendant les passages qu’il avait adorés sur écran et curieux dans les passages occultés par les réalisateurs. Il buvait mes paroles, et en demandait toujours plus.
Arrivés au Prisonnier d’Azkaban, c’est le papa qui nous a rejoints, parce que ça avait été son film préféré : « Dites-moi quand Hermione remonte le temps, je voudrais écouter ce passage. »
Voilà, j’étais coincée : les 2 garçons attendaient dorénavant le soir pour entendre la suite des aventures de Harry. Je n’avais plus d’autre choix que d’aller jusqu’au bout.
Comme au coin du feu
Nos lectures du soir sont un moment sacré, et ce depuis aussi longtemps que le loulou puisse s’en souvenir. Sa façon de me demander Harry Potter était bien représentative de la phase que nous traversions depuis un moment : il en est aux débuts de sa socialisation, il souhaite voir, faire et être comme les autres. Par ses amis, il s’est ouvert à beaucoup de nouvelles choses, reléguant ainsi nos intérêts familiaux au second plan. L’habitude se perdait, signe qu’il grandissait.
Mais Harry Potter l’a ravivée. D’un coup, il avait tellement envie de savoir (pour pouvoir le raconter à ses amis le lendemain), qu’il s’est mis à prendre l’initiative de demander des chapitres en pleine journée pendant la fin de semaine, et même de tout préparer pour la lecture : canapé, coussins, livre, couverture… Quand son père s’est ajouté à notre club de lecture, ce moment est devenu encore plus spécial, c’était « notre truc » de la journée pour nous retrouver tous les trois, notre expérience commune, notre demi-heure de câlins.
Ouvrir la parole
Ce qui m’a beaucoup étonnée, ce sont les discussions que notre lecture a suscitées. On reconnaîtra facilement que le monde des sorciers de Poudlard est loin d’être merveilleux et idyllique : Harry y côtoie le racisme anti-Moldus, le suprématisme des Sangs-Pur, l’esclavage des elfes, l’appropriation culturelle des Gobelins, les défauts de ses parents et de Dumbledore… autant de sujets sensibles sur lesquels le loulou a eu beaucoup de questions. D’ailleurs, de nombreux auteurs se sont déjà penchés sur la chose. Pour aller plus loin, vous pouvez lire l’article de Catherine sur Harry Potter à l’école de la philosophie ou celui de Marion sur Harry Potter et le féminisme.
Parfois, il nous a vraiment mis dans l’embarras et a ouvert des débats délicats avec son sens du détail (débats qui ne sont toujours pas clos d’ailleurs)!
Pleine de mes a-prioris, je dois dire que je ne m’attendais pas du tout à un univers aussi profond et complet, qui me pousse à parler d’éthique et de morale avec mon fils de 7 ans.
Prendre le temps
Personnellement, j’ai souffert pendant les quatre premiers tomes (oui, la Coupe de feu fait près de 1000 pages, même si il est plus dense et intéressant que les trois précédents, sa lecture s’est faite dans la souffrance) et n’ai eu de l’intérêt pour l’histoire qu’à partir de l’Ordre du Phénix. Le style de l’autrice ne me plaisait pas, je trouvais la traduction pleine de pléonasmes, de répétitions et d’anglicismes, l’histoire creuse et lente, les personnages ne me touchaient pas…
Mais finalement, je suis heureuse de cette expérience. Les sept tomes créent un univers très cohérent, qui évolue et se complexifie au même rythme que ses personnages principaux mûrissent et l’abordent de façon plus juste. Maintenant, je ne suis définitivement pas une fan de Harry Potter, mais je suis capable de lui reconnaître ses grandes qualités.
Passage de relais
Loulou dit qu’il le lira à ses enfants quand son tour viendra. Je pense qu’il le relira bien avant, et sera très étonné par tout ce qu’il va y découvrir en plus de ses souvenirs. Lui-même aura assez grandi pour pouvoir aborder l’œuvre avec un autre regard.
Le but de la lecture du soir était de lui offrir des lectures auxquelles il ne pourrait accéder seul. Je suis vraiment contente d’avoir pris le temps de lui offrir Harry Potter de la sorte : non seulement j’espère que cela lui aura fait passer la peur des grosses briques, mais j’espère surtout qu’il se sera autant enrichi que moi pendant cette année.
Et vous, liriez-vous l’intégrale de Harry Potter en famille ?
Ma fille a 21 ans aujourd’hui. Quand nous pensons à Harry Potter, nous avons elle et moi des souvenirs de complicités, collées toutes les deux dans le lit à lire à haute voix les premiers tomes. C’était un rituel qui prenait souvent plus de deux heures. Nous les lisions avant que ne sortent les films. Chose certaine, cela a contribué à faire de la lecture un moment spécial pour ma fille. Les livres sont sacrés pour elle. J. K. Rollings a réussi à redonner le goût de lire à beaucoup d’enfants. En cela, c’est un exploit. Je m’en souviens comme de très précieux moments.
J’aimeJ’aime
Ping : La difficile tâche de trouver un successeur à Harry Potter | Le fil rouge